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mardi 24 mars 2020

Confinement





Nous étions confinés malgré nous... La neige était tombée abondamment. Nous ne le savions pas encore, mais cela allait durer plusieurs semaines. 
Il n’y avait aucune information qui ne tournait en boucle, d’ailleurs, il n’y avait pas d’électricité non plus. 
Nous étions coupés du monde. Les vacances de Noël étaient terminées et la météo, qui en rajoutait une couche, venait les prolonger ; nous étions ravis. Certes, au début, vu la proximité avec l’école, nous n’avons pu y échapper. Les copains des autres hameaux restaient chez eux ; nous, pas. 
Cependant, l’école avait quelque chose de ludique, notre maîtresse n’était plus aussi sévère ; l’instruction qu’elle distillait avait ce quelque chose de méthode avancée chère à Brassens… Hélas, la séance ne dura pas plus d’une semaine. 
Dès lors, le programme fut différent. Batailles de boules de neige avec « pharaon », un berger à la précision redoutable, parties de luges, l’après midi, et de cache-cache dans le foin. Notre institutrice, elle aussi était confinée dans ses appartements et ne jouait pas.
Nous nous contentions de peu. Il n’y avait pas eu de razzia sur les pelles à neige, ni sur quoi que ce soit d’autre !
Olivette gérait au mieux son épicerie. Personne n’aurait songé à dévaliser ses rayons, elle y veillait comme un Cerbère. 
Ce qui faisait défaut, c’était les bougies et le pétrole, pour les lampes. Seules moyens d’éclairage ; il fallait économiser. 
Chez nous, ce n’était pas un vain mot… Nous vivions hors du temps. Aucune livraison, plus de facteur, plus de nouvelles. L’unique téléphone de la cabine publique ne fonctionnait pas, plus de marchands ambulants, plus de pain. Les chasse-neiges n’arrivaient plus à ouvrir les routes, quand ils n’étaient pas bloqués eux-mêmes.  
Le confinement prit fin un soir, dans un vacarme effroyable. Un chasse-neige, que l’on appelle une fraise fut dépêché de la station de ski cantalienne.

Tandis que nous admirions son fonctionnement dans le dernier tronçon de route encore bloqué, un voile de morosité fondit sur nous. Nos « vacances » étaient terminées.
Nos parents étaient ravis, nous avions survécu.




22 commentaires:

  1. "Nous étions confinés malgré nous" je me demande si on l'est de son plein gré. A moins d'avoir un tempérament très particulier, où un problème de santé type Proustien...
    Tu as toujours un langage très imagé, et je me souviens à te lire des bougies et de la lampe à pétrole qui paraient les pannes de courant fréquentes quand j'étais enfant. J'adorais cette sensation d'intimité qui émanait de ces sources de lumière ténues.
    Et oui, le confinement a toujours une fin.
    Je te met là ce lien, quelque chose me dit que tu vas aimer http://www.labaladine.com/2020/03/confinement-le-virus-est-a-paris-et-les-parisiens-sont-chez-moi-par-denis-beauchamp.html
    Bises de mer bleue sous ciel bleu (enfin à cette heure-ci le ciel est plutôt d'un noir blanchi d'étoiles)

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    1. Je me suis mal exprimé, grrrrrrrr. Je voulais dire par-là, que personne n'avait décrété un confinement... Le général Hiver dictait sa loi. Le soir, à la lueur de la flamme, nous jouions aux ombres chinoises.
      Excellent, ce lien, plein de bon sens, comme j'aime. Merci, je vais y revenir...
      Bises ensoleillées, mais fraiches

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    2. Hey, c'est pas grave, j'avais compris, c'était juste une réflexion quasi intérieure, en fait. Tu sais, quand on pense un truc pour soi et qu'on n'arrive pas à s'empêcher de le marmonner...
      J'étais sûre que les dires de Denis Beauchamp te parleraient. Tu peux le retrouver sur Twitter, j'ai beaucoup appris sur le monde agricole grâce à lui et quelques autres Je te mets le lien https://twitter.com/GrainHedger
      Bisous

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    3. Eh, merci, c'est très instructif ! Enfant/ado, je ne m'intéressais pas à l'agriculture. Je peux cependant d'affirmer que mes parents n'utilisaient aucun pesticide. Excepté pour se débarrasser de ces maudits doryphores... Les graines "fragiles", quand elles n'avaient pas suivi un traitement chimique, comme celles de la luzerne ou du trèfle étaient semées après le coucher du soleil, tout simplement.
      Je cultive mon potager, et n'utilise aucun produit ; sinon, le purin d'orties. Ça pue, mais les plantes traitées avec, lui disent merci.
      Bise

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  2. Je me souviens aussi de ces temps, c'est pas si loin non plus, où on était en vacances prolongées je n'aimais pas l'école ça m'arrangeait bien !

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    1. C'était hier, en 1970/71. Il n'y avait pas d'eau courante, chaque jour, mon père allait abreuver les vaches au bac, qu'il dégelait le premier.Je me souviens que la hauteur de neige atteignait la croupe des vaches. C'est dire s'il y en avait !!!

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  3. C'est fou comme le temps qui nous parait si long aujourd'hui à pu passer si vite depuis notre enfance.
    Je me souviens de ma grand mère Cantalouse qui mettait des braises, le soir, dans la bassinoire pour réchauffer nos draps et ces énormes édredons moelleux.
    La cheminée immense dans laquelle nous pouvions nous installer sur le banc pour avoir plus chaud. Je crois même y avoir vu, suspendus, des jambons qui profitaient de la fumée.........
    Que de bons souvenirs que nous ne savions pas apprécier à l'époque. MERCI

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    1. Nous ne savions, surtout pas, que nous vivions la fin de toute une époque...
      Nous, pour chauffer le lit, nous pliions dans du papier journal, une brique réfractaire, qui avait chauffée toute la journée sur la cuisinière en fonte ; chacun sa brique, et tant pis pour celle ou celui qui l'avait oublié...

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  4. Je n'ai jamais vécu cela, ayant passé ma jeunesse en ville, à Lyon, mais je sais que cela arrivait à mon oncle et ma tante et leurs enfants qui vivaient un petit village de Haute-Loire bien éloigné de la ville et desservi juste par des chemins de terre. A l'époque, on pouvait vite se retrouver confinés à cause de la neige car le chasse-neige ne passait pas tous les jours !
    Merci pour ce joli récit de ton enfance, Xoulec.
    Bises de ma campagne.

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    1. Habitant presque à la limite de la Haute-Loire, nous étions plus souvent "dégagée" par elle. Le village voisin (Altiligérien) disposait d'un petit chasse neige. Mais là, il y avait vraiment beaucoup de neige, et puis là-haut, c'est le vent qui est terrible. Il forme, à lui tout seul, des congères immenses, infranchissables, et ce, en très peu de temps.
      Bise aussi, de ma campagne puydômoise

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  5. Étant un citadin, je n'ai pas ce genre de souvenirs de village coupé du monde. Seulement des hivers rudes dans les années 1950. Et l'appel de l'Abbé Pierre, même si le souvenir n'est pas précis je me rappelle de cette grande mobilisation.
    En revanche je me souviens des vacances de Noël chez ma tante à la campagne. Il faisait glacial dans les chambres à l'étage, sans chauffage. Les draps humides, les grosses couvertures, l'édredon, le givre sur les vitres. Alors qu'on sortait de la cuisine quasiment surchauffée par la cuisinière à charbon. Ce ne sont pas de mauvais souvenirs. Au contraire. Une sorte d'aventure. Et puis dans la rue on faisait des glissades sur le sol gelé…

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    1. Ces hivers rudes nous ont forgés, d'une certaine façon.
      Les chambres n'étaient pas chauffées, il n'y avait pas de thermomètre pour nous donner la valeur du froid. Tu as raison, ces conditions climatiques étaient vécues comme une sorte d'aventure. Nous nous rendions pas vraiment compte que c'était plus difficile pour nos parents, notamment pour s'occuper des vaches et du foin à la lueur d'une lampe-tempête. Il y avait toujours en mémoire l'histoire d'untel ou d'un autre qui avait mis le feu à sa ferme. mille précautions étaient prises.

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  6. Tu m'as rappelé l'hiver 70 on n'avait pas eu école pendant un mois, à l'époque, on savait s'amuser seul, s'occuper (j'écoutais des disques et je dévorais des bouquins)
    Mais on ne vit pas les choses de la même façon quand on est enfant. Comme dit Alain, c'est souvent une aventure...retrouver cette façon positive d'accepter l'inévitable, c'est peut-être le challenge de cette aventure-ci. Une expérience humaine à grande échelle, puisque le monde entier est concerné...
    Bisous de midi (eh oui, on n'a plus d'heure en confinement...)
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    1. C'était bien l'hiver 70/71. Les toitures d'ardoises, surchargées de neige, la déversaient juste devant la porte d'entrée. Elle était si tassée, que nous y creusions des marches d'escalier ; on pouvait accéder aux fenêtres de l'étage.
      Sacrée expérience humaine à grande échelle, tout de même !
      Bises de début de soirée...

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  7. Je n'ai pas connu ça non plus, même si je viens d'une autre époque que les moins de ... ans ne peuvent pas connaître :) . Mais j'ai aimé ton texte... ce confinement changera bien des choses dans les vies, laissera de bons et d'horribles souvenirs, mais en tout cas on s'en souviendra...

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    1. Il n'y a que dans des campagnes perdues que cela a existé. Le Cantal est un département pauvre, entièrement rural, avec peu de moyens... Mais comme je le dis plus haut, cela nous a forgés "à la dure". Le lieu et les conditions de vie qui allaient avec, nous ont façonné à l'image, en quelque sorte.
      Ce n'est pas un hasard, si beaucoup d'Aveyronnais et de Cantaliens sont "montés" à Paris, pour y rechercher une vie meilleure...
      Cette saleté de virus a déjà changé les choses... les communications téléphoniques explosent, pour prendre des nouvelles des proches, de la famille. Peut-être se remettre en question ! Qui a t-il d’essentiel ? Travailler, produire, générer des profits, consommer ; ah, CONSOMMER... !
      Être en bonne santé, manger, se sentir bien, avoir un toit sur sa tête, n'est déjà pas si mal.
      J'ai entendu qu'en Chine, suite au confinement, les demandes de divorces avaient explosé. Il serait étonnant qu'il n'en soit pas de même en Europe et ailleurs.

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    2. Une vague de divorce. Et peut-être un pic de naissances ?

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    3. Pour le pic, il va falloir attendre un peu... :)
      Loi de la nature, certains partent, d'autres vont venir...

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  8. Très beau texte.
    Le confinement serait rien sans cette chape de menace.

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    1. Merci !
      C'est justement cette menace qui justifie ce confinement !
      Mais il ne faut pas virer parano. C'est comme pour une tempête de neige, il faut attendre qu'elle passe, et que cela fonde...

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  9. Une belle aventure que tu racontes là. Hors du monde, hors du temps.
    Contrairement à ce que nous vivons actuellement.
    Mais quelle angoisse pour les parents ! J'en aurais été malade moi...

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    1. Je crois que le "blocage" dura trois semaines. Nous avions l'impression de vivre au siècle dernier. Le plus stressant, pour les parents, c'était de ne pas savoir la date de fin...
      Mais, chaque année, être bloqué deux ou trois jours, était monnaie courante.
      Angoisse, je ne sais pas ! Ils avaient vécu les mêmes choses, lorsqu'ils étaient enfants eux-mêmes. Alors, ils faisaient comme ils savaient faire.
      l'essentiel était de rester au chaud et de manger tous les jours, et c'est tout.

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