présentation

mardi 30 mars 2021

Graine de bois

 

J’ai lu, quelque part dans la presse régionale, que des chênes provenant de la forêt de Tronçais allaient être abattus en vue de fabriquer la nouvelle charpente de feu notre dame de Paris. Couper un arbre m’a toujours peiné, et je réalise que j’ai planté plus d’arbres que je n’en aie coupé. Peut-être, d’une certaine manière, pour me faire pardonner…

Il était là, caché, non pas par des hautes herbes, non, il était là, confondu dans ces petites que l’on dit mauvaises, au jardin. Il avait eu beaucoup de chance, car il avait échappé aux griffes redoutables du motoculteur, mais aussi à mes mains agiles qui extirpaient à tour de bras ces mêmes petites herbes qui s’accrochent à la terre après le passage de la mécanique. C’est là, en mauvaise posture, que je le vis. Haut comme trois pommes, il semblait m’attendre. Je l’ai saisi avec toute la délicatesse dont je sais faire preuve, en veillant à ne pas détériorer sa racine principale. Plus tard, elle s’enfoncerait dans le sol, tel un rostre, pour y assoir sa stabilité. 

L’identification fut très facile, sans même une application smartphoniènne. Des radicelles et un tout petit tronc, pas plus gros qu’une allumette, émergeaient d’une coquille de noix. Elle avait probablement roulé sa bosse jusque dans le jardin, stoppé sa course folle dans les feuilles de salade, à moins que ce ne soit un écureuil maladroit qui l’eut perdu ; j’en doute. La petite graine avait germé avec les faveurs du printemps, et ce petit noyer fit sa convalescence sous mon attention. À l’automne, après avoir longuement choisi son emplacement, je le plantais. Il a aujourd’hui vingt et un ans, il me dépasse de plusieurs mètres, et me donne les plus beaux fruits qui soient.

Je ne connais pas sa variété, et je n’y accorde aucune importance. Je l’appelle le noyer de Guillaume. C’est un peu mon fils.

 


Pêchers, mignons


 

Noyer de Guillaume
 

 

 

 

vendredi 12 mars 2021

Mademoiselle G

 

Mademoiselle G avait un petit plus, que les autres n’avaient pas. Un petit rien qui faisait toute la différence, et qui donnait à ses cours un parfum particulier. Je n’aimais pas spécialement cette matière, et le professeur que j’avais eu l’année précédente ne me plaisait pas. Il faut dire qu’avec toute la bonne volonté du monde, il ne possédait pas les mêmes atours… Comme quoi, la matière est moins importante que celui ou celle qui l’enseigne. D’autres professeurs m’ont laissé de bons souvenirs. Je pense à monsieur V, professeur de mathématique, que j’avais battu aux échecs, dans une partie mémorable, mais aussi à monsieur D, qui m’initia aux mystères de la photographie argentique, mélange d’ombre et de lumière, dans le secret d’une chambre noire. À moins que ce soit le contraire !

Mademoiselle G, c’était différent. Elle enseignait une langue vivante plus qu’elle nous faisait apprendre une matière. Ses cours étaient une sorte de pause agréable, surtout, parce que, comme dans la chanson, elle avait mis le feu en moi. J’avais avalé la lumière, toute de feu, de flamme and Co. Bien sûr, me direz-vous, à quinze ans, on s’enflamme facilement ; surtout quand les attraits s’en mêlent, et ils s’emmêlaient dans une confusion qui s’étirait de Blois à Guéret. Elle n’était pas vraiment belle, quoique, tout dépend de ce que l’on entend par belle ? C’était autre chose que seules les âmes sensibles savent percevoir. Sa sensibilité que je devinais, la douceur de sa voix qui captivait son auditoire, sans jamais s’élever. C’était aussi ce poème en langue ibérique, sur lequel nous avions travaillé ; une histoire d’amour, ponctué de « capitan, te olvidaré », qui se terminait par un « capitan, ya té olvido ».

C’est dingue, je m’en souviens encore !

À contrario, je me souviens parfaitement de ma professeure de français, qui me l’a fait détester, le français. Les rédactions étaient une torture, les dictées, un calvaire et je ne parle pas des explications de textes. Je n’aimais pas cette professeure que je me suis coltinée pendant trois ans. À mes yeux, elle ne méritait pas mes éventuels et hypothétiques progrès. Dernièrement, j’ai retrouvé mes bulletins de notes de cette époque, et je me suis empressé de les faire disparaître ; je n’avais aucune envie que mes enfants découvrent mon piètre niveau d’alors.

Après ça, allez leur expliquer qu’il faut bien travailler à l‘école ! Fort heureusement, beaucoup plus tard, j’ai fait quelques progrès.