Il n’y avait pas de maison près de la
fontaine.
Elle était isolée et ne se laissait pas apprivoiser facilement. L’endroit était choisi pour la protéger, comme le bien précieux qu’elle abritait. Près de la route, en contrebas, on ne pouvait savoir que c’était une fontaine ; la végétation luxuriante l’aidait dans sa discrétion.
Elle était isolée et ne se laissait pas apprivoiser facilement. L’endroit était choisi pour la protéger, comme le bien précieux qu’elle abritait. Près de la route, en contrebas, on ne pouvait savoir que c’était une fontaine ; la végétation luxuriante l’aidait dans sa discrétion.
L’endroit
était pavé de grosses pierres rondes et lisses, glissantes à souhait, polies à
force de peine et de temps. Je dois dire que remonter de cet endroit avec un seau
d’eau dans chaque main, relevait de l’équilibrisme ou du funambulisme.
Nous
allions la quérir régulièrement, car c’était notre eau potable, celle que nous
consommions tous les jours. Jusqu’alors, cette corvée était réservée aux femmes, et elle nous incombait à nous, les garçons. Dans ma campagne hors du temps,
nous n’avions pas l’eau courante au robinet à l’intérieur de la maison.
C’était, certes, au siècle dernier, mais pas si loin que ça.
De loin en loin, nous entendions dire que tel village
était raccordé, qu’un autre était en passe de le devenir, tout doucement
« ils » approchaient… Des géographes, des ingénieurs, des
fontainiers, puis les engins de chantier.
Ma campagne allait être momentanément
défigurée par de profondes tranchés, permettant le passage des canalisations.
Ce fut une révolution, un progrès incontestable et cette même campagne allait
devenir un immense terrain de jeu. Nous nous imaginions aux commandes de ces
montres de métal ; pelleteuses, niveleuses, bulldozers, Caterpillar dans
la lingerie fine… Nous n’avions jamais vu de tels engins et de là à se prendre
pour Ferdinand de Lesseps, il n’y avait qu’un pas.
Mais la vraie magie, fut celle de voir couler cette eau
précieuse au bout d’un tuyau fermé par un drôle de robinet. A l’automne mille
neuf cent soixante-douze, le « confort » entrait dans notre
maison ; l’eau chaude, dix ans plus tard. Faut dire que nous ne l’avons
pas inventé, puisque dans le Cantal, (ici) coulent les eaux les plus
chaudes d’Europe.
Depuis l’enfance, je ne sais pas la gaspiller. Ce qui
n’est pas un mal.