présentation

samedi 28 mars 2020

Lapin chassé





Le manège des autos m'intriguait. Cela faisait plusieurs heures que des voitures empruntaient ce petit chemin, qui ne sentait pas la noisette, mais le sapin. Nous étions dans une forêt, dans des bois noirs. 
L'après-midi avait été des plus agréables, coucourlé l'un contre l'autre, à conter fleurette au beau milieu d'une clairière, où, au printemps, fleurissaient les jonquilles par milliers. 
D'après ce que j'avais lu sur la carte, ce chemin ne menait nulle part, ou alors au fin fond du bout du monde. Mais que se passait-il donc, au bout de ce monde ? 
La curiosité titillée, en partant, nous l’empruntâmes, il fallait que l'on sache. Aïe ! Au détour d'un virage, et masqué par deux arbres aux fûts énormes, se tenaient deux hommes armés de fusils de chasse. Je dois avouer que nous n'en menions pas large, une impression d'être tombé dans une embuscade.
Une réunion de chasseurs, avec gros 4x4, vieilles voitures, barbecue, alcool et fusils. Cocktail potentiellement explosif ! 
Le droit d'entrée fut un verre de rouge, un truc qui tache, une horrible piquette qui empêcherait, à coup sûr de devenir centenaire ; à consommer directement au volant. 
Animé par un sixième sens, j'eus l’impression qu'il ne fallait pas rester là. Nous traversâmes le campement, le plus « incognito » possible et nous échappèrent par l'unique sortie. 
Ouf ! Nous n'avions aucune envie d'être fait prisonnier par ces protecteurs de la nature.



mardi 24 mars 2020

Confinement





Nous étions confinés malgré nous... La neige était tombée abondamment. Nous ne le savions pas encore, mais cela allait durer plusieurs semaines. 
Il n’y avait aucune information qui ne tournait en boucle, d’ailleurs, il n’y avait pas d’électricité non plus. 
Nous étions coupés du monde. Les vacances de Noël étaient terminées et la météo, qui en rajoutait une couche, venait les prolonger ; nous étions ravis. Certes, au début, vu la proximité avec l’école, nous n’avons pu y échapper. Les copains des autres hameaux restaient chez eux ; nous, pas. 
Cependant, l’école avait quelque chose de ludique, notre maîtresse n’était plus aussi sévère ; l’instruction qu’elle distillait avait ce quelque chose de méthode avancée chère à Brassens… Hélas, la séance ne dura pas plus d’une semaine. 
Dès lors, le programme fut différent. Batailles de boules de neige avec « pharaon », un berger à la précision redoutable, parties de luges, l’après midi, et de cache-cache dans le foin. Notre institutrice, elle aussi était confinée dans ses appartements et ne jouait pas.
Nous nous contentions de peu. Il n’y avait pas eu de razzia sur les pelles à neige, ni sur quoi que ce soit d’autre !
Olivette gérait au mieux son épicerie. Personne n’aurait songé à dévaliser ses rayons, elle y veillait comme un Cerbère. 
Ce qui faisait défaut, c’était les bougies et le pétrole, pour les lampes. Seules moyens d’éclairage ; il fallait économiser. 
Chez nous, ce n’était pas un vain mot… Nous vivions hors du temps. Aucune livraison, plus de facteur, plus de nouvelles. L’unique téléphone de la cabine publique ne fonctionnait pas, plus de marchands ambulants, plus de pain. Les chasse-neiges n’arrivaient plus à ouvrir les routes, quand ils n’étaient pas bloqués eux-mêmes.  
Le confinement prit fin un soir, dans un vacarme effroyable. Un chasse-neige, que l’on appelle une fraise fut dépêché de la station de ski cantalienne.

Tandis que nous admirions son fonctionnement dans le dernier tronçon de route encore bloqué, un voile de morosité fondit sur nous. Nos « vacances » étaient terminées.
Nos parents étaient ravis, nous avions survécu.




lundi 23 mars 2020

Pensive...



Devoir de Lakévio du Goût



Une fois n'est pas coutume, je vais enfin rendre mon devoir en temps et en heure.
Ce fut facile, j'ai immédiatement trouvé dans ma mémoire, une chanson toute faite qui illustre parfaitement, à mon sens, cette image.




"Elle attendait, le cœur serré,
Le dernier bateau du courrier.
La mer n'était pas souvent d'huile,
Entre Molène et Belle-lle.
Les cheveux noués dans un foulard,
Elle attendait, au pied du phare,
Un bruit de moteur ou de voile,
Du matin jusqu'aux étoiles.
Elle entendait, au fond du vent,
Comme un espoir du continent.
Avec les marées de l'automne,
C'est fou ce que le cœur frissonne,
C'est fou ce qu'une femme entend.
Elle attendait, le cœur serré,
Le dernier bateau du courrier.
La mer lui renvoyait ses peines
Dans la chanson des sirènes.
Elle entendait, au fond du temps,
Comme un appel de l'Océan.
C'est pas d'hier qu'avec l'automne,
Les marées lassent le cœur des hommes.
C'est fou ce qu'une femme entend."

M. Sardou

samedi 21 mars 2020

L'homme qui tombe à pic




Le funambule roulant était son surnom. Lui et son équipe étaient venus tout près de chez moi, présenter un spectacle. 
Dans ces années-là, la fête votive du quinze août était prestigieuse. 
Marché aux veaux, foire à tout, spectacle de danse, course cycliste, corso fleuri et le feu d'artifice qui clôturait la journée. 
Celle-ci avait été riche en rebondissements, si je puis dire. Jean Sunny en personne en était un acteur ; en faisant voler et rebondir des voitures, les mêmes que celles des habitants du cru, qui n'en croyaient pas leurs yeux. Simca aronde, 403 et 4 (font7), DS, traction avant... 
Et autre « torpédo », comme disait mon père.
Après le show, c'est à peu près une dizaine de voitures qui étaient rendues à l'état d'épaves. Mais des épaves qui avaient attiré l'œil averti de mon père. En effet, ces flambantes vieilles étaient toutes équipées de pneumatiques en meilleurs états que ceux de la traction paternelle. 
Fidèle à la réputation selon laquelle l’Auvergnat est économe, l'idée de les récupérer germa aussitôt, et à la nuit noire, l'opération "récupération" fut lancée.
Mais par un prompt renfort, d'autres avaient eus la même idée... 
Les voitures furent dépouillées de leurs attraits, comme autant de bois et guérets. 
Dans la joie et la bonne humeur, chacun récupéra son « souvenir ». 

Non mais, chez nous, on ne gaspille pas !


vendredi 20 mars 2020

Epidémie


   



Les consignes n'étaient pas aussi claires que maintenant... 
C'était une époque où l'on n'abattait pas tout un troupeau pour une bête malade... Une épidémie sévissait, une fièvre affreuse qui empêchait les animaux de s'alimenter. 
Il n'y avait pas de confinement, d'ailleurs, les marchés aux bestiaux étaient autorisés ; pour les animaux saints, s'entend ! Seule précaution pour éviter la propagation : fermer la frontière du département. 
Coutumier des marchés dans le département voisin, mon père ne changea rien à ses habitudes. Mais là, il avait avec lui un passager clandestin, qui était, en l'occurrence, une passagère. 
Confortablement allongée à l'arrière de la traction Citroën, la chèvre de monsieur Xoulec ne bronchait pas, elle devait même trouver cela amusant. D'habitude, les animaux étaient transportés dans une petite remorque spécialement conçue pour. Là, c'était le grand luxe. 
Toujours est-il que cette chèvre avait un grand sens des responsabilités, et respectueuse des règles, car, en arrivant en Haute-Loire, elle se releva pour saluer des représentants de la maréchaussée en faction à un carrefour...
En clair, ils bullaient. Aussi, ils virent parfaitement la chèvre les saluer d'un air désinvolte. Mon père écopa d'une amende et fit demi-tour ; pas très fier de lui. 
C'est fou comme les animaux sont plein de bon sens, ce qui manque assez souvent à un certain nombre d'humains...