C’est au cours d’une intervention sur un chantier, dans le cadre de mon activité professionnelle, que je découvris ce que deviennent ce que l’on appelle communément les CV. Celui que j’avais entre les mains, après être passé entre celles de mon patron, sans y être resté, servait ni plus ni moins de papier brouillon. Au verso, figuraient les coordonnés des différents chantiers sur lesquels je devais intervenir, assortis des tâches à effectuer, agrémentées de petits croquis explicatifs, afin de trouver plus facilement les lieux précités.
Naturellement, ma curiosité fut attirée par le côté obscur de la chose. C’était clair, sobre, épuré, ordinaire, peut-être trop ! Quelconque.
C’est probablement pour cette raison qu’il n’avait pas retenu d’attention particulière. Quoi qu’il en fut, il me fit penser immédiatement à ceux que j’ai eus à rédiger au cours de ma vie. Rassurez-vous, la liste n’est pas longue ; je n’en ai produit que trois ou quatre, pas plus. Tous écrit à la main, sans machine ni traitement de texte, en unique exemplaire à chaque fois ; je n’utilisais pas de photocopieuse. C’est dire de la patience dont je faisais preuve ; je m’en étonne encore !
Toutes les fois où j’ai présenté ce type de document, ma candidature a été retenue. Le tout premier, alors que je ne savais pas comment le rédiger, que je n’avais pas une grande expérience professionnelle, que j’étais un jeune parmi d’autres, a retenu toute l’attention de mon futur employeur. Je suis persuadé que ce fut par son originalité. Il n’était pas du tout conventionnel. Il ressemblait trait pour trait, presque mots pour mots, à celui que j’ai écrit un jour dans un commentaire* chez Célestine (clic).
Afin de vous éviter de chercher, et pour satisfaire votre curiosité, je vous le livre directement dans toute son originalité. J’en étais assez fier.
- Après de brillantes études à HEC (hautes études communales), j'ai ambitionné le dur métier de cultivateur de plants sur la comète. Hélas, la comète s'en est Halley...
Suivant un conseil qui n'avait pas encore été inventé, je traversai la rue et fis la connaissance d'un décrocheur de lune. Re-hélas, il n'y avait qu'une seule lune à décrocher...
Je n'avais encore jamais rempli de CV et pour ce faire (à dix sous), je devins éstirgouilleur de méninges, métier prenant et passionnant.
Je travaillais alors sur des textes écrits par une fée à la pilule dorée... Chaque billet de sa composition, tout doucement, insidieusement, me virent cumuler l'emploi d'émerveilleur de nuit.
De fil en aiguille, en allant plus loin que l'autre côté de la rue, je me suis mis à parcourir la France comme un compagnon de devoir, sans les contraintes. Je suivis donc ma copine Margot à Millau... où je devins écornifleur en bouquet, puis décoinceur de bulles.
J'appris ensuite le métier exotique d'allumeur de rêves berbères, déguiseur de jolies vaches à Honfleur (clic), pêcheur de congres à Tulle, vendeur de wok à Sion. Je franchis pour l'occasion quelques frontières... Au hasard d'une rencontre, je fus musicien dans un orchestre, trois fois hélas, je fus licencié, car j'enchaînais trop de canards, sans café...
Je m'étais donné du mal, pourtant ! J'avais même pour l'occasion changée mon nom. Rémi Lassol, accordeur de violons d'ingres. Dingue, nom ? Cela en jetait sur ma carte de visite !
Je me reconvertis donc comme soigneur dans un marineland à Antibes. Emploi qui fit jazzer, là-bas (clic) . Pour couronner le tout, je faisais flipper les dauphins...
Je m’essayai aussi à distilleur de larmes de crocodiles, dans une ferme drômoise (clic). Ces bêtes-là me faisaient peur et leurs larmes ne sont pas très saines...
Vint ensuite la basse saison où je pus exercer le métier de débardeur de charmes, dans une forêt de tronc-hais, un métier à tomber (clic) , mais aussi pourfendeur de bûches, à Noël.
Parallèlement, j'aimais beaucoup ces petits boulots, de plieur de rire, brouilleur de cartes, agitateur de bocal, juste avant de bifurquer vers une autre place : grossiste en fourberies d'escarpins. C'était le pied, même pas nickelé...
Bon an, mal an, je faisais comme mon père, trente-six métiers, trente-sept misères, qu'il disait ! Ma vie était devenue une pépinière d'entreprise, où la rêverie n'était pas cantonnée…
Ah oui, j’oubliais ! Je pratique plus souvent le dur métier de blanchisseur de pages…
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