présentation

mercredi 25 août 2021

Prospection !

 

 

Avez-vous remarqué comme le mot « grenelle » est cuisiné à toutes les sauces ? Au moins aussi souvent que « table ronde », mais sans chevaliers, ni Laspales… ! Très récemment, je ne fus pas sollicité une énième fois pour tomber dans un panneau, fut-il photovoltaïque, mais pour une isolation à prix modique. Ces démarchages téléphoniques, autant intrusifs qu’intempestifs, finissent par me taper sur les nerfs. Lorsque je ne raccroche pas, j’ai tout un panel de réponses toutes faites que j’utilise avec parcimonie. Là, pour le coup, j’innovais. J’improvisais une réponse en langue anglaise, avec mon accent auvergnat. 

Mon interlocutrice me prit au dépourvu. Son phrasé était fluide, et ses mots, à faire pâlir tous les marquis de Sade me scotchèrent tout net. Je répondis un peu gêné, enfin, en prenant l’air gêné ; je devais jouer mon personnage avant tout. Je ne sais pas si j’ai été convainquant, car elle ne put retenir un fou rire que je devinai vrai.  

« Accroche-toi Jeannot » comme disait Guy Bedos ; là, elle me draguait grave, ou alors elle libérait le stress accumulé par les rembarrages successifs. Je jouais le jeu autant que mon niveau d’anglais me le permettait. Hélas, je dus interrompre cette sorte de coïtus par un  « désolé, mais votre maîtrise de la langue de Shakespeare est nettement supérieur à la mienne, je ne peux plus suivre » …

-    Vous parlez français, s’exclama-t-elle !

-    Oui, un peu, beaucoup.

C’était très drôle, nous avons beaucoup ri. Puis le boulot a repris le dessus. Dans un soupir, j’entendis ces quelques mots : « bon, ben, c’est pour l’isolation à un euro… »

- ah oui, bien sûr, où avais-je la tête, lâchais-je, comme le père. C'eut été dommage de gâcher un aussi bon moment… Nous nous souhaitâmes un au revoir enjoué ; heureux d’avoir égayé ce moment, dans un travail que je n’aimerais pas faire.

Pour ce qui est de l’isolation, lorsque j’ai construit ma maison, j’ai allégrement surpassé les normes en vigueur, et ce, sans attendre un grenelle de ceci ou cela. 


samedi 7 août 2021

Merci patron !

 

Lambiance n’était pas encore délétère. Elle ne tenait probablement qu’à un fil ; cela faisait des mois que nous étions sous tension alternativement continue. De période d’observation en périodes probatoires, six, douze, dix-huit mois étaient passés sans que nous n’aperçussions l’ombre d’une éclaircie. D’ailleurs, une éclaircie peut-elle faire de l’ombre… ? Nous savions que nous nous dirigions vers une fermeture inéluctable et définitive de l’entreprise dans laquelle j’officiais. Mon côté paysan, celui qui aborde l’été en prévision de l’hiver, m’avait préparé à cette situation… J’avais tricoté un bas de laine qui me permettrait de ne pas être tributaire d’un salaire qui tombait avec parcimonie. La fin était proche, les rats commençaient à déserter le navire. Ces mêmes scélérats n’eurent aucuns scrupules à nous précipiter dans la galère. Les lettres de licenciement arrivèrent comme une délivrance. Les journées, ponctuées de pauses-café, croissants, parties de cartes, vin chaud, apéros et autres graillous, commençaient à peser dangereusement… Ne sachant errer de désœuvrement en désœuvrement, j’ai mis à profit ce temps perdu, à défaut de partir à sa recherche…

La mini holding, aux prétentions de multinationales, s’écroula comme un château de cartes, à la manière des dominos savamment mis en scène dans des vidéos à couper le souffle. Une entreprise entrainant la suivante dans sa chute, dans un  « montage » négligemment orchestré. Quel gâchis !

Par la suite, j’eus l’occasion de tester ce lieu de déshumanisation où on vous apprend à chercher du travail. Bardé d’un dossier à peine plus épais qu'une ablette en chocolat, un truc incompréhensible qui offrait plus de contraintes que d’aides… je quittais l’agence, en me jurant que je me passerais de leurs services. À défaut d’être une boule de flippers, qui roule, je suis plutôt comme un ballon. Pour rebondir, j’ai besoin d’avoir suffisamment d’air à l’intérieur.