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vendredi 7 novembre 2025

Mauvais garçon

 

Je le reconnus à sa poignée de main, ou plutôt à son absence de poigne. Tandis que je m'estirgouillais les méninges à essayer de mettre un nom sur sa personne, il se présenta. Pétard, je ne risquais pas de le reconnaître, tant il avait changé. Moi, pas du tout, me dit-il. 25 années, nous séparaient de notre dernière entrevue, mais malgré tout, je n'avais pas oublié sa façon de dire bonjour. Une poignée de main qui n'en était pas une, pas un broyage des métacarpes, mais une poignée de main qui ressemblait à une escalope pendouillante que l'on vous tend négligemment. Inoubliable ! Il se présentait pour un entretien d'embauche, et visitait l'atelier dans lequel j'officie, pour quelque temps encore, en compagnie de son futur patron. Trois ans sont passés, et il vient juste de se faire pousser vers la sortie, dans un soulagement général et unanime. Entre ces deux moments, j'avais appris qu'il avait quitté son entreprise précédente, dans les mêmes conditions ; ça pose question ? Dans ce même laps de temps, il a failli réussir l'exploit de « pourrir » la bonne entente générale. Il n'aurait pas été mauvais bougre, s'il n'avait pas eu cette propension à capter les petits travers des uns et des autres, de les monter en épingle, comme blanc en neige, afin de les exacerber et d'en tirer des théorie fumeuses visant à faire battre deux montagnes entre elles, comme disait mon père. Le mécanisme aurait pu fonctionner, d'autant plus qu'il s'appuyait sur une part de vérité, qui rendait ses élucubrations crédibles. L'effet nocebo recherché commençait, d'une certaine manière, à embistrouiller certains de mes collègues, alors qu'une autre partie l'évitait déjà. 

Les malheurs du sophisme allaient l'affecter directement. 

Une ultime prise de bec avec votre serviteur alluma la mèche du détonateur ; il fut invité à réfléchir à son avenir dans l'entreprise.

 

Lorsqu' il revint pour récupérer ses affaires personnelles, il ne me regarda pas, ne me parla pas, ne me tendit pas son « escalope »... Bref, il ne me connaissait plus. 

Je suis sûrement, à ses yeux, la cause de la rupture conventionnelle de son contrat de travail. Bien entendu, je n’y suis pour rien, mais ce genre d’individu ne peut pas penser une seconde qu’il est le principal fautif, c’est forcément la faute d’autrui. Je le plains presque, car je sais qu’il ne guérira pas de cet état maladif, de son comportement à chercher les ennuis. En y réfléchissant, je me souvins alors que dans une ancienne grande entreprise, où nous nous sommes connus, il avait déjà cette tendance à voir le mal en chacun, et, en définitive, se faire du mal à lui-même. Je ne peux pas dire qu'il était totalement une mauvaise personne, comme je ne peux pas dire non plus son contraire. Mais tout de même, quel emmerdeur !

 

 

mardi 30 septembre 2025

Activité extra...

 

Il n'y avait pas de temps à perdre, dès les premiers jours de classe, avant qu'octobre ne jette sur nous son voile de froidure, les après-midi ensoleillées étaient consacrés à une drôle d'activité, dite "extrascolaire". En rang par deux, nous allions battre ma campagne...

Mais je vais un peu trop vite en besogne, cette activité prenait sa source un peu plus tôt, en juin.

Tandis que les grandes vacances approchaient à la vitesse de l'éloignement du programme scolaire, les derniers jours de ce mois voyaient s'installer un rite immuable depuis de nombreuses années. Point la préparation d'une quelconque fête de l'école, mais la préparation du petit-bois qui servirait pour l'allumage du vieux poêle de la classe et des appartements de la maîtresse, quand l'hiver serait là. 

Pour ce faire, les consignes étaient très simples. Nous devions amener, de nos fermes respectives, le matériel adéquat. Ainsi, les vingt-six élèves que nous étions, partaient équipés de haches, hachettes, sécateurs, scies et autres outils coupants ou cisaillant à l'assaut des genêts fleuris qui couvraient les terrains communaux. L'opération consistait à les couper, et à les étaler au sol, afin qu'ils sèchent durant l'été.

Quand septembre serait là, le premier travail scolaire n'en serait pas un. Nous devions confectionner des fagots, de nos genêts grillés ; excellent combustible. Ensuite, un paysan se chargeait de tout rapatrier dans la cour de l'école ; il ne restait plus qu'à tout ranger au grenier, avec le bois de chauffage, lui aussi livré sur place. Il s'ensuivait une atmosphère joyeuse, car propice aux bêtises... 

L'année suivante, tout recommencerait et la boucle serait bouclée. 

C'était sans compter sur le progrès... Le vieux poêle à bois allait voir son successeur le détrôner. Le charme de la rentrée scolaire s'évanouirait dans les fumées et l'odeur âcres d'un poêle à mazout ; flambant neuf.

Certes, la chaleur distillée, serait moins chaotique, mais cette chaleur "Deville" à la campagne, signait la fin de cette aventure extrascolaire. 

Dans mes yeux et souvenirs d'enfant, pour moi, elle était simplement extra.

 

 

Fin 

 

 

samedi 13 septembre 2025

C'est la rentrée !

Septembre, avant qu'il ne nous tombe sur le moral, était si loin qu'il paraissait inatteignable. Pourtant, un jour après l'autre, inéluctablement, nous nous en approchions dangereusement. C'était avec une boule au ventre que nous l'appréhendions, car ce mois en "bre" nous faisait froid dans le dos ;  brrr. 

La lumière de l'astre solaire déclinant à vue d'œil, l'ombre en profitait pour s'étirer jusqu'à rencontrer la nuit. La rentrée des classes, qui se situait autour du dix ou quinze septembre, nous portait un coup fatal. Toute ma scolarité a suivi ce même schéma ; je n'aimais pas cette fin de liberté. 

De par notre proximité avec l'école communale, fin août, nous rencontrions pour la première fois celles qui nous feraient souffrir en classe. Mon village était un poste pour débutantes. Chaque année, j'eus une nouvelle institutrice ; une seule fois un instituteur, dont je parle ici (clic). Accompagnées de leurs parents, qui venaient les installer dans leur appartement de fonction, au-dessus de la salle de classe, mes nouvelles maîtresses d'école ne semblaient pas être plus âgées que mes sœurs. Avec le recul, je pense qu'elles devaient avoir, elles aussi, une boule au ventre... La vie dans ma campagne d'alors, même sans être paysan était dure. Le village était isolé, il n'y avait pas tout le confort moderne (clic), et les hivers y étaient très rigoureux ; celui qui se préparait en particulier... (clic).
Le jour de la rentrée, le contraste avec la jeunette que nous avions vu plus tôt était saisissant ! Nous avions affaire à une vraie institutrice, en bon uniforme ; cheveux noués en queue-de-cheval, pulls à col roulés, blouse blanche avec une ribambelle de stylographes épinglés sur la poche de poitrine, pas de chapeau, mais des bottes de cuir... Bref, une tenue d'institutrice qui voulait en imposer. 

Si les tout premiers souvenirs sont un peu nébuleux, il y en a qui sont restés très nets. Dès les premiers jours de classes, avant que les hirondelles ne se rassemblent sur les fils électriques pour leurs grandes migrations, il y avait une sorte d'effervescence parmi les élèves que nous étions. Une activité extrascolaire, comme on dit aujourd'hui, se profilait, et nous réjouissait intérieurement. Cette activité, si nous l'avions pratiquée dans nos familles respectives, aurait été une corvée. Mais dans ce contexte particulier, c'était un plaisir ; le plaisir d'échapper à l'enseignement. J'ai eu le délice d'y goûter avant qu'elle ne disparaisse. D'ailleurs, de nos jours, cet affairement serait impensable et, interdit...

À suivre...

 

 

samedi 26 juillet 2025

Après la pluie...

Le jardin, après la pluie, renaît, non pas de ses cendres, mais comme une fleur qui s'épanouit. Le champ de pomme de terre retrouve une deuxième jeunesse. Les tomates goûtent un peu de fraîcheur avant que l'éthylène et le soleil ne les fassent rougir de plaisir, à souhait, pour notre plus grand plaisir.

Les haricots sont les plus chanceux, la pluie, si précieuse, est arrivée à point nommé. Juste pour la floraison, un moment crucial dans la vie d'un haricot. Mes plants de melons se sont étirés de toute la place disponible. Les fruits vont bientôt se former ; Délicieux, gorgés de soleil, inside. 

La saison avait pourtant mal débuté. Un violent orage de grêle aurait pu tout ravagé, en ce début de mois de mai, où les feuilles volent au vent... Par chance, ou par intuition masculine, je n'avais rien planté ; mon jardin était vierge de toute plantation ou semis. Je n'ai eu aucun dégât à déplorer. 

 

ô rage de grêle...


La spirée, que j'ai obtenue par marcottage,(clic) attire à elle les papillons de jour, toujours, toujours l'amour... La lavande bourdonne de mille abeilles et autres insectes. Il s'en échappe un parfum subtil, un parfum de sud ; j'adore.

 

Lavande Xoulecienne

 

Juste à côté, le romarin, qui a subit un accident de faucheuse/broyeuse, se relève doucement, mais fièrement. J'aurais été très peiné de le voir mourir. À l'autre bout du jardin, à l'endroit même où j'ai œuvré avec ma pelleteuse, quelques graines d'œillets d'Inde attendaient patiemment d'être révélées au grand jour.  

 

œillets rescapés

Pas très loin de là, j'ai planté deux amandiers, que j'ai obtenus par germination. Dix amandes enfouies dans du terreau, (bio, mon terreau), à l'automne dernier, ont donné six amandiers, que j'ai transplantés. Ceux plantés au bord du jardin, ont profité d'une bonne terre cultivée.

 

amandier de l'année au bord du jardin

Leurs tailles est de plus du triple de ceux qui n'ont pas eu cette chance. 

 

 

amandier moins chanceux




 

Mon laurier blanc, n'est pas en reste, voyez plutôt, je le trouve simplement beau.

 

laurier blanc


Bref, j'arrête là mon énumération à la Prévert, vous l'aurez compris, j'aime mon jardin, j'aime planter, transplanter, semer, récolter... Mes parents étaient des cultivateurs de profession. C'était le terme employé sur tous les documents officiels.

 J'aime à croire que je le suis un peu. Moi qui habite sur les hauteurs de la ville, je me sens un peu comme un jardinier des hauts cantons.

 

 

vendredi 11 juillet 2025

Déroutant ...

Tout récemment, je me suis équipé d'une nouvelle machine. Depuis plusieurs semaines, sans vraiment être assidu, j'étais à l'affût de ce qui se vendait, sur un site de vente en ligne bien connu. J'établissais plusieurs critères de recherche. En premier lieu, je privilégiais la proximité ; pas question de faire des kilomètres. Ensuite, en bon Auvergnat, le prix de la chose en question ; pas question d'y mettre plus cher qu'un prix raisonnable. Le bon état de l'engin est tout aussi important ; pas question d'acheter un truc hors d'usage, ou plus vieux que moi. Avec ces critères basiques, le choix qui s'offrait à moi était considérable ; il était difficile de faire un choix. 


Je me suis alors concentré sur l'annonce, proprement énoncée. Toutes celles illustrées avec de très mauvaises photographies furent éliminées. Toutes celles qui comportaient une ou plusieurs fautes d'orthographe ont subi le même traitement. Il ne restait plus qu'à se concentrer sur la rédaction de l'annonce. Les textes courts, précis, sans fioritures ni ambages retenaient toute mon attention. Le phénomène qui m'a fait choisir une annonce plutôt qu'une autre est bien mystérieux ; je ne saurais l'expliquer.
Une impression, un ressenti. J'envoyais un bref message, dont la réponse arriva le lendemain. Des réponses précises à des questions précises, agrémentées de deux ou trois trucs inhérents à ce type de machine, me séduisirent. Nous fixâmes un rendez-vous, en échangeant nos numéros de téléphone respectifs.
Rendu au pied de l'immeuble, j'appuyais sur l'interphone et m'annonçais : « Bonjour, je suis xoulec, je viens pour la machine. »
Quand elle me vit, je lus, sur son visage, une surprise de taille, et m'empressai de la rassurer ; j'étais bien l'acheteur potentiel...

- Ce n'est pas courant, pour un homme, d'acheter ce genre de machine !

Certes ! Je lui racontais comment, avec mes frères, nous savions maîtriser à minima, le fonctionnement d'un tel engin...
Je m'installais aux commandes, et fis quelques essais, tandis que son mari était encore plus étonné qu'elle ! Je jubilais intérieurement...
L'affaire fut conclue, rondement. Ah oui, juste une précision, la machine dont je parle depuis le début de mon billet, n'est autre qu'une machine à coudre.
S'en servir est presque aussi simple que d'utiliser une scie à ruban ; la précision de la gestuelle se ressemble énormément.


Ouf, j'avais quantité d'ourlets, rapiéçage en tout genre, poches décousues, et autres genoux troués, qui s'accumulaient dangereusement. Elle me raccompagna jusqu'à ma voiture, en s'excusant presque de son étonnement en m'avouant qu'elle était sûre d'avoir affaire à une femme. J'enfonçais le clou, si je puis dire, en lui révélant que c'était mon père qui avait appris à tricoter à ses filles, enfin, à celles qui avaient des aptitudes... Là, elle fut cueillie ! 

Le prix était modique, j'étais content de mon achat, mais probablement plus par le fait de démontrer que les activités domestiques, quelles qu'elles soient, ne sont pas forcément genrées.

 

samedi 14 juin 2025

Abus de pouvoir

Le deal était clair, et je l'avais accepté. Pendant toute la durée de leur séjour dans une ile de l'océan indien, je devais veiller sur leur habitation, au bon fonctionnement d'un mode de chauffage en veille, les mois d'hiver, et un entretien des abords de la maison. Le plus important, étant réalisé par une entreprise spécialisée dans l'entretien des espaces verts. Cet arrangement leur permettait de partir l'esprit plus serein, et moi, d'agrémenter la saveur des épinards... Au passage, je gagnais leur confiance. Cependant, il y avait un petit truc qui me chagrinait, trois fois rien, une sensation bizarre que cette confiance, qui avait un prix, ben, justement, avait un prix...
Très honnêtement, j'aurais pu rendre ce service gratuitement. J'en étais presque vexé.
Après cinq ans passés, ils revinrent et mon contrat expira de sa belle expiration. La vie reprit son cours, jusqu'à l'année suivante, où ils me recontactèrent pour prolonger ledit contrat. Les termes n'étaient plus les mêmes, j'avais la mauvaise impression de mettre les doigts dans un mauvais engrenage, tout en sachant qu'il n'y en a pas de bons... Je refusai tout net. Voilà quinze ans qu'ils ne m'ont plus fait signe, quinze ans qu'une relation tarifée n'a plus de tarif, quinze ans qu'elle n'existe pas. Pour tout vous dire, je ne m'en porte pas plus mal. Dès le début, j'avais senti l'intérêt qu'ils me portaient pour mes multiples savoir-faire. Uniquement mes savoir-faire... Je n'avais aucune envie ni besoin de devenir l'homme à tout faire de mon voisin, qui me semblait avoir des velléité d'invasion. Cela ne me semblait pas sain, du tout. Ma sensation du début ne m'avait pas trompé... Une relation, quelle qu'elle soit, ne s'achète pas, même de façon déguisée. Je ne crois pas me tromper en disant que je suis naturellement porté de bons services, mais il ne faut pas abuser. Certes, je suis parfois un peu «ours», une protection que je me suis construite, favorisée par mes racines cantaliennes, mais une protection efficace pour garder mes distances envers autrui. Une sorte d'acuité à savoir jauger les bonnes personnes des moins bonnes ; je ne dis pas que c'est un sixième sens, mais cela m'a très souvent réussi. Certaines personnes savent voir au-delà de ce costume d'ours, d'autres, pensent pouvoir en vendre la peau sans l'avoir tué. De temps en temps, comme sur ce blog, je choisis de laisser tomber mon masque.