Je ne sais pas vraiment l’expliquer, mais j’ai toujours été fasciné par les lames. Peut-être est-ce l’influence des films de cape et d’épée, ou bien par le légendaire renard qui signait son nom à la pointe de l’épée, d’un Z, qui voulait dire Zorro. Mon père magnait avec maestria « la daille », un autre outil tranchant comme un rasoir ; une faux, en français de France. Fine lame d’acier dont le fil exceptionnel est obtenu par un étirage du métal. En martelant méticuleusement, millimètre après millimètre, le tranchant devient aussi fin qu’une feuille de papier ; redoutable... Le mouvement du faucheur fait le reste. Je fus aussi tout autant fasciné par cet autre outil, un coupe-chou.
Fine lame, dangereuse, meurtrière, d’où son nom… Manié avec dextérité, le rasoir laissait la peau aussi douce qu’une peau de bébé. J’eus quelque fois la délicate mission de tenir le miroir pour mon père, alors que j’étais tout petit. Puis un jour, il s’acheta un rasoir dit « de sécurité », les coupures disparurent avec…
C’est cette même fascination des lames qui fait que je suis capable de passer des heures à lécher les vitrines des couteliers d’une célèbre ville. Admirer une belle pièce, l’imaginer dans ma main, quelques fois la vouloir ; d’autres fois me l’offrir.
un laguiole |
L’artisan montait ses couteaux « en direct », devant un public curieux et avide d’authentique. Son échoppe s’ouvrait sur la rue et l’attroupement qu’il occasionnait ne se résorbait jamais. Je possède plusieurs couteaux de poche, un pour chaque jour de la semaine, mais celui que je préfère est un modèle particulier, une marque déposée, un « Thiers ».
Parce que j’aime sa ligne simple et pure, la barre d’un « T » majuscule, parce que le fabriquant est une fabricante, (clic) mais surtout, parce que ce couteau fermant renferme un secret d’ouverture, et comme vous le savez, j’aime les secrets… J’aime aussi cette tradition qui veut que lorsque on offre un couteau, un objet tranchant en général, on doit donner une pièce, un sous en échange, peu importe la valeur, ce qui compte, c’est de ne pas couper l’amitié…
«En général, on doit donner une petite pièce de monnaie lorsqu'une personne nous offre un couteau. ... Il est répandu que si un couteau est offert, cela porte malheur. La superstition vient du fait que dans la tradition, un couteau ne s'offre pas, il s'achète. Le couteau doit résulter d'un échange monétaire.» (Sabatier, fabricant)
La coutellerie ne se limite pas aux simples couteaux, elle englobe tous les outils tranchants.
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La fabrication d’un
couteau, d’une lame, est un art riche de cinq siècles d’expérience. Il suffit
de regarder, de tenir dans sa main un couteau, qu’il soit de table, de cuisine
ou de poche, pour faire la différence avec une « chinoiserie » bas de
gamme, grand public. La lame la plus prestigieuse est sans conteste la lame
« Damas », mélange d’acier dur et doux, dans une subtile combinaison
de pliages, torsades, et autres manipulations qui me sont inconnues. Son
tranchant est exceptionnel. Un couteau en « Damas » est très facile à
identifier, par un bain dans une solution acide, la lame révèle un décor
unique. Les différentes pliures et autres tortures du métal se font jour dans
une sorte de consécration de l’art.(clic), (suite)
Chaque année, le salon « Coutellia » (clic) attire des milliers de passionnés du monde entier. Ce n’est pas rien !
Dans une autre vie, j’aimerais être coutelier, pour le plaisir.