présentation

mardi 14 septembre 2021

Douze ans

 

« Tiens, voilà septembre qui m’tombe sur l’moral ».

J’ai douze ans et je n’en mène pas large. J’essaie de ne rien montrer, mais je suis dans un état d’émotion extrême. Mes parents viennent de me laisser dans la cour du collège, pour l’entrée en sixième. Je quittais pour la première fois la ferme familiale ; un grand départ. La pension était aussi terrible que l’idée que je m’en faisais. En écrivant ces premières lignes, je me rends compte qu’en fait, je n’ai que onze ans. Cela ne change rien à cet état d’émotion ; il est toujours le même. Ce sont ces mêmes douze ans, qui me font déverser sur du papier d'écolier un flot ininterrompu d’encre bleu.

J’ai douze ans. J’ai la gorge nouée, si bien qu’aucun mot ne peut franchir la barrière des cordes vocales pour y être soufflé et les rendre audibles. Les tentatives avortent, ma voix n’a aucune assurance.

J’ai douze ans, dans cette chambre d’hôtel. Le parquet craque sinistrement, le lit en bois sombre n’a rien d’accueillant. J’ai réservé trois nuits, et dès la première, par un carreau cassé, le vent de janvier s’invite dans ma tristesse sans Chopin.

J’ai souvent eu douze ans…

J’ai encore douze ans, en regardant mon fils les avoir à son tour… Les mots ne peuvent s’extirper de ma sensibilité, de la nôtre… Nous échangeons des banalités, des petits riens. L’état d’émotion est extrême, on se jette dans les bras l’un de l’autre. Puis, comme je suis meilleur à l’écrit qu’à l’oral, me vient l’idée de lui écrire ce que je ne sais pas dire. Une courte lettre deux cent mots… remplie d’émotions, pour lui dire que je l’aime, que je suis fier de lui, que j’ai confiance en lui pour la suite, pour qu’il y puise sa force comme j’y puise la mienne.