Photo du net |
C’était en septembre, quand l’été remet ses souliers, lorsque le soleil s’endort sous l’olivier… C’était en septembre, juste avant que l’école ne reprenne, ne nous retienne prisonnier entre ses murs pour nous distiller un minimum d’instruction. C’était en septembre, quand la rosée du matin hésite à se lever, parce qu’elle sait qu’elle ne va pas tarder à retomber. Quand les jours se font plus courts, quand le soleil peine à réchauffer l’air de l’été finissant. C’était en septembre que l’on récoltait ce que l’on avait semé.
Ce tantôt, en regardant une tornade de poussière traverser un champ, les souvenirs me revinrent. Une tornade de poussière odorante masquait complètement la machine qui la générait. Je n’ai pas le souvenir d’autant de pollution. Par contre, le parfum, lui, ne souffrait d’aucun doute. C’était le parfum des souvenirs de l’enfance. Le parfum des moissons.
Le soleil d'août et le vent de septembre avaient mûri patiemment le blé qui n’était plus en herbe, ce trésor doré à souhait, que ces mêmes vents des hauts plateaux du Cantal faisaient onduler en vagues chamoirées aux reflets soyeux. On aurait pu s’y baigner, tant cela semblait doux aux yeux et à l’âme.
Des machines énormes, à nos yeux d’enfants, inventées par le sieur Mac Cormick, œuvraient bruyamment dans les champs ; engloutissant par l’avant les hectares de culture, recrachant par l’arrière de la paille d’or, retenant dans ses flancs la précieuse récolte. Un coup de klaxon signalait que son ventre n’en pouvait plus. Alors mon père, au volant de son vieux tracteur, amenait la remorque au plus près du monstre.
Un flux hypnotique s’amorçait, le grain coulait à flots. Le parfum du blé chaud, gorgé de soleil est toujours très présent en moi, je le reconnais chaque année.
Le réchauffement climatique, ou bien l’amélioration des semences, font que les moissons ont lieu désormais, en juillet et août. En septembre, maîtres moissonneurs et saisonniers retournent à leur vrais métiers…
S’ensuivait une tâche des plus pénibles. Si la mise en sacs pouvait être confiée aux plus jeunes, monter les tonnes de blé incombait aux hommes. Je revois mon père, le sac sur les épaules, suer à grosses gouttes pour gravir les vingt-six marches de l’escalier qui menait au grenier. Le plus important, disait-il, est de bien répartir la charge et d’adapter la bonne cadence. Il ajoutait, non sans humour, que c’était la dernière marche la plus haute. Pour avoir porté, moi aussi, des sacs de grain, un peu moins lourds, je peux dire qu’en fait, toutes les marches sont hautes… Heureusement, cette pénibilité a disparu. Les céréales sont désormais stockées dans des silos de plain-pied, remplis mécaniquement. Autres temps, autres mœurs. Pourtant, j’aimais l’odeur qui imprégnait sa personne, étrange alchimie du blé, mêlé d’effort, de sueur, dont le sac en toile de jute était le témoin.
Nous produisions toutes nos céréales, sans aucun traitement chimique. Blé, orge, froment, avoine. Les veaux, vaches, cochons, couvées, mangeaient cent pour cent biologiques.
Nous aussi, on mangeait 100% bio ! Sinon ce texte magnifiquement écrit, plein de souvenirs et de poésie ne peut que m'émouvoir, tant il me parle à moi aussi, qui semble -t-il avait la même aversion et pour les mêmes raisons que toi, pour la maison d'école.
RépondreSupprimerLes moissons avaient un goût de fin de grandes vacances. Nous profitions jusqu'aux derniers instants, dans l'espoir de pouvoir repousser l'inéluctable rentrée des classes. Il arrivait parfois qu'elles se passassent après ladite rentrée. C'était toujours une désolation de ne pas pouvoir y participer.
SupprimerTexte magnifiquement écrit, émouvant, vivant et vibrant, tel un Jean Giono de 2024.
RépondreSupprimerTu as du talent mon cher Xoulec, et même de multiples talents.
Un très grand MERCI pour cette évocation d'un temps révolu et pourtant toujours présent dans les mémoires. Même celle d'un petit citadin qui s'émerveillait à la campagne d'assister à ce temps des récoltes, tout en craignant ces énormes machines agricoles. Et en pensant que bientôt il faudrait retourner à l'école, hélas.
MERCI encore…
Merci pour le "magnifiquement écrit" ! Me comparer à un Jean Giono, même version 2024, est me faire beaucoup d'honneur. Cependant, je prends le compliment avec plaisir, et je suis heureux que tu aies apprécié mon texte.
SupprimerArriver ici pour laisser un commentaire après AlainX, n'est pas chose aisée.
RépondreSupprimerJ'ai plus "vécu" que "lu " ton texte qui m'évoque maman au volant du tracteur pendant que papa et ses enfants montent à la fourche les balles sur la remorque.. J'imagine tout à fait Robert Guédiguian monter un film sur ton récit avec ses acteurs favoris.
Tu as raison, déposer un commentaire après celui élogieux d'AlainX n'est pas des plus faciles. Le tien n'est pas mal non plus, puisque mon modeste texte a ravivé des souvenirs joyeux. D'ailleurs, il m'est peut-être plus facile d'écrire un texte à vivre, probablement parce que je l'ai vécu moi-même.
SupprimerAmicalement
Du vécu, je le sens. Tu as une belle écriture, poétique également. Merci pour ce souvenir. Bon après midi. Bises.
RépondreSupprimerJ'ai oublié de mettre mon nom et mon adresse de blog, pour le commentaire au-dessus. Voilà, c'est fait. Bon après midi, bises.
RépondreSupprimerComme je le dis à Chinou, c'est un texte réellement vécu et retranscrit avec ce parfum d'authenticité propre aux souvenirs d'enfance. J'ai retranscrit du mieux que j'ai pu, ce que je ressentais à l'époque.
SupprimerHeureux que cela te plaise.
Bonne semaine, bises d'Auvergne
Splendide !
RépondreSupprimerTu connais mon goût pour les descriptions à la Giono, et pour les blés...
Tu ne pouvais que parler à mon coeur en écrivant un si beau texte.
Bravo, Alain a raison, tu es bourré de talent et je n'en suis pas peu fière.
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Dans un de mes nombreux commentaires, posté chez toi, j'avais évoqué l'ondulation soyeuse des blés aux reflets chamoirés. Il me semble bien que tu avais aimé. Aussi, en écrivant ce texte, j'ai pensé à toi.
SupprimerIl y avait un bon bout de temps que je voulais l'écrire. Les vacances ont été propices à l'inspiration. Heureux que cela te plaise. Tu n'es pas sans savoir que tu es ma référence (à moi)...;-) Aussi, tes compliments me vont droit au cœur. Merci ma Célestine❤️
Bises de mon Auvergne jolie
Enthousiaste je suis après la lecture de ton texte, alors tu as vécu l'école comme une prison ? Il faut dire que les plateaux du Cantal donnent un tel sentiment de liberté absolu, je viens de rentrer de vacances auvergnates en me demandant pourquoi je n'y habite pas.
RépondreSupprimerJ'étais un enfant du centre ville qui allait en vacances dans le Massif Central chez mes grand-parents, je rêvais d'être éleveur, le pas lent du paysan, cette tranquillité, les vaches, les moissons, tout cela me fascinait.
Merci pour ton texte qui me touche beaucoup.
Mince j'ignore pourquoi mon commentaire s'affiche trois fois ?????
RépondreSupprimerAvant que je n'intervienne, blogger a supprimé lui-même les commentaires de trop. Même si l'école communale nous distillait l'instruction nécessaire, elle nous privait de ce que nous aimions... C'était d'autant plus insupportable que nous entendions et imaginions ce qui se passait dehors, au grand air.
SupprimerTon enfance dans le massif central a exercé une fascination semblable à celle de Robert Sabatier dans ses romans, lorsqu'il passa une partie de son enfance en haute-Loire, pas très loin de chez moi.
Je ne peux lire ce splendide texte sans partager l'émotion ressentie à l'évocation de ce temps des moissons avec des mots justes qui me transportent dans la lumière particulière de septembre. Je sens l'odeur du blé et de cette fin de saison. Très belle écriture !
RépondreSupprimerMerci... ! C'est en écrivant ce texte que je me suis transporté dans cette lumière si particulière de septembre, le temps de plonger dans mes mots, et je plongeais dans mon enfance pour faire vivre quelques souvenirs. Au vu des commentaires, je crois que je n’aie pas trop raté mon coup.
SupprimerTon commentaire, justement,(comme les précédents), me touche beaucoup, et me fait du bien. Merci
Je n'ai qu"un mot a dire "MAGNIFIQUE" c'est superbement bien écrit
RépondreSupprimerMerci chère Eve ! Je ne sais pas quoi dire, sinon que je m'étonne moi-même !
SupprimerJe remercie quand même Gilbert Becaud, qui m'a bien aidé pour démarrer mon texte, avec cette chanson ♫♫♫
Bises Cantalouses