présentation

vendredi 28 février 2020

Dernier de cordée







Le soleil de juin et l'apéritif auquel nous avions été conviés nous avaient passablement escagassés. Aussi, le repas champêtre, offert par la mairie, pour l'inauguration du four banal, arrivait à point...
À l'issue, une douce torpeur semblait s'immiscer en chacun de nous et afin que personne ne sombre dans une sorte de coma idyllique, des activités furent proposées. Course en sac, course à l'œuf pour les enfants. 
Pour les hommes, un tir à la corde, qui réserva bien des surprises, tant aux participants qu'aux spectateurs. 
Rapidement, une équipe se constitua ; et quelle équipe ! Les principaux "gros" paysans s'étaient rassemblés d'un côté et chacun pouvait constater que le terme "gros" n'était pas usurpé. Les cinq hommes accusaient respectivement le quintal, voire plus, sur la balance. 
De l'autre, sans grandes convictions : nous, des pas ou plus paysans ; accusant à peine plus de la moitié... 
La partie semblait jouée d'avance. Le signal fut donné et sans attendre nous enlevâmes la victoire ; les autres furent surpris au dépourvu. 
La revanche s'imposa d'elle-même. Nous fîmes alors mentir les mathématiques et les lois de la physique, selon lesquelles trois cent-cinquante kilos de détermination l'emportèrent sur cinq cent-soixante kilos de conjonction d'incoordination. Mais où était donc ornicar ? On se le demande ! Prétextant une légère déclivité du terrain en notre faveur, une troisième manche fut réclamée. 

À ce moment précis du récit, je dois avouer que c'était vrai, mais personne n'y avait prêté attention...

La partie s'annonçait importante et décisive, on sentait la tension, et pas seulement dans la corde. Nous n'avions pas le droit de perdre, sans quoi nos victoires eurent été sans valeur ; ils n'avaient pas plus le même droit. Pour nous, c'était un jeu, pour eux, un enjeu : ne pas être humilié. 
L'un des adversaires, le dernier de cordée, était un ancien légionnaire qui faisait peur à tout le monde, une sorte d'armoire à glace, sans glace, mais avec tablettes de chocolat. Il avait eu la brillante idée de s'harnacher dans une démonstration de force, semblant dire "moi, je ne lâcherai pas". 
Le malheureux... ! 
Il ne put lâcher prise, quand, avec l'énergie du désespoir, nous entraînâmes les "puissants" hors des limites du terrain. L'intervention inopinée et désespérée de leurs épouses n'ayant servi à rien, sinon à faire se déclarer des prétendantes en notre faveur et accessoirement rééquilibrer les forces. Notre victoire n'en fut que plus éclatante. 
J'ai encore en mémoire les yeux exorbités de notre légionnaire, qui ne les croyait pas, ses yeux ! 

Ce simple jeu avait mis en évidence les tensions, les rancœurs et autres jalousies qu'il peut y avoir dans un petit village d'apparence tranquille. 
Tandis que nous nous remettions de nos émotions, il vint nous saluer. 
Lui, il acceptait la défaite. 

"À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire" 

Bravo les gars !



vendredi 14 février 2020

J'voulais pas...






Que faisais-je dans cette galère ? Telle était la question que je me posais… Je n’avais presque pas dormi, ou très mal. Le réveil, au terme de ce long voyage, arrivait comme un soulagement. 
La nuit avait été glaciale. J’avais eu tout le loisir de m’en rendre compte. Le train était bondé et la seule place que j’avais trouvée était sur la plateforme de métal, dans le soufflet qui reliait les wagons entre eux. 
L’air froid de décembre remontait directement de l’extérieur dans le vacarme assourdissant des boggies. L’inconfort était total ; tout le contraire de mon premier voyage en train couchette. 
Devant la gare, nous étions soudain des centaines à prendre d’assaut un moyen de transport qui nous emmènerait à destination. 
L’aurore était légère, il allait faire presque beau… 
Mon frère m’avait prévenu « tu verras, tu vas devenir le roi du balai et de la serpillière », il allait avoir raison. 
J’aurais préféré glisser ma peau sous les draps que de la risquer sous les drapeaux !





 
Ma formation s’annonçait solide ; douze mois pour apprendre à boire, à peine moins, pour faire la fête, quelques semaines pour devenir un bon joueur de belote. J’allais devenir, malgré moi, un tueur de temps, à plein temps, pour remplir toutes ces journées vides de sens. 
Tout de même, j’ai eu de la chance ! Au centre de sélection, ils voulaient m’envoyer à Pau, dans les parachutistes. Carrément miné, tout dégoûté… Quitte à prendre de l’altitude, je choisis de garder la tête dans les étoiles et les pieds sur terre. La montagne s’imposa comme une évidence. 
Après ma formation, je fus transféré dans une ville d’ingénieurs, à Grenoble… C’est là que j’ai réussi l’exploit de m’attirer la sympathie de mes deux chefs de service. Sans « fayotage », juste en exerçant mon métier, et en leur rendant à chacun, pendant que l’autre était en congé, un service personnel. 
-Monsieur B.. et sa femme furent ravis de leur nouvelle baie vitrée, enfin ouvrante. 
-L’adjudant-chef A….., lui, ce fut des volets à clefs, pour son mas provençal. 
En échange, j’eus la considération du premier, et les « coups de piston » du second ; j’échappais ainsi aux grandes manœuvres… 
Le service national, pour moi, ce fut ça, de la débrouille, du piston, mais pas que ... 
J’ai en ma possession, l’authentique certificat militaire, émanant du ministère des armées, qui me fut remis le jour de la quille, stipulant que j’ai exercé, pendant un an, le métier de secrétaire-comptable. 

C’est dingue ! Mais le jour de la libération, ce n’était pas le moment de chipoter…



samedi 1 février 2020

Bibliothèque 2




Je ne faignante pas, j’avance… Fabriquer un meuble de façon artisanale n’a rien à voir avec le montage d’un meuble suédois. Aujourd’hui, j’ai « poussé » les plates-bandes… Je vous rassure,  celles-ci, il est impossible de les piétiner !
En fait, ce terme ne devrait plus être employé. Il remonte à l’époque où ce façonnage était exécuté à la main. Faire une plate-bande, nécessitait un gros effort ; la quantité de bois à enlever est considérable et il fallait pousser fort sur le rabot. Je revois encore mon père transpirer à grosses gouttes sous l’effort. 
Avec une machine moderne, quoique la mienne soit plus âgée que moi, c’est plus facile, mais le terme est resté. Elles ne sont pas belles, mes plates-bandes ? Et mes mortaises ?

 
 









Elles vont bientôt s’emboîter parfaitement dans une rainure ; preuve que le montage de l’ensemble est proche.

 
 









Encore que, je trouve le moyen de ralentir la fabrication, en y ajoutant un tiroir secret, une porte dérobée, une cachette secrète… qui, du coup, ne l’est plus.
Mais chuuuuut, la suite plus tard…

Pour l’heure, je suis en train de chantourner un ouvrage pour une artiste.
 


 

Un merci particulier à mon fils, qui a réalisé le montage de cette petite vidéo.


*Arrival : Musique extraite de l'album du même nom d'ABBA, interprétée ici par l'orchestre international militaire, Allemand.