Que faisais-je dans cette galère ? Telle
était la question que je me posais… Je n’avais presque pas dormi, ou très mal.
Le réveil, au terme de ce long voyage, arrivait comme un soulagement.
La nuit
avait été glaciale. J’avais eu tout le loisir de m’en rendre compte. Le
train était bondé et la seule place que j’avais trouvée était sur la plateforme
de métal, dans le soufflet qui reliait les wagons entre eux.
L’air froid de
décembre remontait directement de l’extérieur dans le vacarme assourdissant des
boggies. L’inconfort était total ; tout le contraire de mon premier voyage
en train couchette.
Devant la gare, nous étions soudain des centaines à prendre
d’assaut un moyen de transport qui nous emmènerait à destination.
L’aurore
était légère, il allait faire presque beau…
Mon frère m’avait prévenu « tu
verras, tu vas devenir le roi du balai et de la serpillière », il allait
avoir raison.
J’aurais préféré glisser ma peau sous les draps que de la risquer sous les drapeaux !
J’aurais préféré glisser ma peau sous les draps que de la risquer sous les drapeaux !
Ma formation s’annonçait solide ; douze mois pour
apprendre à boire, à peine moins, pour faire la fête, quelques semaines pour
devenir un bon joueur de belote. J’allais devenir, malgré moi, un tueur de
temps, à plein temps, pour remplir toutes ces journées vides de sens.
Tout de
même, j’ai eu de la chance ! Au centre de
sélection, ils voulaient m’envoyer à Pau, dans les parachutistes.
Carrément miné, tout dégoûté… Quitte à prendre de l’altitude, je choisis de
garder la tête dans les étoiles et les pieds sur terre. La montagne s’imposa
comme une évidence.
Après ma formation, je fus transféré dans une ville
d’ingénieurs, à Grenoble… C’est là que j’ai réussi l’exploit de m’attirer la
sympathie de mes deux chefs de service. Sans « fayotage », juste en
exerçant mon métier, et en leur rendant à chacun, pendant que l’autre était en
congé, un service personnel.
-Monsieur B.. et sa femme furent ravis de leur
nouvelle baie vitrée, enfin ouvrante.
-L’adjudant-chef A….., lui, ce fut des
volets à clefs, pour son mas provençal.
En échange, j’eus la considération du
premier, et les « coups de piston » du second ; j’échappais
ainsi aux grandes manœuvres…
Le service national, pour moi, ce fut ça, de la
débrouille, du piston, mais pas que ...
J’ai
en ma possession, l’authentique certificat militaire, émanant du ministère des
armées, qui me fut remis le jour de la quille, stipulant que j’ai exercé,
pendant un an, le métier de secrétaire-comptable.
C’est dingue ! Mais le
jour de la libération, ce n’était pas le moment de chipoter…
Le mien n'a duré que un jour et demi.
RépondreSupprimerIl eut lieu à l'époque où l'armée ne voulait pas dans ses rangs de ces sursitaires, dangereux étudiants issus de mai 68.
Ah, 68 ! Ils pouvaient encore se permettre de refuser du monde, de faire la fine bouche. j'avais juste trois ans, et je me souviens de la provision de sucre que ma maman avait fait ; ils en avaient trop manqué, des années plus tôt !
SupprimerTrès sympa ce petit texte (et la petite photo).
RépondreSupprimerça me rappelle tout-à-fait l'expérience de mon cousin (aîné de la cousinade) que j'avais suivie en direct, vu qu'on s'était écrit pendant tout son temps d'"apprendre à devenir un tueur de temps à plein temps"... J'étais à l'Ecole Normale à cette époque et j'avais rameuté quelques copines pour l'aider à supporter la chose... d'ailleurs il a fini par en épouser une, lol... Mais ceci est une autre histoire......... :-)
La photo ! Il y avait dans notre groupe, un photographe, un gars qui savait capter les attitudes, les postures ; le tout, très discrètement.
SupprimerJe crois qu'il fut muté dans les services de communication des armées.
Eh bien écoute, mon homme à moi a passé son année dans les paras, à Orléans, et il a ADORÉ! Plus d'une centaine de sauts, militaires et de loisir, des sensations fortes, le dépassement de ses peurs et de soi, un souvenir impérissable! Et l'apprentissage de ce que signifient responsabilité, confiance et la solidarité, quand, après le premier pliage de leur toile, chaque "bleu" a dû l'échanger avec celle de son voisin... :-D
RépondreSupprimeroups... de SA toile
SupprimerJe ne dénigre pas les parachutistes ! C'est seulement que je ne voulais pas. Les chansons de Maxime Le forestier et celle de Renaud,"déserteur", me résonnaient aux oreilles...
SupprimerJe te rassure, dans les chasseurs alpins aussi, il y a dépassement de soi, et pas de soie, certes, pas dans les mêmes proportions.
J'y ai découvert les hautes-Alpes et leurs trois cent jours d'ensoleillement ☀️
Nous avons eu droit aussi à quelques exercices du genre, 14 cartouches filtrantes pour 15 masques à gaz.
Personne n'avais envie de respirer ce gaz, même pas hilarant, du tout... :(
Es tu entré dans la vie sous les drapeaux sans avoir fait ce qu'on appelait à l'époque -les trois jours-? En effet, c'est là que s'apprenait le maniement des armes mais c'est là également que les non fumeurs apprenaient à tenir , avaler la fumée des "troupes". En fait tu as vite refusé la couronne de roi du balai au profit de celle du roi du tournage
RépondreSupprimeret ce n'est pas moi qui m'en plaindrait. ;-)
Les trois jours ne duraient en fait, que trois demi-journées.
SupprimerC'est là, qu'ils voulaient m'envoyer à Pau... Du coup, je commençais à en manquer, de pot ! J'ai choisi les chasseurs alpins.
Le maniement des armes fut compliqué, pour eux... Difficile de leur faire comprendre qu'étant droitier, pour le tir je suis gaucher ; comme mon frère !
Je n'ai jamais fumé une Gauloise ; Ernestine m'a bien vacciné...
Après les "classes" à Gap, j’intégrais un atelier de menuiserie, où j'étais le seul à avoir déjà travaillé.
Cela me valut, après des premiers travaux de rénovation, que l'on me confia des fabrications plus prestigieuses.
La caserne était située en plein centre ville et nous sortions tous les soirs ou presque.
Ce temps d'armée fut très cool.
Dans la famille mon frère et certains de mes neveux ont fait leur service militaire dans les chasseurs alpins et en gardent aussi d'excellents souvenirs, de leurs chefs gradés aussi...
RépondreSupprimerMaintenant, moi aussi, j'en ai de bons souvenir. Mais quand même, que de temps gaspillé !
SupprimerJ'y ai découvert les hautes-Alpes, les randonnées en montagne, avec piolet et crampons, mais aussi la gare de Marseille st-Charles, où je ne faisais que transiter.
Je ne m'étais jamais demandé, en fait, ce que ça pouvait faire de partir à l'armée pour un garçon. On les voyait partir et puis ils nous revenaient "hommes" nous affirmait-on.
RépondreSupprimerPartir à l'armée, faisait surtout le cœur gros...
SupprimerTout d'abord, il y avait le transport, dans des camions aussi confortables que pour les bestiaux... Ensuite le coiffeur, une humiliation, dont nous ressortions sans plus nous reconnaître, ni ceux avec qui on était entré. Et puis cette discipline, j'en avait déjà soupé en pension, et là ça recommençait. Courir d'un point A à un point B, et puis attendre, indéfiniment.
Nous disions alors : avant d'exécuter un ordre, attendre son contre-ordre, pour éviter le désordre, et c'était vrai.
Quant à revenir "Hommes" ? Revenir n'est pas devenir... Certes, après un an, il y avait eu un mûrissement...
Grenoble : la ville des ingénieurs , tu as écouté Fernand Raynaud, toi !
RépondreSupprimerÉcouté, pas seulement ! Pendant des années, j'ai emprunté la route qui passe par le Cheix-sur-Morge...
SupprimerJe tenais cette "formule" de Coluche. Mais je m'aperçois qu'il lui en a emprunté quelques-autres.
je vois que l'armée en France, c'est un peu comme en Suisse. On y apprend à boire, à faire les zouaves (dans le sens du professeur Tournesol) et finalement, on se demande bien pourquoi tout cela? N'empêche, mon père parle toujours avec émotion et conviction de ses années de service dans les divisions de montagne. Je l'écoute. Mais je ne comprends pas toujours. :-) Bises alpines.
RépondreSupprimerC'est aussi un peu pour cela que cela a été abandonné ; aussi pour faire des économies.
SupprimerHormis pour le brassage de toute une population jeune, et le fait de faire un "état des lieux" de la population postscolaire, avec une sorte d'inventaire de l’illettrisme, j'avoue que cela ne servait plus à grand chose.
J'en parle peu, voire, pas du tout, parce qu'il n'y a pas grand chose à en dire.
Bise Auvergnates
Mon frère, étant antimilitariste, avait choisi d'être objecteur de conscience. Dommage qu'il ne soit plus là, je lui aurais demandé de me remémorer cette époque...
RépondreSupprimerBelle soirée, Xoulec. Bises du soir.
Avant de partir, j'avais déjà un boulot, et ma maman avait sollicité l'appui du député local, pour me faire exempter.
SupprimerHélas, ses compétences étaient nettement en dessous de ses ambitions...
Bises Puydomoises
"Prétentions", à la place "d'ambitions", me semble plus approprié.
SupprimerPétard Xoulec ! Une semaine pour s'en apercevoir !!! Tu progresses...
Grrrrrrr.
Je me faufile entre deux sessions de baby sitting pour placer mon commentaire ( pas toujours facile le boulot d'aïeule mouarf ! )
RépondreSupprimerJ'ai pensé bien sûr à la chanson de Le Forestier ( que je joue toujours à la guitare si longtemps après) et je salue aussi ta référence à un de mes maîtres, j'ai nommé le grand Raymond Devos...
Pour le reste, je suis assez ignares en souvenirs d'anciens combattants...
Quant à ta photo, tu me fais penser à un marine américain !
Bisous célestes et angevins
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Je suis assez ignarE en orthographe aussi ! ;-)
Supprimer•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Ben, ton commentaire me fait du bien, je croyais que tu avais disparu de la circulation !
SupprimerJ'étais sûr que tu verrais la référence à Raymond Devos. Souchon et Lama ne sont pas en reste...
Ignare en orthographe ? Alors là, c'est l'hôpital qui se moque de la charité.... ;)
La photo est la seule que j'ai de mes dix-neuf ans, et je dois avouer que je m'aime assez, sous ce profil.
Bises Puydômoises
Mais non je ne suis pas loin...je reviens bientôt !
Supprimerje lis mais je n'ai pas toujours le temps de commenter...
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
C'est juste que j'attends toujours tes commentaires, avec impatience... ;)
SupprimerLoin de moi de penser que vous en fussiez une, il y a aussi la folle du régiment de SARDOU qui m'avait beaucoup amusée en son temps.
RépondreSupprimerMon ex mari lui a fait son service en tant qu'engagé volontaire à Tahiti, il en garde forcément un excellent souvenir et moi pendant ce temps suis restée à Grenoble............... Bravo
Pas de problème ! Le rire du sergent, évidemment ! J'y avais pensé, vu que dans une autre vie, j'étais fan...
SupprimerGrenoble m'avait séduit, les cinémas à deux pas, la place Grenette,, la bastille, le parc Mistral, juste en face et une certaine douceur d'y vivre...
J'avais même postulé pour entrer comme personnel civil, comme mon chef, monsieur B..
Bonjour Didier
RépondreSupprimerj'ai relu ce texte avec plaisir
Merci pour la piqûre de rappel ! ;-)
(je constate que tu ne fais pas partie de ceux qui ont vraiment apprécié l'expérience :-))
Bonne journée !
La seule expérience que j'ai appréciée, fut d'avoir vécu un an à Grenoble, en plein centre-ville, et de "sortir" tous les soirs.
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