présentation

samedi 12 octobre 2019

Impression


Je ne la connaissais pas et pourtant, lorsque je la vis pour la première fois, cette fille me fit de la peine. Quelque chose que je ne saurais dire me troubla. Elle dut percevoir mon trouble, puisqu’elle apporta une réponse à ma question silencieuse… Son mari, débordé de travail, n’avait pas le temps de l’accompagner … ! 
Moi aussi, j’avais mille et une choses à faire ! Cependant, une d’importance s’était produite ; mon fils venait de naître. Nous partagions donc la même chambre de cette maternité. 
Le soir venu, j’avais mal pour elle. Les gémissements que les contractions lui infligeaient n’étaient visiblement pas de plaisir. Je me sentais mal à l’aise, comme un intrus dans son intimité. Je m’éclipsai discrètement, sur la pointe des pieds, non sans me féliciter de n’être pas une femme ; les estirgouillements* utérins, ne me tentaient pas du tout… 
Lorsque je refranchis le seuil de la chambre, mon premier coup d’œil fut pour elle ; elle dormait profondément. J’appris qu’elle venait juste de réintégrer son lit, épuisée par une nuit blanche. Entre temps, elle avait donné la vie à un petit garçon. 
Une poignée de minutes plus tard, je fis la connaissance de l’heureux papa, qui me parut immédiatement antipathique. Très souvent, mes premières impressions sont les bonnes et heureux comme j’étais, j’aurais aimé me tromper… Les infirmières débarquèrent et en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, nous nous retrouvâmes dans le couloir, accoudés sur le mur d’allège, le regard perdu au loin. Lorsqu’il me proposa une cigarette, je lui fis part que nous étions dans une maternité et que tous ces bébés auraient tout le temps de s’empoisonner… Ma réplique était sans appel et il rangea son herbe à Nicot. Il enchaîna, « J’espère qu’elle va vite se remettre, on a beaucoup de travail en retard, à l’agence », et de m’étaler illico sa situation… Je n’avais aucune envie de lier la conversation ; c’est mon côté « ours sauvage ». S’il attendait un quelconque assentiment de ma part, une « solidarité » entre mâles, il n’eut droit qu’à un coup de griffe, comme j’en ai le secret. Je pris alors, ma plus belle voix, façon Jean Gabin « Ooooh j’vais t’dire, la vie, comme vous l’avez connu, c’est TERMINÉ, et quelques autres conseils du même acabit…! En une seconde, il se décomposa. 
J’étais assez content de moi. Par la suite, mon impression se conforta… 
la chambrée était bruyante, la belle-famille était là, le champagne coulait à flot, la jeune maman faisait bonne figure, malgré son épuisement. Ils fêtaient « l’héritier » ; l’héritier du fils à papa ! C’est du moins, l’impression que j’eus. Avant de rentrer chez nous, le lendemain, elle s’excusa de ne pas avoir été de bonne compagnie, d’avoir écourté une soirée, du manque de discrétion de la belle famille, de, de, de... Cette fille s’excusait beaucoup trop à mon goût et je ne pouvais m’empêcher de penser à ce que serait sa vie de femme, avec un enfant… ?



* estirgouillement : Mot utilisé chez moi.  Du verbe estirgouiller, étirer (estirer) en tout sens. Se dit d'un vêtement qui a perdu sa forme originelle. Un pull, un sweet , complètement estirgouillé, informe.
Au figuré, s'estirgouiller les méninges,réfléchir difficilement, se creuser les méninges, se triturer l'esprit.



25 commentaires:

  1. Les prédateurs choisissent toujours leurs victimes, mais tu ne nous dis pas qui est cette fille pour toi, elle me semble beaucoup préoccuper ton esprit, plus que ta propre dulcinée, cela semble étrange, non ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En fait je te taquine, je pense que tu te fais son avocat et que tes valeurs te portent vers ce choix. Subir, la famille exubérante, le mari égocentrique et exigent, dis lui qu'elle n'est pas obligée, et qu'elle peut aussi choisir sa vie plutôt que subir celle qu'on a choisi pour elle. Je crois que ce serait le meilleur service à lui rendre en définitive !

      Supprimer
    2. Cette fille ? Je ne la connaissais ni en noir, ni en blanc. Je ne l'ai même jamais croisée nul part. Elle n'était que la voisine de lit et nous en fîmes connaissances à notre retour de la salle d'accouchement.
      Je n'étais pas plus "préoccupé" que cela, mais ce que j'avais ressenti était bien réel.
      Hélas, je n'étais qu'un "Xoulec" en herbe et je ne me serais pas permis de dire quoi que ce soit (maintenant non plus). D'ailleurs, je suis sûr qu'elle en était consciente. D'où mon interrogation...

      Supprimer
    3. Un Xoulec en herbe ? c'est quoi ? Un bovin ?

      Supprimer
    4. Je me suis mal exprimé. Je voulais dire que je n'étais pas encore "Xoulec", celui que je suis à présent.
      Un bovin ? Aucune chance que tu le connaisses, celui-là ! :)

      Supprimer
  2. Oh la pauvre, pauvre jeune maman, qui n'a pas le droit d'être elle. La voici mère de l'héritier, et s'il est fragile des ligaments ou de la gorge ce sera bien sûr sa faute à elle qui n'aura pas été fichue de mieux faire ce qu'on attendait d'elle. Et puis une fois de retour au boulot, elle s'entendra dire que toutes les femmes de la famille du mari n'ont pas eu droit à trois jours de repos, elles...Bien lourde vie devant elle...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est exactement ce que j'ai ressenti et cela m'a fait de la peine...

      Supprimer
  3. Très beau texte. Tu (d)écris bien.
    Dire que tu nous as fait tant languir avant de te lancer!
    Bon dimanche à toi :-)

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci Ambre,
      Heureux de te voir sur mes pages !
      Tant languir ? Je ne me suis décidé seulement deux ou trois mois avant et la veille d'ouvrir ce blog, j'hésitais encore...
      Même si je ne commente pas toujours, chez toi, je lis régulièrement.

      Belle semaine 😉

      Supprimer
  4. Quelle horreur ce bonhomme ! Il m'est antipathique aussi, dès la première phrase où tu parles de lui "Son mari, débordé de travail, n’avait pas le temps de l’accompagner "
    Odieux, goujat, imbu, et misogyne évidemment...bref, tout ce que je déteste.
    Quant au manque de discrétion de certaines familles, c'est insupportable quand on vient d'accoucher...Ta femme a dû être la première contrariée, de ne pouvoir se reposer dans la tranquille quiétude de votre bonheur.
    Je plussoie : tu as eu raison de croire en toi. (et moi aussi, du coup ;-))
    Bisous mon ami
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est fou ! Nous avons les mêmes goûts ! 😉
      J'avais un "avantage" sur lui, une bonne dizaine d'années en plus, ça compte ! C'est vrai, elle était venue seule, en taxi, je ne croyais pas que cela puisse être possible ? mais je suis peut-être un peu trop naïf ?
      Je trouvais que la belle famille (qui ne devait peut-être pas être si belle que ça ?)manquait de respect envers LEUR bru.
      Nous l'avons "supporté" que deux heures, environ. Pas une vie ...!
      Merci de croire en moi;-))
      Bises mon amie

      Supprimer
    2. Bonjour vous deux,
      j'aurais pu être cette femme, je l'ai été, en bien pire d'ailleurs (pour elle/moi)
      Mais chacun(e) a un chemin de vie, et on ne sait jamais rien des choses. Sans être passée par là, comment aurais-je "su"? comment comprendre? Comment ouvrir les yeux?
      Car ce genre de rencontre n'arrive pas à n'importe qui.
      Bonne journée

      Supprimer
    3. Tu as raison, chacun a son chemin de vie qui lui est propre et il est parfois bien difficile, chacun a son lot...
      Je ne juge pas, qui serais-je, pour cela ?
      Ce qui est fou, c'est que tous ces nombreux chemins nous font nous "rencontrer", virtuellement. Et ce n'est déjà pas mal !
      Je n'ai aucune réponse à tes questions et il est des réponses que l'on, ne trouve que seul(e).

      Bonne journée

      Supprimer
  5. Et pourquoi ne pas fumer dans la chambre tant qu'on y est !!!!! le monde est fait d'individus peu ordinaires, voire irrespectueux. Tu nous brosses le portrait d'une jeune maman qui n'a pas fini d'en "baver" avec cette belle famille. Ce récit confirme l'idée que je me faisais de toi : un être sensible , honnête et sincère. Je suis heureuse que nos chemins virtuels se soient croisés. Pensées amicales. Chinou

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Fumer ? Ben oui, pourquoi pas ? J'aurai dû lui proposer "Ernestine":)
      Ils ont bien bu le champagne dans la chambre ! Cela aurait pu attendre...
      C'est exactement l'idée que je me suis faite, sa vie d'alors serait certainement moins "féerique" qu'avant...
      Mais je peux toujours m'être trompé... ?
      J'ai vraiment eu cette impression qu'elle n'était là que pour "donner" un héritier.
      "Sensible, honnête et sincère" Toutes les qualités de "l'ours" que je suis, brut de coffrage !
      Merci ;))
      Bien à toi

      Supprimer
    2. Est-ce à dire que les "ours" de ton acabit sont fourbes, malhonnêtes et ont un cœur de pierre ? Non je ne le crois pas.

      Supprimer
    3. Tu as raison de ne pas croire ! J'en connais, des "ours" de cet acabit. Mais ils n'ont rien à voir avec moi ;)
      Je les fuis. Quand je me qualifie d'ours, j'exagère beaucoup. Pendant longtemps, j'ai "porté" un "costume d'ours", pour me protéger... Mais sans ces qualités que tu énumères...
      Fourbes, malhonnête avec un cœur de pierre, toutes les qualités d'une "sale bête", dixit ma maman.
      J'apprécie beaucoup ton compliment. Sensible, honnête et sincère.

      Supprimer
  6. Je ne peut pas dire que ce monsieur gagne à être connu, c'est un mélange de rustre et de goujat en fait... Et cette jeune femme qui met au monde un petit garçon est pourtant, certainement amoureuse de lui... Même si elle se rend compte de sa conduite et tente de l'excuser.Un tel comportement le jour de la naissance de son enfant laisse présager d'un père délégant toutes les tâches à la maman... car Lui, il bosse! Je me demande même s'il a compris ton comportement!
    Merci pour ce texte qui déclenche des réactions!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je crois surtout que ce monsieur a été élevé comme ça...
      J'ai pris un malin plaisir à lui dire "oooh, j'vais t'dire..." :) Et même si cela lui a fait un peu mal, je suis sûr de lui avoir rendu service. En tout cas, à elle...

      Supprimer
  7. Bravo pour ton pouvoir d'évocation de ce que cette scène de naissance induit pour la suite de la vie de ce couple, de cette femme surtout, qui semble s'excuser de tout, et même de vivre…
    ce serait parfait comme scène d'introduction d'un film sur la condition de la femme soumise…
    je comprends que tu t'en souviennes !
    Tu as l'art du regard ajusté.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je n'y avais pas pensé ! Mais oui, la scène d'introduction, et ensuite retour en arrière, pour comprendre le cheminement.
      Cette fille, qui devait avoir dans les vingt-cinq ans, était rentrée à l'agence de ses futurs beau-parents, comme secrétaire.
      Ensuite, la vie a fait que...
      Mais comme le dit Maryline, juste au-dessus, elle était sûrement amoureuse. Et, comme chacun sait, l'amour rend aveugle...

      Supprimer
    2. Tu connais sans doute la suite :
      … et le mariage rend la vue !
      ;-)

      Supprimer
    3. Eh bien, je ne savais pas qu'il y avait une suite...? Hormis qu'il n'y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir :)

      Supprimer
  8. C'est bien triste pour cette jeune femme de l'époque. Se trouver dans une telle famille ne l'a sûrement pas aidée à prendre confiance en elle. Et son mari, un goujat, un homme indélicat, abject, et sûrement plus préoccupé par sa petite personne que par elle. Et sûrement fier d'avoir "fait" un bébé ! Car bien sûr la grossesse et l'accouchement de sa femme, ce n'est pas important, c'est normal après tout, c'est le travail de la femme mais c'est lui le héros ! Pffff... Quel c... !

    Bonne fin de dimanche, Xoulec. Bises de ma campagne.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Eh bien moi, j'aurais aimé qu'ils aient une fille, juste pour contrarier les beaux-parents...
      Après mon "intervention", le héros faisait moins le fier... Pas sûr qu'il ait compris ce que je voulais dire...
      Mais je fais confiance à la vie, le fait d'être maman change un peu la donne...

      Supprimer