présentation

samedi 23 janvier 2021

Trésor perdu !

 

 

Il y avait, posé sur les entraits retroussées de la charpente du grenier, des planches auxquelles nous avions interdiction de toucher. Elles nous faisaient diablement envie, pour satisfaire nos désirs de cabanes ou autres inventions en tous genres. S’en emparer, sans attirer l’attention de mon père, était du domaine de l’impossible. Quand bien même, tôt ou tard, il aurait fini par découvrir la forfaiture. Nous nous contentions de lorgner dessus comme sur une gourmandise interdite. Juste à côté, reposaient en paix les béquilles du grand-père ; celles-là même qu’il avait ramenées de cette maudite guerre que tout le monde se plaît à dire qu’elle était grande… Grande par son atrocité, certainement. 

À en juger par la couche de poussière qui uniformisait l’ensemble, les planches semblaient avoir le même âge. Je soupçonne mon père de n’y avoir jamais touché. Ainsi, cela faisait plus de septante ans qu’elles attendaient je ne sais quoi, je ne sais qui. Je ne savais pas encore que ce serait moi... 

Des années plus tard, mon diplôme en poche et ma précieuse machine à bois, mon père me donna le droit d’en faire ce que je voulais. Je dois dire que les lyctus et autres vrillettes, elles aussi, en avaient fait autant. Ces bestioles s’en étaient donné à mandibules joie. Des deux planches de noyer, complètement vermoulues, je réussis à extraire quatre bouts de bois qui me réchauffèrent le cœur à la manière d’une petite bricole, un cadre pour un petit miroir. Des autres en merisier, j’ai pu débiter le piètement de mon tout premier meuble. 

Un « argentier » de style louis XVI. 

 

 Premier meuble en bois

 

Inutile de vous dire que c’est un style que j’aime particulièrement. Des lignes droites, des courbes très épurées, des sections fines, pas de superflus, pas de fioritures.

 

 

Une console en chêne

 

Mon bureau

 Avant d’écrire ces lignes, je ne m’étais pas rendu compte que la description que j’en fais, d’une certaine façon, me ressemble ; au risque de paraître prétentieux. Ma récente bibliothèque  est un parfait exemple de simplicité des lignes.

 

 

bibliothèque en frêne

 

 

 

samedi 9 janvier 2021

Vague à lame

 

 

Je ne sais pas vraiment l’expliquer, mais j’ai toujours été fasciné par les lames. Peut-être est-ce l’influence des films de cape et d’épée, ou bien par le légendaire renard qui signait son nom à la pointe de l’épée, d’un Z, qui voulait dire Zorro. Mon père magnait avec maestria « la daille », un autre outil tranchant comme un rasoir ; une faux, en français de France. Fine lame d’acier dont le fil exceptionnel est obtenu par un étirage du métal. En martelant méticuleusement, millimètre après millimètre, le tranchant devient aussi fin qu’une feuille de papier ; redoutable... Le mouvement du faucheur fait le reste. Je fus aussi tout autant fasciné par cet autre outil, un coupe-chou. 

 

 

Fine lame, dangereuse, meurtrière, d’où son nom… Manié avec dextérité, le rasoir laissait la peau aussi douce qu’une peau de bébé. J’eus quelque fois la délicate mission de tenir le miroir pour mon père, alors que j’étais tout petit. Puis un jour, il s’acheta un rasoir dit « de sécurité », les coupures disparurent avec… 

 


 C’est cette même fascination des lames qui fait que je suis capable de passer des heures à lécher les vitrines des couteliers d’une célèbre ville. Admirer une belle pièce, l’imaginer dans ma main, quelques fois la vouloir ; d’autres fois me l’offrir. 

 

un laguiole


L’artisan montait ses couteaux « en direct », devant un public curieux et avide d’authentique. Son échoppe s’ouvrait sur la rue et l’attroupement qu’il occasionnait ne se résorbait jamais. Je possède plusieurs couteaux de poche, un pour chaque jour de la semaine, mais celui que je préfère est un modèle particulier, une marque déposée, un « Thiers ». 

 



Parce que j’aime sa ligne simple et pure, la barre d’un  « T » majuscule, parce que le fabriquant est une fabricante, (clic) mais surtout, parce que ce couteau fermant renferme un secret d’ouverture, et comme vous le savez, j’aime les secrets… J’aime aussi cette tradition  qui veut que lorsque on offre un couteau, un objet tranchant en général, on doit donner une pièce, un sous en échange, peu importe la valeur, ce qui compte, c’est de ne pas couper l’amitié…

 

 «En général, on doit donner une petite pièce de monnaie lorsqu'une personne nous offre un couteau. ... Il est répandu que si un couteau est offert, cela porte malheur. La superstition vient du fait que dans la tradition, un couteau ne s'offre pas, il s'achète. Le couteau doit résulter d'un échange monétaire.»  (Sabatier, fabricant)

 

 La coutellerie ne se limite pas aux simples couteaux, elle englobe tous les outils tranchants.

 



 La fabrication d’un couteau, d’une lame, est un art riche de cinq siècles d’expérience. Il suffit de regarder, de tenir dans sa main un couteau, qu’il soit de table, de cuisine ou de poche, pour faire la différence avec une « chinoiserie » bas de gamme, grand public. La lame la plus prestigieuse est sans conteste la lame « Damas », mélange d’acier dur et doux, dans une subtile combinaison de pliages, torsades, et autres manipulations qui me sont inconnues. Son tranchant est exceptionnel. Un couteau en « Damas » est très facile à identifier, par un bain dans une solution acide, la lame révèle un décor unique. Les différentes pliures et autres tortures du métal se font jour dans une sorte de consécration de l’art.(clic), (suite)

Chaque année, le salon « Coutellia » (clic) attire des milliers de passionnés du monde entier. Ce n’est pas rien !

 

Dans une autre vie, j’aimerais être coutelier, pour le plaisir.