Les ours des pôles errent un peu partout hors de la
banquise, tant celle-ci se rétrécit comme peau de chagrin. Certains oiseaux
migrateurs migrent tardivement, se faisant parfois surprendre par une incursion
de l’hiver en hiver. Pendant ce temps, des agités du bocal ont l’esprit qui
s’échauffe, pour ne pas dire qui surchauffe. Bref, les foldingos n’hibernent
plus…
Le foldingo n’est pas une espèce de chien sauvage d’Australie, rendu fou
par l’antipodisme ; non, le foldingo vit partout sur terre et s’est
parfaitement adapté à tous les climats. Grave pourri de l’intérieur, comme
dirait mon fils. C’est probablement pour cela que le foldingo ne se montre pas,
ne s’expose pas ; probablement par souci de ne pas contaminer… C’est un
« courageux » dans l’âme, et c’est ce qui le pousse à insulter,
à fieller sans se faire de bile sûr, ô truie, celles et ceux qu’il ou elle
jalouse maladivement. Une maladie qui siphonne tout le bon sens du bocal !
Ne reste plus que la lie et ses nombreuses ratures…
La sainte Catherine est passée, et je n’ai
pas planté d’arbres, qui, d’après le proverbe, prendraient racines, quelle que soit l'essence. Malgré cela, un arbre magique s’est présenté à moi… Un arbre
magnifique, qui ne ressemble à aucun autre. Sans feuilles ni épines, il n’est
pas non plus ce conifères non résineux bien connu des cruciverbistes.
Il est
simplement inclassable. D’une essence répandue, on ne le voit jamais croître,
peut-être par manque d’attention. On ne le voit jamais fleurir, car il est
discret. Cependant, il porte les fruits les plus beaux qui soient ; il est aussi
impossible de les cueillir, tant cet arbre est grand. Non, il faut attendre
qu’ils daignent choir, le plus souvent sur une personne de son choix.
Mais quel est donc cet arbre mystérieux, grand
schtroumpf , me direz-vous ?
Eh bien, c’est un arbre que tout un chacun est à même de
rencontrer. D’ailleurs, je suis quasiment sûr que tout le monde l’a déjà vu au
moins une fois dans sa vie, sans s’en rendre compte… Ce tantôt, j’ai récolté un
de ses fruits. Ce n’était pas un samedi soir sur la terre, ni au bord d’un
petit chemin qui sentait la noisette. Il était simplement là, sur mon chemin.
Un fruit du Hasard… Cet heureux Hasard, donc, a ensoleillé ma journée,
météorologiquement tristounette.
Elle s’appelait Maria comme d’autres s’appelaient
marguerite, Yvonne, Philomène, Sidonie ou Berthe. J’en oublie plein d’autres, de
ces vieilles femmes qui peuplaient mon village. Vieilles, pas vraiment !
Une soixantaine d’années, tout au plus, les séparaient du jour de leur
naissance, mais elles en paraissaient le double, dans nos yeux d’enfants. Le
travail très dur les avait froissées comme des journaux du temps passé. La
tenue vestimentaire n’ajoutait rien à l’affaire, le noir était à l’honneur, si
bien que nous imaginions qu’elles pouvaient être des sorcières sans balais.
-Marguerite
avait des cerises sur son chapeau, elle se faisait croire que c’était toujours
l’été.
-Sidonie
était d’une curiosité malsaine, de celle qui amadoue les enfants pour savoir ce
que trament les parents.
-Berthe,
je crois, n’avait pas de grands pieds, mais nous semblait être plus douce que
ses congénères. D’ailleurs, nous nous n’y trompions pas. Pour les menus travaux
que nous lui dispensions, elle nous payait rubis sur ongle. Des gâteaux qu’elle
faisait spécialement, un paquet de gaufrettes ou alors, ces petits beurres au
doux nom de « match », au goût jamais égalé ailleurs que chez elle.
-Maria,
c’était différent…
***
Elle était un petit bout de
femme, animée d’une énergie débordante. De très tôt à très tard, elle
s’activait. En fait, elle ne s’arrêtait jamais. Ses nuits ne devaient pas durer
plus de quatre ou cinq heures. Elle était tellement occupée, qu’elle n’avait
pas le temps d’être malade, ni de contracter la grippe. C’est dire ce qu’elle
aurait fait du Covid… Il était impossible de lui donner un âge, tant elle
paraissait ne pas en avoir. Un visage buriné, bruni par le soleil, noirci par
les fumées du temps et les trente-sept misères de la vie d’alors dans un
cantal quasiment sous-développé, était creusé de rides profondes, cérusé à la
manière d’un vieux meuble patiné par le temps. Sans son foulard, Maria arborait
une coupe de cheveux qui aurait laissé plus d’un coiffeur dubitatif… Je pense
qu’elle devait se les couper elle-même. Ce n’était pas folichon, mais c’était
fonctionnel. Il suffit, qu’avec mes frères et sœurs, nous évoquions « une
coupe à la Maria » pour que nos souvenirsreviennent intacts. Quand elle se rendait aux divers marchands
ambulants, une meute de chien, tout aussi noirs qu’elle, l’accompagnait. Ainsi
escortée, dans un accoutrement à faire peur un soir d’Halloween, elle semblait
bien loin de la jeune fille de dix-sept ans qu’elle fut lorsque celui qui était
alors son mari, l’avait enlevée pour vivre avec et élever celui qui
s’appellerait quelques mois plus tard, René.
Les vieux, c’est bien
connu, ne parlent plus, ou alors parfois du bout des yeux ; c’est de mon
père que je tiens cette histoire. Quand même, ces vieux qui peuplèrent ma
jeunesse, même si ils avaient tous l’âge de la sagesse, ne l’avaient pas
toujours été, sage !
Depuis quelques temps, j’ai l’impression d’avoir tout
écrit, que je n’ai plus rien d’intéressant à dire. Ce soir, comme par magie, je
suis tombé sur un commentaire que j’ai publié chez une blogueuse que
j’affectionne particulièrement. Pétard ! C’est moi qui aie écrit ça, me
dis-je ! Je m’étonne moi-même. Je dois avouer que pendant la durée de nos échanges réguliers, je me suis surpassé ; enfin, c’est l’impression
que j’en aie. Écrire pour écrire, percer un mystère tout en en créant un ;
voilà un truc qui me plaisait. Plus les échanges avançaient, plus la
« relation » prenait corps, plus je savais que je me dirigeais vers
le bout de quelque chose que je ne sais pas définir ; une impression
diffuse d’un truc qui vous échappe et que vous n’avez pas le droit ni le
pouvoir de retenir. L’aventure fut merveilleuse, palpitante, rythmée par la
publication régulière et la prolixité de l’auteure. Combien de fois me suis-je
dit que je ne pourrais pas tenir la cadence ...! Combien de fois ses billets
m’ont captivé… ! Depuis un mois, j’ai perdu l’inspiration, je n’ai rien
griffonné, rien scribouillé ; manque de temps ? Manque d’envie ?
Manque de besoin ? Avant de débarquer sur les blogs, je travaillais
l’écriture, l’orthographe, en me faisant des dictées ; les rubriques
dominicales de Jacques Mailhot étaient mes sujets de prédilection ; un
chansonnier que j’aime beaucoup ; auvergnat, de surcroit, ce qui ne gâche
rien.
Je ne sais toujours pas par quelle alchimie mystérieuse je suis tombé sur
le blog qu’il me fallait, le blog dont j’avais besoin… Assidu aux publications
et commentaires, je n’ai pas vu passer le temps ; cet assassin, ce
gourmand qui engloutit le rire des enfants comme autant de mistral gagnant.
Merci Renaud Séchan !
Hormis ce billet, aujourd’hui, c’est la panne sèche. À
l’instar du « mille bornes », je n’ai pas de botte secrète qui me
permettrait de reprendre le fil de mes histoires.
Ce n’est rien, tu le sais bien, le temps passe, ce n’est
rien, Xoulec !
« Tiens, voilà septembre qui m’tombe sur l’moral ».
J’ai douze ans et je n’en mène pas large. J’essaie de ne
rien montrer, mais je suis dans un état d’émotion extrême. Mes parents viennent
de me laisser dans la cour du collège, pour l’entrée en sixième. Je quittais
pour la première fois la ferme familiale ; un grand départ. La pension
était aussi terrible que l’idée que je m’en faisais. En écrivant ces premières
lignes, je me rends compte qu’en fait, je n’ai que onze ans. Cela ne change
rien à cet état d’émotion ; il est toujours le même. Ce sont ces mêmes
douze ans, qui me font déverser sur du papier d'écolier un flot ininterrompu
d’encre bleu.
J’ai douze ans. J’ai la gorge nouée, si bien qu’aucun
mot ne peut franchir la barrière des cordes vocales pour y être soufflé et les
rendre audibles. Les tentatives avortent, ma voix n’a aucune assurance.
J’ai douze ans, dans cette chambre d’hôtel. Le parquet
craque sinistrement, le lit en bois sombre n’a rien d’accueillant. J’ai réservé
trois nuits, et dès la première, par un carreau cassé, le vent de janvier s’invite
dans ma tristesse sans Chopin.
J’ai souvent eu douze ans…
J’ai encore douze ans, en regardant mon fils les avoir à
son tour… Les mots ne peuvent s’extirper de ma sensibilité, de la nôtre… Nous
échangeons des banalités, des petits riens. L’état d’émotion est extrême, on se
jette dans les bras l’un de l’autre. Puis, comme je suis meilleur à l’écrit
qu’à l’oral, me vient l’idée de lui écrire ce que je ne sais pas dire. Une
courte lettre deux cent mots… remplie d’émotions, pour lui dire que je l’aime, que je suis fier de lui,
que j’ai confiance en lui pour la suite, pour qu’il y puise sa force comme j’y
puise la mienne.