présentation

mardi 30 mai 2023

Peu de chose

 

 

 

On ne se pose pas de question. On vit à côté. Cela fait si longtemps qu’on se côtoie que l’on n’y pense pas ; ces gens ordinaires que l’on appelle les voisins. Avant eux, je n’avais jamais eu de vrais voisins ; de ces gens sympathiques, prêts à rendre service, à dépanner, à aider. Sans être envahissants. Quand les circonstances le permettaient, nous savions échanger presque des heures, bien campés de part et d’autre de la clôture. A claire voix… Point de haie qui isole, qui étrique, qui cloisonne chacun chez soi. Je hais les haies qui sont des murs, je hais les murs qui sont en nous, disait le poète... Tellement vrai. 

Avant de nous installer dans cette maison, le premier contact avait été noué un soir. Une petite discussion vite fait sur le pouce, des banalités.

- Bonsoir, je suis le nouveau propriétaire.

Mes premières impressions sont souvent les bonnes, nous allions avoir de bons voisins. Aimables, sympathiques, simples, venant de la terre comme moi ; des gentils. C’est assez bizarre, ce truc instinctif dont notre cerveau est pourvu pour identifier le danger, le bien, la tranquillité, la quiétude, la bonne entente. Un peu plus d’un quart de siècle qu’il en est ainsi. 

Ils ont vu grandir mes enfants, les considérant un peu comme leurs petits enfants.  Chaque dimanche, depuis plus de quinze ans, à tour de rôle, ils avaient pour mission de leur livrer la douzaine d'œufs hebdomadaire. Un petit gâteau les récompensait en retour. Je donnais aussi ce que j’avais de trop, salades,  légumes du jardin, un coup de main pour déneiger, des macarons de Massiac. Les seuls que j'apprécie. 

Des petits rien qui donnent à la vie de tous les jours une petite douceur supplémentaire. Ils n’ont jamais oublié les anniversaires ou les Noëls des enfants ; un petit billet, devenu ados. Des voisins aussi proches que ma famille.

La vie n’est pas juste, encore moins la mort. Sans prendre de gant, un crabe sans pince d’or a emporté Annie en quarante jours, tandis qu'un autre pince sans rire a mis vingt-cinq ans pour emporter celui que mes enfants appelaient “ton jojo” , un fan de Brassens. Ce soir, je pense à mes voisins, je pense à ma sœur. En écrivant ces lignes, mon cœur saigne.