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vendredi 19 juillet 2024

La mort aux trousses

 

Récemment, en traversant cette bourgade du Cheix-sur-Morge (clic), un lointain souvenir émergea à la surface de ma mémoire ; une histoire abracadabrantesque.


Lorsqu’il repéra la voiture, il ne sut dire depuis combien de temps elle était derrière lui. Un étrange malaise s’empara de sa personne ; un pressentiment qui n’augurait rien de bon. Une impression qui se renforça dès lors qu’il reconnut la marque, le modèle et la couleur du véhicule en question. Sur cette route à double sens de circulation, toutes les voitures se suivaient ; il n’y aurait donc pas eu lieu de s'inquiéter plus que ça. Malgré tout, un semblant de paranoïa s’installa en une multitude de questions. Pourquoi le suivait-on ? Comment l’avait-on identifié ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Un début de réponse naissait dans son cerveau qui fonctionnait à plein régime.  Quelques mois plus tôt, il s’était  sorti d’une sorte de  guêpier qui portait magnifiquement la guêpière… Il présumait donc que ça n’avait pas été du goût de tout le monde…

Aussi, il faisait très attention et était très attentif à ce qui l’entourait. Le plus calmement possible, tout en conduisant sa voiture sportive, il élabora un plan.

Tout d'abord, ne pas céder à la panique, faire fonctionner ses neurones, ne pas montrer qu’il avait repéré la filature. Il connaissait la route par cœur et trouva rapidement où et comment faire pour savoir s’il était réellement suivi. Tel Sean Connery dans le film Octobre rouge, il opérera la manœuvre dite “Yvan le fou”. Un tour sur lui-même pour vérifier avec certitude la véracité de ses craintes. Juste après le cimetière où Fernand Raynaud perdit la vie (clic), il bifurqua à droite.  À l’intersection suivante, encore à droite, et enfin au quatre chemins, une dernière fois à droite pour revenir sur sa route principale.

La voiture suiveuse le suivait toujours. Il commença à avoir peur ; à jouer avec le feu, vous connaissez la suite…

Dans son cerveau en ébullition, il échafauda un plan pour mettre fin à la filature. Il n’aurait aucun mal à semer son poursuivant ; sa voiture, le moment venu, libérerait toute la puissance de ses chevaux. Le vieux diesel de son poursuivant ne pourrait faire le poids. Il lui fallait simplement trouver le bon scénario. l’action se déroulerait dans la capitale du pneumatique, dans un quartier qu’il connaissait bien.

Au feu rouge, la voiture de la même couleur se tenait à deux voitures de la sienne. Il savait que la synchronisation des feux tricolores lui serait favorable. Il démarra en trombe, atteignit le feu suivant à l’orange bien mûre, continua sur sa lancée, tourna brusquement à droite, en brûlant plus qu’une étape... Il se perdit dans un labyrinthe de petites rues. Son poursuivant n’aurait aucune chance de le retrouver. Il respira enfin, tandis que d’autres questions l’assaillaient. Il reprit sa route en direction de ses montagnes protectrices, et trouva en partie des réponses plausibles, qui le rassurèrent. Il n’était pas très fier de lui, aussi, il ne parla jamais, à quiconque, de cette mésaventure. Qui l'aurait cru ? 

D’ailleurs, il avait lui-même du mal à y croire, au point de se demander s’il ne l’avait pas rêvé. Il ne fut plus jamais inquiété.

le rêve et la réalité peuvent avoir parfois de bien étranges connections !

 

 

 


dimanche 16 juin 2024

L'amitié

J'écrirai, probablement un jour, un texte sur l'amitié. Pour l'heure, et pour rendre hommage, je n'ai que cette chanson à me mettre sous la dent, enfin, à vous proposer.

Probablement celle que je préfère de cette artiste. De plus, elle (la chanson) a juste mon âge. Elle n'a pas pris une ride, moi oui.

samedi 18 mai 2024

Lecture

 

« Il faut lire » 

 

C’est ce que n’arrêtait pas de dire ma prof de français que je n’aimais pas. Il faut lire. Oui d’accord, mais quoi ? Du temps que j'usais mes fonds de culottes sur les bancs de l’école primaire, les éventuelles lectures venaient à nous dans un bibliobus. Une bibliothèque sur roues. Il fallait suivre les injonctions de mes nombreuses maîtresses d’école. Il faut lire, il faut prendre des livres. Je ne savais pas lesquels, et cette opération devenait une torture. Je me rabattais sur les Tintin et Milou, Astérix et Obélix, le clan des sept. Des trucs faciles à lire. Je lisais peu ou pas du tout.

Puis au collège, il fallait encore lire. Des classiques obligatoires. C’est probablement le mot “obligatoire” qui m'indisposait, à moins que ce ne fut le côté "classique". Lorsque les études eurent fini de me poursuivre, je n’ai plus ouvert un livre.

Paradoxalement et aussi bizarrement que cela puisse paraître, j’ai toujours été attiré par les librairies, par les trésors qu’elles recelaient, ceux-là même qui me voyaient empêtré avec, comme une poule qui aurait trouvé un couteau. Puis un jour, un livre m’attira irrésistiblement, comme un aimant.

Matière à rire*, d’un maître des mots, qui jouait avec… J’ai feuilleté, j’ai aimé. Ce fut le tout premier livre que je m’achetai. Puis, beaucoup plus tard, j’en reçu un en cadeau d’adieu : Le grand meaulne (avec une chaussure noire), aimais-je à rajouter. Dès lors, j'ai compris ce que je pouvais trouver dans les livres, et j’ai su orienter mes choix. D’abord, pour occuper l’esprit, ensuite, parce que j’y ai pris goût. Pour apprendre à apprivoiser mes lectures, je suis passé par la case des romans policiers et autres thrillers, j'y suis d'ailleurs, toujours fidèle. Des auteurs connus et maîtres du genre. De temps en temps, j’alterne, avec des histoires plus douces ; rien à l’eau de rose, je déteste. 


Je viens de terminer deux superbes livres qui dardaient leurs pages sur l’étagère de la bibliothèque municipale. Il y avait longtemps que j’avais noté le titre dans ma liste de livres à lire. Et voilà t'y pas que ce livre n’était pas seul, sa suite l’y côtoyait. Dès la première page, j’ai été emporté dans un tourbillon. J’ai dévoré. Je ne divulguerai rien du contenu. Enfin si, beaucoup d'émotions, de ces émotions fortes qui vous tirent les larmes malgré vous. Des larmes de tristesse, de joie, d’horreur aussi, mais également de bonheur, de grand bonheur qui vous élève, d’espoir.

J’ai dû faire plusieurs pauses, afin que la tension retombe, et autant pour écrire ce texte, en alternance, par épisodes. J’entends presque ma petite sœur me charriant en me traitant de femmelette… Parce qu’un homme, ça ne pleure pas. Quelle connerie ! 

Dès les premières lignes de ces livres, le ton est donné. 

 - Ils sont l’histoire romancée de mes grands-parents, à partir du récit que ma grand-mère n’a jamais pu achever, tant l’horreur de ce qu’elle avait vécu finissait par s’étrangler de sanglots, dixit l’auteur : Ian Manook.

 C’est fort, c’est prenant, bouleversant. A celles et ceux qui ont le cœur bien accroché, qui aiment les belles histoires, je recommande.


Ian Manook : L’oiseau bleu d’Erzeroum - Le chant d’Haïganouch

 

 

 

*Matière à rire : Raymond devos
 

samedi 27 avril 2024

Rencontre du troisième type...

 

Longtemps, il eut son image de plantée dans les yeux. Où qu’il regardait, il la voyait, Au milieu d’une foule, même sentimentale, il lui semblait l’apercevoir. Il savait que c’était impossible, mais il savait aussi que parfois l’impossible peut devenir réalité… Peu à peu, sans s’en rendre compte, son image s’estompa, s’éloigna de sa mémoire, et ses yeux commençaient à penser que ce visage n’était pas si mal dans le décor de sa vie.  

Le temps tira un trait, il l’oublia. Il oublia les traits de son visage, devenu trop flou. De nombreuses années plus tard, par un mystérieux hasard que la vie se chargea de glisser sous ses pas, il apprit qu’elle vivait à deux pas de son lieu de travail. Il est même probable qu’ils se soient croisés, sans se reconnaître.

Il présumait,  qu’après tout ce  temps, il ne saurait. L’image datait d’une autre vie. Son physique, si fortement imprimé dans sa tête, avait peut-être fini par insensibiliser sa rétine.

À la faveur d’un autre de ses coups de hasard, ils se croisèrent. Ils se regardèrent, se dévisagèrent, se reconnurent peut-être. Une sorte de réminiscence d’un lointain souvenir se fit. Il tenta quelques mots : 

« Bonjour, vous êtes celle que je pense que vous êtes ?» Un  « oui » apporta la confirmation attendu. Son visage s’illumina en miroir du sien. Une illumination qui en disait bien plus que des mots. Bien sûr, le temps avait passé, bien sûr, ils avaient changé, bien sûr, ils avaient mené leurs vies respectives. Tout aussi sûrement, ils se jurèrent de se revoir, comme de vieux amis, tout en sachant que cela n'arriverait pas. Comme ses phrases que l’on dit sans conviction. Restons amis.

En partant, il regarda cette vieille cicatrice comme si elle n’était pas sienne, un peu étonné et surpris de redécouvrir le feu d’un ancien volcan, définitivement trop vieux.

 

jeudi 29 février 2024

Train-train

 

- Le train 86787 en provenance de Trifouillis-les-Oies et à destination de Pétaouchnok entre en gare. Veuillez vous éloigner de la bordure du quai et prendre garde à l’ouverture des portes. Ce train dessert, etc, etc.

 

On se souvient toutes et tous de ces annonces diffusées dans les gares. Il y a si longtemps que je n’ai pas utilisé ce mode de transport, que je ne sais plus si cette annonce est encore d’actualité. Mon tout premier voyage fut pour me rendre dans le sud de la France, alors que j’étais très jeune. Le voyage me paraissait plus beau que la destination ; des tunnels, des viaducs, des ouvrages d’art, les gorges de l’Allier si encaissées que seul le chemin de fer s'entremêlait au ciel des Cévennes et à la rivière. Une poignée d'années plus tard, j’utilisais ce moyen de locomotion pour aller, non pas glisser ma peau sous les draps, mais la risquer sous les drapeaux… Le trajet dûment expliqué par le chef de gare en personne, s’aidant d’une sorte de grimoire où figuraient tous les départs et arrivées de tous les trains de France et de Navarre.


- Départ de… à 17h34, arrivée à 19h01. Correspondance pour… à 19h05, arrivée à 20h27. Le temps de s’enfiler un sandwich SNCF, départ imminent à 20h35 pour une arrivée à 22h15.


Pendant 12 mois que dura l’opération, il n’y eut pas un seul dysfonctionnement. Une parfaite mécanique à la précision Helvétique… 25 ans plus tard, la précision n’était plus ce qu’elle était. J’ai dû arrêter de compter les avaries et les framboises… Me revient en mémoire un voyage où la micheline se prit de nostalgie pour la vapeur…

Vitres ouvertes, je regardais les vaches regardant le train, quand je remarquais subrepticement, des relents de fumée noire pas catholiques. À la faveur d’une courbe, je vis que la locomotive crachait du noir comme une usine à charbon. Un pape en devenir conduirait-il le train, pensais-je, en souriant de ma blague ? Ça sentait le roussi ; ça sentait surtout la carafe, et un retard à la clef. Tant bien que mal, nous atteignîmes l’arrêt suivant. Le train s’immobilisa sur une voie de garage, la fumée s’épaissit de relents âcres ; les pompiers étaient sur place pour circonscrire l’embrasement de la loco.

 

J’ai abandonné ce mode de transport, sans regrets. De trains supprimés en horaires décalés, de contrariétés en mouvement inopinés, je devais me rendre à l’évidence, je payais un abonnement, et utilisais ma voiture plus que je n’aurais dû. Puis un jour, je constatais que ma cheffe de gare préférée, que je croisais tous les matins, cinq heures quarante…, une magnifique brune aux yeux non moins magnifiquement bleus, avait été remplacée par un automate qui ne comprendrait rien à mes jeux de mots et autres compliments. Cet appareil, même doté d’une vague intelligence, ne me mettait pas en joie. 

J’abandonnais à contrecœur mes moments  ferroviaires de lecture, remplacés par les chroniques matutinales d’humoristes et autres éditorialistes de la radio. Pour celles et ceux qui ont quelque chose entre les oreilles...


À nous de vous faire préférer le train…

 

 

vendredi 19 janvier 2024

100 ans

Elle aurait eu 100 ans hier. 

Née dans une modeste famille de paysans, de gens du pays, de gens de la terre, elle débuta sa vie sans aller à l'école. Atteinte d'une malformation presque anodine de nos jours, elle fut immobilisée dans son lit. Le bassin contraint par un moulage de plâtre de l'invention d'un médecin qui, selon la presse de l'époque, faisait des miracles ; plus modestement son métier. Pour cela, son père alla à pied, le quérir à plus de cent kilomètres de sa ferme. Elle intégra sa première école à l'âge de dix ans. Entre temps, elle avait appris à lire, à écrire, à s'évader de son lit dans les livres, à compter sans compter. 

Son papa fut un très bon professeur, et lorsqu'elle rejoignit enfin l'école, elle fit l'admiration de son premier instituteur. Elle était première en tout. Sa matière préférée fut tout naturellement le français. Et tout aussi naturellement, elle voulut devenir institutrice, jusqu'à ce qu'une enseignante* lui tînt à peu près ce langage : « Mademoiselle B..., ne vous faites pas d'illusion ! Croyez-vous que l'éducation nationale veuille s'embarrasser d'handicapés ? » 

Cette phrase fut comme un coup de poignard, asséné par une femme, qui ,visiblement, ne savait pas à qui elle avait affaire … Elle ne fit que redoubler sa détermination. L'adolescente aux yeux clairs, quelle était, y serait arrivée, si un événement de taille ne l'en avait empêché... D'ailleurs, il ne pouvait y avoir qu'une deuxième guerre mondiale pour lui barrer le chemin. Sans baccalauréat, elle ne pourrait devenir l'institutrice qu'elle rêvait d'être. Elle aima la terre et la cultiva de toute sa force de caractère. Elle avait une belle plume, et j'aime à croire que j'en ai un peu héritée. Il y a quelques années, à la demande d'une de ses filles, elle écrivit l'histoire de sa vie, à partir de son plus vieux souvenir. C'est un précieux manuscrit de trente pages, dont nous, ses enfants, avons toutes et tous un exemplaire. 

Elle s'est éteinte quand frémit le printemps. Elle aurait eu cent ans hier, ma mère.

 

 

 

Rectificatum 😉​  Visiblement, je n'ai pas hérité complétement de sa plume... J'ai écrit pour moi, et je n'ai pas pensé une seconde que ma dernière phrase pouvait induire une mauvaise compréhension de mon hommage.

Dans ma tête, je pensais : « Elle s'est éteinte quand frémissait son quatre-vingt-huitième printemps. Elle aurait eu cent ans hier, ma mère. »

*Précisium 😉​  Ma mémoire défaille un peu, L'enseignante qui lui tint cet odieux langage n'était ni plus ni moins que la directrice de l'école normale.