Avez-vous remarqué comme le mot « grenelle » est cuisiné à toutes les sauces ? Au moins aussi souvent que « table ronde », mais sans chevaliers, ni Laspales… ! Très récemment, je ne fus pas sollicité une énième fois pour tomber dans un panneau, fut-il photovoltaïque, mais pour une isolation à prix modique. Ces démarchages téléphoniques, autant intrusifs qu’intempestifs, finissent par me taper sur les nerfs. Lorsque je ne raccroche pas, j’ai tout un panel de réponses toutes faites que j’utilise avec parcimonie. Là, pour le coup, j’innovais. J’improvisais une réponse en langue anglaise, avec mon accent auvergnat.
Mon interlocutrice me prit au dépourvu. Son phrasé était fluide, et ses mots, à faire pâlir tous les marquis de Sade me scotchèrent tout net. Je répondis un peu gêné, enfin, en prenant l’air gêné ; je devais jouer mon personnage avant tout. Je ne sais pas si j’ai été convainquant, car elle ne put retenir un fou rire que je devinai vrai.
« Accroche-toi Jeannot » comme disait Guy Bedos ; là, elle me draguait grave, ou alors elle libérait le stress accumulé par les rembarrages successifs. Je jouais le jeu autant que mon niveau d’anglais me le permettait. Hélas, je dus interrompre cette sorte de coïtus par un « désolé, mais votre maîtrise de la langue de Shakespeare est nettement supérieur à la mienne, je ne peux plus suivre » …
- Vous parlez français, s’exclama-t-elle !
- Oui, un peu, beaucoup.
C’était très drôle, nous avons beaucoup ri. Puis le boulot a repris le dessus. Dans un soupir, j’entendis ces quelques mots : « bon, ben, c’est pour l’isolation à un euro… »
- ah oui, bien sûr, où avais-je la tête, lâchais-je, comme le père. C'eut été dommage de gâcher un aussi bon moment… Nous nous souhaitâmes un au revoir enjoué ; heureux d’avoir égayé ce moment, dans un travail que je n’aimerais pas faire.
Pour ce qui est de l’isolation, lorsque j’ai construit ma maison, j’ai allégrement surpassé les normes en vigueur, et ce, sans attendre un grenelle de ceci ou cela.