Ils avaient un air « Pat hibulaire » ! C’est la réflexion que nous nous fîmes, avec mon frère, en sortant du local où nous faisions provision de marchandise spéciale. Un seul regard nous suffit pour comprendre que personne ne chercherait des noises à ces lascars-là.
Le cheveu hirsute et raide, la barbe
noire, mal taillée et dense, d’où émergeait deux yeux d’un bleu pâle. Ils nous
firent penser à des hommes des bois. Nous n’aurions pas voulu nous retrouver
face à eux, en pleine action. Il faut dire que pour ces missions spéciales,
nous officions de nuit, comme les voleurs.
Minuit. Voici l’heure du crime, et le début de nos
pérégrinations.
Il n’y avait pas un chat, et le seul que nous vîmes, était
sauvage, il ne s’attarda pas. L’espace de quelques heures, armés d’un seau de
colle, d’un large pinceau, nous battions la campagne à coup d’affiches
électorales.
Le « professionnel », c’était le surnom que nous
avions donné à cet autre acteur qui nous expliqua les ficelles du métier.
Coller des affiches n’est pas aussi simple qu’il n’y parait ; il y a toute
une préparation, établir un itinéraire, repérer les endroits judicieux, choisir son heure, ne pas empiéter les
uns sur les autres, couvrir un maximum de territoire.
Avant de nous quitter, il
nous donna quelques autres conseils tout aussi judicieux, mais aussi une formule magique
pour rendre nos affiches indécollables…
Mais nous, nous en avions une autre de
formule ! Moins vicieuse… Une petite échelle nous aiderait à coller nos
affiches hors de mains malveillantes. Il fallait y penser ! Nous ne faisions pas de politique, à
proprement parlé. Le candidat à la députation que nous soutenions est un ami
d’enfance, et naturellement nous lui donnions un coup de main.
Mon père lui
avait prédit l’issue du scrutin : « Tu n’y arriveras pas, t’es
pas assez malhonnête ». Il eut raison.
Notre équipe était bien rodée, nous connaissions tous
les lieux officiels et tous les autres, les mieux placés… Non pas que nous
pensions convertir les électeurs, mais il fallait occuper le terrain, montrer
que les choses bougent et ça, nous savions faire. C’est comme le tir à la
corde ; se servir de ses neurones et laisser les muscles de côté…
Au petit
matin, avant que les loups ne laissassent la place aux chiens, nous
réintégrions nos pénates avec la satisfaction d’avoir bien joué. Avec ma maman,
qui était une experte en géopolitique locale, nous débriefions dans des éclats
de rire. Elle nous indiquait les endroits où la « formule magique »
avait toutes les chances d’être utilisé.
Il y avait une excitation particulière, mélange de peur,
d’appréhension, sur fond d’interdit, à démarcher en terrain hostile. Ma petite
sœur n’était pas en reste, puisqu’elle rejoignit l’équipe et lorsque reviennent
ces périodes électorales, en relatant nos exploits, nous en rions encore.
Des souvenirs impérissables et si bien narrés...
RépondreSupprimerMais comme je suis vilaine, j y met un peu de moquerie
Elections municipales obliges
https://www.youtube.com/watch?v=E5uyU1o96Xc
Excellent ! Lol ! Chat alors ! J'adore aussi me moquer.
SupprimerMerci pour le "si bien narrées". Nous nous amusions beaucoup, lors de ses campagnes...
Il fallait agir vite et en cachette mais vous aviez la chance d'avoir une complice de choix en la personne de votre maman. Je ne suis pas sûre que maintenant des jeunes oseraient faire ces excursions nocturnes.....tout est tellement réglementé, encadré. Demain chez nous.....pas de choix ; nous n'avons qu'une liste électorale .
RépondreSupprimerC'était déjà très réglementé, notre candidat était très bien au fait de la chose... Nous n'en faisions qu'à notre tête.
SupprimerLe lendemain à moto, je faisais une tournée d'inspection, incognito, pour voir où nos affiches ne tenaient pas. Et on recommençait de plus belle.
Ma maman nous disait que, plus jeune, elle en aurait bien fait partie. Elle pouvait quasiment dire qui votait pour qui. Une experte.
En tant qu'obsédé sexuel professionnel, ton histoire d'affichage sauvage cela m'a rappelé le bon vieux temps des affiches « 36 15 ULLA » avec une Madame toute nue et dans la bonne position, qui étaient régulièrement collées sur tous les piliers d'un pont d'autoroute sous lequel je passais pour aller au boulot… la municipalité les grattait régulièrement… et elles refleurissaient tout aussi régulièrement…
RépondreSupprimerÉvidemment cela n'a rien à voir avec des affiches électorales… quoique… comme avec le Minitel il n'y avait pas d'images… la belle blonde dénudée c'était bien de vaines promesses… mais évidemment, en politique cela n'existe pas.
;-)
Tu as raison, les vaines promesses n'existe pas en politique... :)
SupprimerNous nous amusions beaucoup, je me souviens que nous arrivions à faire des jeux de mots, avec les différents slogans. Faut dire que ceux des opposants nous aidaient aussi...
Oui, j'imagine bien l'excitation que cette expédition devait vous procurer ! :-)
RépondreSupprimerMerci pour ce récit bien d'actualité, Xoulec.
Bises dominicales. :-)
Nous gardions le meilleur pour la fin, c'est-à-dire, chez nous. Avec notre candidat, collé à deux mètres du sol, avec notre mélange spécial... L'affiche est restée plusieurs mois, et seules les intempéries en sont venues à bout.
SupprimerOuiche! Ma liste vire en tête au premier tour, et les reports de voix devraient fonctionner en sa faveur, pour autant qu'il y ait un deuxième tour. Comme c'est la liste de l'intégrité, de la cohérence et d'une vision d'avenir, ça me redonne confiance et en l'humain et en la politique!
RépondreSupprimerMais trêve de parlote sur moi-même, ça a dû être à la fois très rigolard et très... jouissif? C'est le bon terme, non? En tout cas c'est le sentiment que je retire de ce texte plein de verve.
Bisous engagés ;-)
Bravo pour ton équipe ! 👏
SupprimerC'est bien ça ! Jouissif est le mot exacte. Le collage d'affiches n'a plus de secret pour nous.