-Dis donc, Xoulec ! Tu n’as pas honte, de te
prélasser de la sorte ?
-Ben, non ! Tu vois bien, je suis confortablement
installé sous le tilleul, j’infuse…
- Mais au fait, qui es-tu, pour me demander
des comptes ?
-Je suis ta conscience.
-Tu veux plutôt dire, mon inconscience ? Une sorte
de Gémini Cricket, comme celui qui officie chez Célestine et que j’ai mis un
temps fou à identifier…
-Non, je suis juste ton autre toi, celui qui partage ce
même corps, ton côté pile.
-Ah oui, mon côté face est le capitaine de ce radeau qui
me méduse !
-Effectivement, c’est toi le capitaine, oh capitaine.
Mais je me dois de te rappeler que tu as une bibliothèque à fabriquer…
-Merci, mais tu devrais savoir que je
suis comme la cigale de la fontaine ; j’attends que la bise vienne. Je
suis plus à l’aise pour travailler. Ce n’est pas que je sois fainéant par ici,
mais il fait si chaud à midi…
-Dis donc, tu ne serais pas un peu du sud ?
-heu, du sud, du sud, du sud de quoi ? Et qu’est-ce
que tu insinues, par-là ? Je te rappelle que j’avance. Ce n’est pas une
évidence, mais j’avance... Débiter un mètre cube de bois ne se fait pas en trois
coups de cuillère à pot… Tout d’abord, définir ce que je veux réaliser, j’en ai
déjà parlé : une bibliothèque louis XVI.
Il faut ensuite répertorier toutes les pièces qui la composent,
sur une fiche de débit. Tracer chaque morceau sur les planches de frêne et
ensuite, procéder au débit, proprement dit. Attention les doigts !
Voilà, après plusieurs heures à tronçonner, déligner,
j’ai terminé ma bibliothèque. Euh, enfin, j’ai terminé le débit. Elle est
là !
N’est-elle pas belle !
Ah oui, j’oubliais ! Moi, j’ai l’image dans la
tête… Pour vous, il va falloir attendre encore. J’aime laisser le temps au bois
de se stabiliser avant de le mettre en œuvre ; opération qui ne débutera
pas avant l’hiver. Je suis un gars lent, mais ça aussi, je l’ai déjà dit.
De
plus, en cours de route, je trouve le moyen de m’ajouter des ouvrages
supplémentaires, comme ce superbe feuillet que je destine à la fabrication
d’une palette de peintre. Si d’aventure en aventure, je croise le chemin de Chinou, ce sera pour elle…
Il ne me reste plus qu'a le raboter, chantourner, un coup de ponçage et je le remise dans un coin du garage.