présentation

dimanche 28 juin 2020

Tout un foin !




C’est fou ! Autant, on peut oublier un visage, même d’une personne aimée, il en est d’autres choses que l’on n’oublie jamais. Le timbre d’une voix, un parfum dissolu dans les brumes de la mémoire. Il suffit pourtant de presque rien pour raviver le souvenir s'y afférent.
L’air embaumait comme seul juillet a le secret. Luzerne, trèfle, dactyle, fétuque élevée et autre fléole des prés diffusaient le parfum subtil de l’été. En utilisant la plus grande usine thermonucléaire du monde, nous allions lyophiliser des hectares de prairie pour nourrir nos vaches, lors de la période de confinement qu’était l’hiver. 



Fétuque élevée (photo du net)


Fléole des près (photo du net)





 








Dès lors que le signal du beau temps était annoncé, il n’y avait pas une minute à perdre. Le foin, lorsqu’il prend la pluie, perd ses qualités nutritives. Les ruminants ne s’y trompent pas ; la production de lait s’en ressent immédiatement. 
Nous étions donc sur le pied de guerre. Des orages étaient annoncés, mais c’était jouable... C’est quand même dingue, que le succès d’une récolte repose sur les caprices de la météo !
Le matériel avait été vérifié, huilé, graissé, affûté. Bref, prêt pour un usage intensif pour les deux ou trois semaines que durait la fenaison. 
Quelle ne fut pas la déconvenue, lorsqu’en pleine action, nous constatâmes qu’un élément d’une machine agricole avait disparu, volatilisé. Enfin, pas tout à fait… Le voleur, dans un excès de zèle, avait pris soin de remplacer la roue folle du râteau-faneur par une autre, en fort mauvais état. 
L’auteur du vol fut très vite identifié. D’abord, parce que nous le soupçonnions d’autres méfaits, ensuite, parce que soudainement, il était un peu trop compatissant, et enfin, parce que sœurette reconnut l’objet du délit et l’identifia à la rustine près.


râteau-faneur


Minuit avait sonné depuis deux heures, le village dormait du sommeil du juste, comme on dit, harassé par les journées de dur labeur. 
Endormi, pas tous… 
Vêtus de noir, tel des commandos, l’opération récupération/échange débuta. La vieille roue était vraiment à l’article de la mort. Une fois mise en place, elle s’esclaffa dans un pfiouuu. L’air quittant définitivement la chambre du même nom, dans son dernier souffle. 
Nulle plainte ne fut déposée, nulles explications demandées, juste ce sentiment de honte lorsqu’il nous croisait. Ses yeux se détournant pour ne pas montrer sa honte d’avoir été démasqué si vite. Il ne récidiva pas, enfin pas chez nous. 
En venant s’installer dans notre village, sa mauvaise réputation l’avait précédé… était-elle fondée ? Nous ne le savions pas. 
Cette histoire de vol, même pas au-dessus d’un nid de coucous, contribua à la consolider. 
Pan sur le bec, comme ils disent au canard déchaîné…

Le métier de paysan consistait à exercer tous les métiers. Nous y avons ajouté celui de riveur de clous.



samedi 13 juin 2020

Glissement !






Il avait beaucoup plu. Tous les jours, ou presque. Ainsi, en ce début de mois de mai, comme appelé par la nature, j’auscultais  un talus qui m’inquiétait beaucoup. Il semblait me dire « Attention Xoulec, je ne pourrais pas tenir longtemps ». Sans être géologue, je sentais que sa dernière heure était proche, mais dans l’immédiat, je ne pouvais rien pour lui. 
Á quatre heures du matin, dans un demi-sommeil, j’entendis son râle silencieux. Mon sixième sens, en me tirant des bras de Morphée, me fit savoir que quelque chose de tragique pouvait se jouer… 
Je me dirigeais dans la cuisine, et vis avec effroi que « mon » talus s’était écroulé sur lui-même dans un immense bain de boue. 
Un filet de son sang s’était glissé sous l’ossature de ma maison de bois pour me signaler sa détresse et me faire prendre conscience de la mienne… Plusieurs tonnes de boue s’étaient blotties contre la maison, l’eau s’accumulait et le tout l’aurait emporté comme celle des trois petits cochons. Je sautais dans mes bottes, et à l’aveuglette, je tentais de faire mon possible pour éviter cela. Au bout de plusieurs heures d’un combat inégal, impuissants devant les éléments, nous  abdiquâmes. Épuisés. 
Je commençais à étudier les différentes possibilités de relogement… Et dans un dernier sursaut d’espoir, j’appelais les pompiers. 
Ils ne purent rien faire. C’est à partir de là, que la chance commença à sourire. Le soldat du feu nous mit en relation avec un maçon de sa connaissance, qui pourrait peut-être nous aider. 
Hélas, devant l’ampleur du désastre, son matériel se révéla inopérant. Vider la grande bleue avec un dé à coudre aurait été plus facile. 
Non, là, il fallait du lourd. Je ne cache pas que faire intervenir une entreprise de travaux publics un jour férié, assorti d’un pont, et chaussé de chenilles de métal, relève de la gageure. Pourtant, c’est ce qui se produisit. Je me souviens parfaitement de ce que monsieur B…. ajouta à mes explications téléphoniques : « On ne peut pas laisser ce monsieur dans cette situation… » 
À peine deux heures plus tard, les vingt mille kilogrammes d’un caterpillar n’allaient pas faire dans la dentelle. Monsieur O……. officia de main de maître avec une précision d’orfèvre et sauva notre maison d’un effondrement certain. 



caterpillar salvateur




Au passage, cette mésaventure me révéla que c’est vraiment dans le besoin que l’on reconnaît ses amis. Ceux en qui je croyais, se délitèrent comme autant de grain de sable fin, me laissant seul avec moi. Heureusement, d’autres, des voisins, des connaissances, sont venus spontanément.

Je ne sais pas pourquoi, quand il pleut vraiment beaucoup, je repense à cette nuit-là. Enfin si, je sais pourquoi…




jeudi 4 juin 2020

Les cons

   







Ce n’est un secret pour personne, les cons sont parmi nous. 
D’ailleurs, nous sommes tous le con ou la conne de quelqu’un. 
J’ai au moins deux exemples où je fus un con, soi-disant… Je n’en avais que faire, ce qui est le propre des cons. Le premier, il allait s’en remettre, le deuxième en était aussi une sorte, in fine. 
Celui qui croisa ma route, était un con ordinaire, de ceux que l’on croise ici ou là. Je le reconnus au détour d’un rond-point, ici.


 
 St-panthaléon-les-vignes (drome)



Il força le passage, ce devait être un con pressé ! Manifestement, il cumulait le fait d’être désagréable. Il entra dans la cave coopérative comme dans un moulin, par la petite porte latérale, tandis que j’empruntais la principale. 
Le caviste vigneron était occupé à une dégustation, et leva à mon encontre, un sourcil interrogateur. De la même manière, je lui fis comprendre que j’avais tout mon temps. 
Peu après, libéré de ses clients, le con entra en action. « Hum, j’étais là avant monsieur » et cru bon de préciser : « Je suis client »… Comme si le fait d’être client prévalait sur le fait de le devenir ! 
C’est bizarre, mais cette phrase a le pouvoir de me faire sourire, avec un soupçon d'ironie. Le con cru que je me moquais de lui, et chercha l’affrontement, démontrer qu’il était dans son droit. 
Dédaigneusement, accompagné de la gestuelle adéquate, je lui intimais de s’activer à sa commande. Il fut servi, non pas parce qu’il était premier, mais parce que je décidais de le laisser passer, dans un «  Allez allez, dépêchez-vous » frustration pour lui, jubilation pour moi. 
J’aurais pu paraphraser un petit président, avec sa célèbre phrase « casse-toi pauv’con », mais je ne disposais pas d’une armée de gorilles, fussent-ils dans la brume, pour me protéger. 
Le vendeur, fort sympathique, me glissa, en remplissant mon verre, qu’il n’y avait pas prêté attention, mais qu’il lui semblait que j’étais bien le premier arrivé. C’était vrai, mais je ne pus résister à l’envie de lui dire que des cons, j’en voyais toute l’année, et que là, j’étais en vacances. Je dois avouer que nous étions quand même plus à notre aise, pour savourer ce grand cru. J’en achetais deux cartons et par le fait, je devins client. 
Un fois installé au volant de la voiture, je ne pus m’empêcher de penser que le temps ne fait rien à l'affaire, quand on est con, on est con.