présentation

samedi 31 octobre 2020

Pieds niqués

 

Ce n’était pas un défilé de mode. D’ailleurs, j’étais le seul mannequin… malgré mon déhanchement exagéré, mon pas n’était pas aussi assuré que celui d’un professionnel. J’avais pourtant un bon public qui ne perdait rien de ma prestation… Je me produisais devant un parterre d’une vingtaine d’étudiants et diantes en médecine.   Je dois vous dire, que pour cela, j’étais à demi nu et qu’autant de paires d’yeux me mettaient mal à l’aise… Bizarrement, s’il avait fallu faire la même prestation en tenue d’Adam, je crois que je l’aurais fait, tellement je voulais apporter une fin à mon calvaire…

Un long processus m’avait amené jusque dans ce couloir d’hôpital ; une petite dose d’audace, et de chance aussi. Je passais en consultation auprès d’un grand professeur de médecine, et ce, sans avoir pris de rendez-vous. Cela parait impensable maintenant, voire impossible, pourtant, ce fut la réalité. Ce n’est pas ma modeste personne qui l’intéressa, mais bien ma pathologie. L’espace de quelques secondes, je délaissai les cannes anglaises et montrais mes piètres performances pédestres. Quelques pas d’une souffrance insupportable suffirent à poser un diagnostic. Cela faisait des mois que j’errais de médecins spécialistes en marabouts de ficelle, et aucun n’avait su dire ce que j’avais. Une chose était sûre, marcher m’était impossible… Cependant, cette consultation impromptue me fit bonne impression, car, cette fois-ci, j’avais un bon pressentiment... Je quittai mon professeur, avec en poche, un traitement à trois francs six sous et l’adresse d’un orthésiste plantaire, une pointure dans le métier, si j’ose dire.

 

Pas de vitrine tape à l’œil, une petite porte actionnait une clochette sans fée. C’était peut-être même un simple grelot. Ça sentait la simplicité et le professionnalisme ; j’aimais. Des moulages s’alignaient sur des étagères ; des pieds droits, des gauches, des pieds grecs ou égyptiens, des pieds d’argiles… Un festival de pieds même pas nickelés. Il m’apprit qu’ils appartenaient à des sportifs d’outre atlantique ; l’éloignement justifiait cette façon de travailler. Quant à moi, il avait mes pieds sous la main. Pascal T fit un travail remarquable. La clef de voûte de l’édifice orthopédique, outre les coins pronateurs et supinateurs, fut bel et bien la qualité de son travail minutieux. Il officia de mains de maître, aux petits oignons, si je puis dire, et me remit en selle.                                                                              Progressivement, j’ai remisé les béquilles. Quelques mois plus tard, je pouvais, à nouveau, courir comme un lapin.

Y a pas à dire, ma visite inopinée et audacieuse, dans un moment de désappointement, a été payante. 

 

 

lundi 19 octobre 2020

Une lettre

 

J’avais toujours voulu écrire cette lettre ; la dernière… Il était trop tôt, l’incendie faisait rage, ô désespoir. Inconsciemment, je savais qu’un jour viendrait où je saurais l’écrire. Lorsque j’entendis pour la première fois cette chanson, ♫♫♫ les mots me vinrent tout naturellement. Elle me parlait directement au cœur, à moins que ce ne soit à l’âme.

À quoi bon, me dis-je !

Cette lettre fut très facile à écrire, les mots coulèrent de source, aussi clairs que de l’eau de roche. Sans haine ni colère, sans rancœur ni regrets ; apaisé, enfin… J’avais gardé les mots en moi. Ils étaient restés emprisonnés quelque part entre ce morceau de chair qui me servait de cœur, et ces autres que le souffle des accordes vocales fait vibrer. Simplement les coucher sur du papier d’harmonie, comme une chanson que l’on donne. ♫♫♫

Parce que les écrire m’a fait beaucoup de bien, parce que le temps avait fait son œuvre… Parce qu’elle m’avait dit que j’étais un homme comme il n’y en avait plus…

Parce que moi, je l’ai cru, comme Robinson Crusoé.

 

 

vendredi 2 octobre 2020

Tracto-stop

 

Ils auraient bien voulu monter dans la voiture de cette jolie fille…! C’est la réflexion que nous nous fîmes, avec mon frère. La jolie fille en question n’était autre que notre sœur, qui suivait en auto, le tracteur et son attelage. Nous allions récupérer le bois de chauffage que nous avions débité tantôt.

Sur le bord de la route, deux grands échalas, que surmontaient deux immenses sacs à dos, marchaient le pouce tendu, non pas pour « liker », mais pour signaler qu’ils faisaient de l’auto-stop. Ils se rendaient dans un patelin perdu de haute Loire où se tenait un quelconque championnat de motos enduro, dont c’était, il y a peu, le quarantième anniversaire. içi 

Cela faisait des jours que nous apercevions une fumée intense se dégageant des bois, dans un bourdonnement de ruche et qui montait lentement vers le ciel, repérable des kilomètres à la ronde. C’était donc cela… ! Ils auraient sûrement préféré monter en auto, Mais mon frère est un peu comme moi… un peu ours, et leur enjoignit de s’installer sur les garde-boues du tracteur, qui servent occasionnellement de sièges pour passagers. Pour deux aventuriers comme ceux-là, c’était de la gnognote !

Accrochez-vous », leur conseilla mon frère.

Non-non, pas la peine, on a l’habitude »  !

Visiblement pas assez, puisqu’ils faillirent tomber, lors du démarrage, certes un peu brusque, mais inhérent à ce genre de véhicule. Ils ne lâchèrent plus la poignée de maintien jusqu’à destination, et ne purent lorgner à leur guise sur la personne de notre sœur, qui, vue de si haut, leur offrait son plus beau profil, de face.