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dimanche 11 août 2024

Le charme de l'été

 

 

Photo du net

 

C’était en septembre, quand l’été remet ses souliers, lorsque le soleil s’endort sous l’olivier… C’était en septembre, juste avant que l’école ne reprenne, ne nous retienne prisonnier entre ses murs pour nous distiller un minimum d’instruction. C’était en septembre, quand la rosée du matin hésite à se lever, parce qu’elle sait qu’elle ne va pas tarder à retomber. Quand les jours se font plus courts, quand le soleil peine à réchauffer l’air de l’été finissant. C’était en septembre que l’on récoltait ce que l’on avait semé. 

Ce tantôt, en regardant une tornade de poussière traverser un champ, les souvenirs me revinrent. Une tornade de poussière odorante masquait complètement la machine qui la générait. Je n’ai pas le souvenir d’autant de pollution. Par contre, le parfum, lui, ne souffrait d’aucun doute. C’était le parfum des souvenirs de l’enfance. Le parfum des moissons.

Le soleil d'août et le vent de septembre avaient mûri patiemment le blé qui n’était plus en herbe, ce trésor doré à souhait, que ces mêmes vents des hauts plateaux du Cantal faisaient onduler en vagues chamoirées aux reflets soyeux. On aurait pu s’y baigner, tant cela semblait doux aux yeux et à l’âme.

Des machines énormes, à nos yeux d’enfants, inventées par le sieur Mac Cormick, œuvraient bruyamment dans les champs ; engloutissant par l’avant les hectares de culture, recrachant par l’arrière de la paille d’or, retenant dans ses flancs la précieuse récolte. Un coup de klaxon signalait que son ventre n’en pouvait plus. Alors mon père, au volant de son vieux tracteur, amenait la remorque au plus près du monstre.

Un flux hypnotique s’amorçait, le grain coulait à flots. Le parfum du blé chaud, gorgé de soleil est toujours très présent en moi, je le reconnais chaque année.

Le réchauffement climatique, ou bien l’amélioration des semences, font que les moissons ont lieu désormais, en juillet et août. En septembre, maîtres moissonneurs et saisonniers retournent à leur vrais métiers… 

S’ensuivait une tâche des plus pénibles. Si la mise en sacs pouvait être confiée aux plus jeunes, monter les tonnes de blé incombait aux hommes. Je revois mon père, le sac sur les épaules, suer à grosses gouttes pour gravir les vingt-six marches de l’escalier qui menait au grenier. Le plus important, disait-il, est de bien répartir la charge et d’adapter la bonne cadence. Il ajoutait, non sans humour, que c’était la dernière marche la plus haute. Pour avoir porté, moi aussi, des sacs de grain, un peu moins lourds, je peux dire qu’en fait, toutes les marches sont hautes… Heureusement, cette pénibilité a disparu. Les céréales sont désormais stockées dans des silos de plain-pied, remplis mécaniquement. Autres temps, autres mœurs. Pourtant, j’aimais l’odeur qui imprégnait sa personne, étrange alchimie du blé, mêlé d’effort, de sueur, dont le sac en toile de jute était le témoin.

Nous produisions toutes nos céréales, sans aucun traitement chimique. Blé, orge, froment, avoine. Les veaux, vaches, cochons, couvées, mangeaient cent pour cent biologiques.