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mardi 22 juin 2021

Juin

 

Les jours qui passent me rappellent à ma mémoire ce parfum envoûtant, si particulier dont seul le mois de juin a le secret. C’est toujours avec le même regard que je me revois sur les bancs de l’école primaire. 

L’année scolaire tirait à sa fin, les journées de classe s’étiolaient vers l’été. De ma place, comme des autres, il était impossible de voir ce qui se tramait dehors. Les murs d’allège avaient été conçus si haut, qu’aucun enfant ne pouvaient se pencher vers l’extérieur, ni se laisser distraire par l’agitation qui y régnait. Les journées s’éventaient aux rythmes scolaires ; mais pas que… L’école n’a jamais été une grande passion. L’imagination s’évadait souvent, s’attardait sur la plastique de mes jeunes et jolies maîtresses, et faisait danser des petites flammes devant mes yeux bleus. Ensuite, c’est hors des murs, que l'imagination fleurtait. Il y avait le passage des troupeaux de vaches. Je savais identifier leur ferme d’origine. Le pas lent ou rapide, le claquement des sabots, le tintement des sonnailles, ou leurs absences ; et indices plus précieux, l’aboiement des chiens.

Juste après, profitant de la fraîcheur matinale, réglé comme du papier à musique, passait monsieur Albert, identifiable au son que produisait sa brouette. Elle semblait tousser à chaque grincement de roue. Ça piourait* sec ! Probablement  deux gouttes d’huile qui peinaient à se rencontrer, comme disait mon père… Monsieur Albert était un jardinier hors pair, à seize heures ; à toutes les heures. Il vivait littéralement dans son jardin. Lorsque le thermomètre commençait à s’affoler, il rentrait en faisant une halte devant l’école. Le piourement* s’arrêtait net et un puissant  « oh, maistre’scorle* » retentissait. Il offrait ses légumes en primeur, en circuit très court.

Tout aussi identifiable, la Renault 4 fourgonnette du facteur. Le courrier était abondant, et son trajet retour servait à récupérer d’éventuelles réponses aux lettres. Mes sœurs écrivaient beaucoup, ma mère répondait beaucoup.

Survenait enfin ce qui nous tenait le plus en éveil. Dans une sorte de concert de pot d’échappement et de moteurs pétaradants, la sarabande des tracteurs en délire débutait. Au premier jour de l’été, les plus impatients et les plus précoces n’y tenaient plus. Le soleil enflammait l’air d’une odeur d’herbe mûr,  de foin, l’odeur des vacances. À  la ferme voisine, ils ne s’arrêtaient qu’à la nuit tombée. Le village retrouvait son calme, aussi léger que l’ombre du temps.

Le reste de l’année obéissait aux mêmes rites… Les semaines étaient cadencées par le défilé des marchands ambulants. 

 – mardi matin, deux frères, un boulanger, un épicier                              

 - mardi soir, une épicière, que nous appelions  « la casinote », parce qu’elle conduisait un camion siglé « casino ». Blouse bleue, crayon sur l’oreille et gitane maïs fichée à la commissure des lèvres.          

 – jeudi, un autre épicier, suivi d’un boucher, devant lequel siégeaient, en conseil, plus de chiens que de clients. 

- vendredi, re-les deux frères...                                      

 Samedi, point de ravioli…

Voyez, la boucle était bouclée. Pour avoir habité une campagne perdue, un peu hors du temps, nous avions toutes les commodités à portée de main ; sans click and collect ! 

Ces jours de juin me rappellent à ma mémoire ce temps révolu, comme un parfum oublié, une fragrance diffuse. Pourtant, rien que pour moi, j’aurais aimé arrêter le temps. Depuis, j’aime particulièrement, intimement ce mois, le plus beau à mes yeux.

 

*Piourer  : mot patois, que je ne sais pas écrire. grincer

*piourement : grincement

*maistre 'scorle : je ne sais pas plus l'écrire . Maître/maîtresse d'école


Après seulement avoir lu le billet d'une fée,  j'ai su placer les mots  des plumes d'Asphodèle chez Émilie.

Les mots à placer étaient :

REGARD, DELIRE, PASSION, DANSER, SAMEDI, NUIT, THERMOMETRE, TOUSSER, OMBRE, FRAICHEUR, ENVOUTER, ENFLAMMER, EVENTER.



lundi 7 juin 2021

Festival de canne

 

Il ne vivait pas dans l’Égypte ancienne, mais dans le Cantal d’hier. Je ne me souviens pas vraiment qui était à l’origine du surnom dont nous l’affublions. Sous des airs de brute épaisse, de vieil ours solitaire, bourru et sauvage, il était doté d’une force surhumaine, pharaonique. Voilà, c’est ça, pharaonique ; d’où son surnom de pharaon. 

Une bête de somme, en somme, mais dans le Cantal. Quiconque s’était mesuré à lui dans des batailles de boules de neige, pouvait en attester, aussi sûrement que ses lancers faisaient mouche. Doué d’une précision redoutable, et de cette force herculéenne, il va sans dire qu’il valait mieux éviter ses tirs, qui annihilaient toutes velléités de poursuite du jeu. Il était le berger de la ferme voisine, vivait avec ses bêtes, de jour comme de nuit. Comme dans mon précédent billet, la dive bouteille lui tenait souvent compagnie… À ses heures perdues, qui ne l’étaient pas vraiment, il confectionnait des sifflets aux sonorités différentes, dans des branches de frêne encore vert. Il sculptait, avec son opinel, des cannes qu’il fabriquait de ses mains. Ouvrage aussi raffiné que l’homme ne l’était pas ! Deux facettes complémentaires d’une même personnalité…

Déjà fasciné par le travail du bois, je me suis inspiré et essayé, comme lui, à la fabrication de cannes en noisetier. Je pensais naïvement pouvoir gagner un peu d’argent avec la vente de mes réalisations. J’abandonnais au bout de trois ou quatre exemplaires. Ma dernière fabrication fut des béquilles pour mon frère, un peu cascadeur à seize heures…

 

la canne de mon fils

Avant que je ne découvre l’existence des blogs, j’ai appris à mon fils à fabriquer ce genre d’accessoires avec trois fois rien. Je ne savais pas, alors, que j’allais en avoir besoin… À peine plus tard, dans un souci d’élégance, je m’en offrais une vraie, directement achetée à l’usine qui les fabrique . clic

 

ma canne de chez Fayet

 

 

 

 Amandine Fayet a été charmante, et professionnelle. Nous avons bavardé, et elle me fit découvrir leur nouvelle collection, si bien que j’oubliai presque la douleur qui m’avait amené jusqu’ici. Après quelques semaines de convalescence, je remisais cet objet en me souhaitant ne plus en avoir besoin. 

Hélas… !