Toute ma vie, j’avais rêvé de voir le bas d’en haut. Chichement installé dans cette pseudo-carlingue, faite de tubes, avec pour seule protection, un casque au bol et une ceinture, je me demandais s’il n’était pas trop tard pour renoncer ?
Le décollage était imminent, le
moteur vrombissait de tous ses chevaux, la piste et le ciel était dégagé. Le
pilote mit les gaz et le petit appareil s’ébranla parmi les trous et les bosses
du pré à vache qui servait de piste. Tout au bout, la haie d’aubépine et de
buissons, assortie de fil de fer barbelé, nous tendait les bras, dangereusement…
Tels les faucheurs de marguerites, l’ultra-léger quitta le sol. Nos pieds
auraient pu toucher les cimes des arbres. Ouf ! Les trépidations dans le
creux des reins avaient cessé et l’appareil s’élevait. Le relief si tourmenté
de mon pays n’était plus ; de si haut, tout est diffèrent. Ainsi suspendu
dans les airs, tel une plume au vent, notre frêle embarcation était à la merci
des courants, qui donnaient l’impression de ne pas avancer ; manquerait
plus qu’il n’y ait pas assez d’essence… !
Le pilote chercha une meilleure
trajectoire et je pris conscience de la fragilité de notre équipage, qu’une
simple rafale, force cinq, pourrait balayer comme fétu de paille. La fusée de
déclenchement d’un parachute de sécurité ne me rassurait pas outre mesure… Le
virage négocié avec dextérité, me vit survoler mon village...
Mon village |
Des
repères concrets s’affichaient dans mon GPS interne, l’école, le cimetière, le
moulin et la piste d’atterrissage. Le retour s’amorçait, aubépines, ronces et
barbelés formaient une haie d’honneur, qui s’approchait vertigineusement.
L’engin plongea et se posa comme un oiseau sur une branche. Les cahotements de
la piste confirmèrent la réussite de la manœuvre. Lentement, les jambes
flageolantes, je m’extirpais de l’oiseau de jour, je remerciai le pilote et me
jurai silencieusement que je n’y remonterai plus jamais.
Les sensations fortes, c’est géniale, mais c’est
fort !
Quelques années plus tard, je récidivais, en avions,
cette fois. Pour un deuxième vol de jour, au-dessus d’un nid de coucou.