présentation

dimanche 13 octobre 2024

Pan, sur le bec !

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195ème Devoir de Lakevio du Goût

 

 

 

 

 

Cette toile de Mark Keller me rappelle quelque chose et m’inspire un conte.
Mais à vous ?
Qu’inspire-t-elle ?
On le saura peut-être lundi…

 

 

 

Grand-père aimait beaucoup jouer du violon. Ce n’était pas du goût de tout le monde. Les oreilles sensibles s’abstenaient de l’écouter. Malgré son acharnement à vouloir animer les fêtes, dans les villages alentour, il n’arrivait pas à captiver son public. Faut dire qu’au mieux, il n’arrivait qu’à extirper de son crin-crin, des grincements douloureux aux tympans. Ceci explique cela. 

Le dimanche après-midi, grand-père était toujours de très bonne humeur, lorsqu’il se rendait sur les bords de Marne, et nul ne savait vraiment pourquoi ? Ce n’était sûrement pas l'insuccès de la veille… Aussi, j’étais curieux de savoir ce qui le mettait en joie. Je décidais donc de le suivre, à pas feutré, me faufilant ici et là pour ne pas me faire repérer. Ainsi, je découvris que papy était un sacré cachottier. Privé d’auditoire, il jouait merveilleusement bien du violon. Mais le plus extraordinaire, c’est que l’harmonie qu’il créait avait le pouvoir d’attirer les animaux à lui. Veaux, vaches, cochons, couvée, basse et haute cours, tous venaient écouter sa musique. C’était magique. 

Par un savant coup d’archet sur les cordes sensibles, une vraie-fausse note jaillissait de la table d’harmonie. C’était un signal… Le plus audacieux des canards montait alors sur le petit muret, s’approchait  du musicien, semblait lui parler dans un langage incompréhensible. Mon pépé riait alors aux éclats, et se mettait aussitôt à interpréter la fameuse danse des canards… Sans exception, tous les animaux se mirent à secouer le bas des reins. C’était drôle. Irrésistible, surtout quand ils essayèrent de faire coin-coin, dans tous les coins. 

Un éclat de rire déchira la cacophonie, et je fus découvert. Mon papy adoré me fit jurer de ne jamais révéler son secret de son vivant. Ce que je fis jusqu'à ce jour.

 

 

dimanche 29 septembre 2024

stairway to heaven

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193ème Devoir de Lakevio du Goût.

 

J’aime particulièrement l’automne mais que vous inspire-t-il ?
Certains lieux me remuent le peu d’âme qui me reste, surtout celui-ci que j’ai parcouru tant de fois.
Êtes-vous plus « Ô bruit doux de la pluie, par terre et sur les toits »
Ou « Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
Interminablement, à travers le jour gris, »
Êtes vous plus branchés Verlaine ou Verhaeren ?
Ou êtes vous simplement vous et vos rêves ou vos idées ?
À lundi, j’espère

 __

 

Chaque fois qu’il revient sur les hauts de la butte. Il s’arrête, contemple ces escaliers où tout a commencé… Un brin nostalgique, il se revoit, quarante ans plus tôt, les grimpant deux par deux, tant sa jeunesse lui donnait des ailes pour rejoindre son amoureuse aux jupons plein d’trous… Quarante ans qu’il ne les gravit plus, car il sait mieux que personne que ces escaliers sont durs aux miséreux. Il en a fait la douloureuse expérience, le jour où il les « déradoura »*. Un lacet mal lacé, la chaussure gauche entrava la droite, les jambes, via les pieds, perdirent leurs mobilités et le reste du corps bascula. Il ne put se retenir, et dégringola toutes les marches sans prendre le temps de les compter, ni de souffler, trop occupé à essayer de freiner sa cascade. Il se voyait déjà finir sa course folle façon puzzle… Caresse d’opale dans son corps brisé… 

Le chirurgien qui le rafistola n’avait jamais vu ça ! Seulement trois côtes cassées et un visage tuméfié, des hématomes un petit peu partout sur le corps.

 

-  « Vous avez eu beaucoup de chance, monsieur » lui déclara t-il !

 

De la chance, il n’en manqua pas, lorsqu’il découvrit que l’infirmière qui s’occupait de lui était un ange, et ses yeux étaient verts… Comme il lui sourit, elle ne put contenir un fou-rire devant le spectacle que lui offrait son patient. Un semblant de sourire qui ressemblait beaucoup à la grimace qu’aurait pu faire éléphant-man se muant en Michel Bernardin, alias Coluche dans le film “banzaï” (clic), le tout en technicolor, façon grand schtroumpf.

Malgré son apparence, plutôt repoussante, elle tomba sous son charme bien caché. Voilà quarante ans qu’ils marchent côte à côte sous les ailes des moulins qui, c’est bien connu, protègent les amoureux... 

Chaque fois qu’ils viennent à Paris, ils ne manquent jamais de venir sur les hauts de la butte. Là, il sent sa menotte qui cherche sa main, et sous la caresse, il ressent une ivresse qui l’anéantit.

 

 

* déradourer : mot patois de chez moi qui signifie, dégringoler. 

 

 

dimanche 11 août 2024

Le charme de l'été

 

 

Photo du net

 

C’était en septembre, quand l’été remet ses souliers, lorsque le soleil s’endort sous l’olivier… C’était en septembre, juste avant que l’école ne reprenne, ne nous retienne prisonnier entre ses murs pour nous distiller un minimum d’instruction. C’était en septembre, quand la rosée du matin hésite à se lever, parce qu’elle sait qu’elle ne va pas tarder à retomber. Quand les jours se font plus courts, quand le soleil peine à réchauffer l’air de l’été finissant. C’était en septembre que l’on récoltait ce que l’on avait semé. 

Ce tantôt, en regardant une tornade de poussière traverser un champ, les souvenirs me revinrent. Une tornade de poussière odorante masquait complètement la machine qui la générait. Je n’ai pas le souvenir d’autant de pollution. Par contre, le parfum, lui, ne souffrait d’aucun doute. C’était le parfum des souvenirs de l’enfance. Le parfum des moissons.

Le soleil d'août et le vent de septembre avaient mûri patiemment le blé qui n’était plus en herbe, ce trésor doré à souhait, que ces mêmes vents des hauts plateaux du Cantal faisaient onduler en vagues chamoirées aux reflets soyeux. On aurait pu s’y baigner, tant cela semblait doux aux yeux et à l’âme.

Des machines énormes, à nos yeux d’enfants, inventées par le sieur Mac Cormick, œuvraient bruyamment dans les champs ; engloutissant par l’avant les hectares de culture, recrachant par l’arrière de la paille d’or, retenant dans ses flancs la précieuse récolte. Un coup de klaxon signalait que son ventre n’en pouvait plus. Alors mon père, au volant de son vieux tracteur, amenait la remorque au plus près du monstre.

Un flux hypnotique s’amorçait, le grain coulait à flots. Le parfum du blé chaud, gorgé de soleil est toujours très présent en moi, je le reconnais chaque année.

Le réchauffement climatique, ou bien l’amélioration des semences, font que les moissons ont lieu désormais, en juillet et août. En septembre, maîtres moissonneurs et saisonniers retournent à leur vrais métiers… 

S’ensuivait une tâche des plus pénibles. Si la mise en sacs pouvait être confiée aux plus jeunes, monter les tonnes de blé incombait aux hommes. Je revois mon père, le sac sur les épaules, suer à grosses gouttes pour gravir les vingt-six marches de l’escalier qui menait au grenier. Le plus important, disait-il, est de bien répartir la charge et d’adapter la bonne cadence. Il ajoutait, non sans humour, que c’était la dernière marche la plus haute. Pour avoir porté, moi aussi, des sacs de grain, un peu moins lourds, je peux dire qu’en fait, toutes les marches sont hautes… Heureusement, cette pénibilité a disparu. Les céréales sont désormais stockées dans des silos de plain-pied, remplis mécaniquement. Autres temps, autres mœurs. Pourtant, j’aimais l’odeur qui imprégnait sa personne, étrange alchimie du blé, mêlé d’effort, de sueur, dont le sac en toile de jute était le témoin.

Nous produisions toutes nos céréales, sans aucun traitement chimique. Blé, orge, froment, avoine. Les veaux, vaches, cochons, couvées, mangeaient cent pour cent biologiques. 

 

 

vendredi 19 juillet 2024

La mort aux trousses

 

Récemment, en traversant cette bourgade du Cheix-sur-Morge (clic), un lointain souvenir émergea à la surface de ma mémoire ; une histoire abracadabrantesque.


Lorsqu’il repéra la voiture, il ne sut dire depuis combien de temps elle était derrière lui. Un étrange malaise s’empara de sa personne ; un pressentiment qui n’augurait rien de bon. Une impression qui se renforça dès lors qu’il reconnut la marque, le modèle et la couleur du véhicule en question. Sur cette route à double sens de circulation, toutes les voitures se suivaient ; il n’y aurait donc pas eu lieu de s'inquiéter plus que ça. Malgré tout, un semblant de paranoïa s’installa en une multitude de questions. Pourquoi le suivait-on ? Comment l’avait-on identifié ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Un début de réponse naissait dans son cerveau qui fonctionnait à plein régime.  Quelques mois plus tôt, il s’était  sorti d’une sorte de  guêpier qui portait magnifiquement la guêpière… Il présumait donc que ça n’avait pas été du goût de tout le monde…

Aussi, il faisait très attention et était très attentif à ce qui l’entourait. Le plus calmement possible, tout en conduisant sa voiture sportive, il élabora un plan.

Tout d'abord, ne pas céder à la panique, faire fonctionner ses neurones, ne pas montrer qu’il avait repéré la filature. Il connaissait la route par cœur et trouva rapidement où et comment faire pour savoir s’il était réellement suivi. Tel Sean Connery dans le film Octobre rouge, il opérera la manœuvre dite “Yvan le fou”. Un tour sur lui-même pour vérifier avec certitude la véracité de ses craintes. Juste après le cimetière où Fernand Raynaud perdit la vie (clic), il bifurqua à droite.  À l’intersection suivante, encore à droite, et enfin au quatre chemins, une dernière fois à droite pour revenir sur sa route principale.

La voiture suiveuse le suivait toujours. Il commença à avoir peur ; à jouer avec le feu, vous connaissez la suite…

Dans son cerveau en ébullition, il échafauda un plan pour mettre fin à la filature. Il n’aurait aucun mal à semer son poursuivant ; sa voiture, le moment venu, libérerait toute la puissance de ses chevaux. Le vieux diesel de son poursuivant ne pourrait faire le poids. Il lui fallait simplement trouver le bon scénario. l’action se déroulerait dans la capitale du pneumatique, dans un quartier qu’il connaissait bien.

Au feu rouge, la voiture de la même couleur se tenait à deux voitures de la sienne. Il savait que la synchronisation des feux tricolores lui serait favorable. Il démarra en trombe, atteignit le feu suivant à l’orange bien mûre, continua sur sa lancée, tourna brusquement à droite, en brûlant plus qu’une étape... Il se perdit dans un labyrinthe de petites rues. Son poursuivant n’aurait aucune chance de le retrouver. Il respira enfin, tandis que d’autres questions l’assaillaient. Il reprit sa route en direction de ses montagnes protectrices, et trouva en partie des réponses plausibles, qui le rassurèrent. Il n’était pas très fier de lui, aussi, il ne parla jamais, à quiconque, de cette mésaventure. Qui l'aurait cru ? 

D’ailleurs, il avait lui-même du mal à y croire, au point de se demander s’il ne l’avait pas rêvé. Il ne fut plus jamais inquiété.

le rêve et la réalité peuvent avoir parfois de bien étranges connections !

 

 

 


dimanche 16 juin 2024

L'amitié

J'écrirai, probablement un jour, un texte sur l'amitié. Pour l'heure, et pour rendre hommage, je n'ai que cette chanson à me mettre sous la dent, enfin, à vous proposer.

Probablement celle que je préfère de cette artiste. De plus, elle (la chanson) a juste mon âge. Elle n'a pas pris une ride, moi oui.

samedi 18 mai 2024

Lecture

 

« Il faut lire » 

 

C’est ce que n’arrêtait pas de dire ma prof de français que je n’aimais pas. Il faut lire. Oui d’accord, mais quoi ? Du temps que j'usais mes fonds de culottes sur les bancs de l’école primaire, les éventuelles lectures venaient à nous dans un bibliobus. Une bibliothèque sur roues. Il fallait suivre les injonctions de mes nombreuses maîtresses d’école. Il faut lire, il faut prendre des livres. Je ne savais pas lesquels, et cette opération devenait une torture. Je me rabattais sur les Tintin et Milou, Astérix et Obélix, le clan des sept. Des trucs faciles à lire. Je lisais peu ou pas du tout.

Puis au collège, il fallait encore lire. Des classiques obligatoires. C’est probablement le mot “obligatoire” qui m'indisposait, à moins que ce ne fut le côté "classique". Lorsque les études eurent fini de me poursuivre, je n’ai plus ouvert un livre.

Paradoxalement et aussi bizarrement que cela puisse paraître, j’ai toujours été attiré par les librairies, par les trésors qu’elles recelaient, ceux-là même qui me voyaient empêtré avec, comme une poule qui aurait trouvé un couteau. Puis un jour, un livre m’attira irrésistiblement, comme un aimant.

Matière à rire*, d’un maître des mots, qui jouait avec… J’ai feuilleté, j’ai aimé. Ce fut le tout premier livre que je m’achetai. Puis, beaucoup plus tard, j’en reçu un en cadeau d’adieu : Le grand meaulne (avec une chaussure noire), aimais-je à rajouter. Dès lors, j'ai compris ce que je pouvais trouver dans les livres, et j’ai su orienter mes choix. D’abord, pour occuper l’esprit, ensuite, parce que j’y ai pris goût. Pour apprendre à apprivoiser mes lectures, je suis passé par la case des romans policiers et autres thrillers, j'y suis d'ailleurs, toujours fidèle. Des auteurs connus et maîtres du genre. De temps en temps, j’alterne, avec des histoires plus douces ; rien à l’eau de rose, je déteste. 


Je viens de terminer deux superbes livres qui dardaient leurs pages sur l’étagère de la bibliothèque municipale. Il y avait longtemps que j’avais noté le titre dans ma liste de livres à lire. Et voilà t'y pas que ce livre n’était pas seul, sa suite l’y côtoyait. Dès la première page, j’ai été emporté dans un tourbillon. J’ai dévoré. Je ne divulguerai rien du contenu. Enfin si, beaucoup d'émotions, de ces émotions fortes qui vous tirent les larmes malgré vous. Des larmes de tristesse, de joie, d’horreur aussi, mais également de bonheur, de grand bonheur qui vous élève, d’espoir.

J’ai dû faire plusieurs pauses, afin que la tension retombe, et autant pour écrire ce texte, en alternance, par épisodes. J’entends presque ma petite sœur me charriant en me traitant de femmelette… Parce qu’un homme, ça ne pleure pas. Quelle connerie ! 

Dès les premières lignes de ces livres, le ton est donné. 

 - Ils sont l’histoire romancée de mes grands-parents, à partir du récit que ma grand-mère n’a jamais pu achever, tant l’horreur de ce qu’elle avait vécu finissait par s’étrangler de sanglots, dixit l’auteur : Ian Manook.

 C’est fort, c’est prenant, bouleversant. A celles et ceux qui ont le cœur bien accroché, qui aiment les belles histoires, je recommande.


Ian Manook : L’oiseau bleu d’Erzeroum - Le chant d’Haïganouch

 

 

 

*Matière à rire : Raymond devos