présentation

mercredi 23 décembre 2020

Noël magique

 

 


 

Bien que Noël soit immuable, il n’y avait toujours pas de sapin à décorer. Mon père rechignait à sacrifier un bébé arbre pour le parer de lumière, l’espace de quelques jours. Quand enfin, il se décidait, je l’accompagnais jusque dans nos bois et guérets. Là aussi était la magie de Noël… Le choix de l’arbre n’était pas aussi simple qu’il n’y paraissait. Qu’est-ce qui ressemble plus à un sapin, qu’un autre sapin ! Sapin commun ou épicéa, douglas ou simple pin, le choix était vaste. Ce n’était pas tant la variété qui importait, que le choix de l’arbre, proprement dit. Mon père recherchait un arbre particulier, celui qui ne survivrait pas au débardage des plus grands. Le passage répété des troncs ou du trinqueballe, n’avait que faire d’un jeune arbre. Une fois identifié, d’un coup de hache décoché avec précision, le sapin de Noël était coupé ; ou sauvé d’une mort affreuse.

Son pied enserré dans un socle d’acier, ses branches s’offraient à un enguirlandage dans les règles. Ma sœur E…..  avait la responsabilité de la phase la plus délicate : la mise en place de ces petites bulles de lumière, fêtes de verre soufflé, exactement comme dans un film que j’ai fait découvrir à une amie…(clic) Chaque bulle de verre réfractait le moindre éclat de lumière en le dupliquant à l’infini. Étincelles d’émerveillement. Noël était une fête des lumières, surtout à la lueur de la flamme d’une lampe à pétrole, quand l’écir avait raison du réseau éclectrique. Si les souvenirs sont intacts, il n’en est pas de même de ces boules de magie. Bien que délicatement rangées dans un coffret rempli de fins copeaux de bois, le reste de l’année, elles n’ont pas résisté aux coups de pattes agiles et curieuses des petits chats de la maison ; à moins que ce ne soit nos maladresses… J’entends encore le son particulier des brisures de ces boules de rêves.

Bien des années plus tard, ce que l’on pourrait appeler la magie de Noël, opéra dans un tout autre registre. À moins que ce ne fut la chance, tout simplement.

 

 

Une chanson de circonstance interprétée par une artiste d'outre Rhin.

 

 

 Ou, celle-ci ; au choix. 

Passer d'aussi belles fêtes de fin d'année que possible.

vendredi 11 décembre 2020

A vélo sous les étoiles

 

La journée avait commencé sous les meilleurs auspices, sans pour cela habiter Beaune. Nous avions une quarantaine de réservations et l’auberge dans laquelle nous officiions, commençait à bien tourner. Faut dire que la spécialité de la maison ravissait les papilles et rassasiait les plus gourmands. Nous faisions même des envieux.

Personne ou presque ne prêta attention à la fille qui venait de s’installer au bar. Elle se pausa comme un nuage, sans ombre, demanda un verre d’eau et la possibilité de remplir sa gourde. Nous avions affaire à une randonneuse à vélo. Une fille courageuse ou un peu folle, car il fallait certainement une certaine dose des deux pour propulser un vélo, bardé de sacoches, sacs à dos et matériels de camping sur les routes du Cantal, par un soleil de plomb. Elle voyageait seule, dormait où elle trouvait et ne craignait que les chiens des fermes, dans la traversée des villages.


Cyclisme, Pavot, Loisirs, Vélo
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C’était un dimanche ordinaire pour notre association de bienfaiteurs. Le service était terminé, la recette avait été bonne, et nous partagions les derniers verres de l’amitié, agrémentés de tartes aux pommes. Par politesse, elle refusa la part que nous lui proposâmes. Puis, devant notre insistance, elle en accepta même une deuxième. La glace était brisée, et elle confia, à mots couverts, qu’elle n’avait rien mangé depuis deux jours. Son budget très serré, ne lui autorisait aucun écart.  À ces mots, madame V……, la cuisinière, ne resta pas insensible à ce petit bout de femme, et lui prépara illico un repas. Certes fait de reste, mais tout à fait honnête. Repas qu’elle refusa en invoquant le fait qu’elle n’avait pas de quoi régler l’addition.

       Mais qui parle d’argent ? Nous nous exclamâmes !

Revigorée, elle reprit son vélo pour rejoindre le camping de R….., où elle avait un rendez-vous/étape. N’allez pas croire que nous nous sommes comportés comme des goujats, nous lui avons proposée de la véhiculer. Elle refusa catégoriquement. Quelques semaines plus tard, alors qu’elle avait regagné sa cité universitaire, une carte postale arriva tout aussi discrètement qu’elle. Ma mémoire défaille un peu, cependant, les mots m’ont accroché. Et même si le verbatim n’est pas fiable à  cent pour-cent, il l’est à au moins quatre-vingt-dix-neuf.

« Pédaler sous les étoiles n’a jamais été aussi agréable, surtout avec le ventre plein et le cœur réchauffé à la manière d’un feu de joie. Un grand merci pour votre hospitalité, votre générosité, (ce n’est pas comme ça que vous allez devenir riche…). C’est la première fois que je fais un aussi bon repas en commençant par le dessert. »

C’est dingue, mais parmi la quarantaine de personnes que nous avons croisées, ce jour-là, seule cette fille a su graver nos mémoires de son empreinte.

 * : Photo du net