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mercredi 14 décembre 2022

Fauché comme les blés

 146ème Devoir de Lakevio du Goût.

 

       

La multiplicité des interprétations possible de cette toile de Léon Augustin Lhermitte m’a amusé.
Elle devrait vous inspirer autant qu’elle m’a inspiré en la voyant.
Même mieux encore j’espère.
À lundi.


 

Je ne sais pas faire les devoirs en temps et en heures. j'ai l'impression de revenir à l'école, où j'étais catalogué "mauvais en Français".

J'espère que vous me pardonnerez d'être hors délai, mais cette image m'a inspiré. Peut-être mon côté paysan du Cantal...

 

 

 

 

Gustave était fauché comme les blés. C’est pour cette raison qu’il s’était fait embauché comme journalier dans la ferme de  l’étang. L’œil aiguisé, il avait tout de suite remarqué, par une fenêtre entrouverte, la silhouette à peine dénudée de Margot, qui donnait la gougoutte à son chat… Quelle chance, se dit-il, si je peux combiner l’utile à l’agréable ! Sa situation lui paraissait plus enviable que la précédente, d’où il était parti avec perte et fracas.

Le blé était presque mûr, Édouard et sa famille avaient entrepris la moisson du grand champ sous la combe. Il avait vaguement entendu parler que des machines perfectionnées, tractées par des bœufs, pouvaient faire le même travail, mais il hésitait encore. Ils en avaient discuté avec son épouse Marguerite, et s’étaient mis d’accord pour continuer ainsi, encore deux ou trois ans. Pour l’heure, deux bras supplémentaires ne seraient pas de trop. Occupé à son labeur, Édouard n’avait pas remarqué l’absence d’un commis, ni même de Margot, la dernière de ses filles. Il la croyait repartie à « l’estaou* ».

Ce fut Marguerite qui découvrit le pot aux roses. L’avancement du travail avait dévoilé le nid d’amour improvisé des amants du jour. Malgré le corsage dégrafé de la belle Margot, le poltron minet avait succombé aux bras de Morphée. Les amants improbables n’avaient pas eu le temps de goûter aux fruits défendus... L’appétit de Gustave passait d’abord par son estomac. Une fois repu, un divin breuvage l’enchanta, avant de le désenchanter... S’il s’attendait à une horrible piquette, de celle qui fait des centenaires, son cerveau, après son palais, fut émoustillé par ce nouveau vin venu d’Algérie. Ce même vin qui faisait tomber les hommes aussi sûrement que des mouches. Ce breuvage-là ne lui fit pas de cadeau. Son degré d’alcool, deux fois plus élevé que les piquettes locales, l’expédia directement au pays des rêves, dans une sorte de coma idyllique.

C’est sur ce spectacle que Marguerite prit sa décision ; dès ce soir, elle parlerait à son cher et tendres. Ensemble ils iraient à la foire de la st Paule pour acheter cette nouvelle machine.

Bien sûr, l’époque des journaliers ne serait pas encore révolue, il y en aurait d’autres, mais pas celui-ci.

Fauché comme les blés, il serait.

 

 

* L'estaou : désolé, je ne sais pas écrire le patois. C'est la maison,  en patois de chez moi.


29 commentaires:

  1. J'aime bien le coma idyllique .... ;-)

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  2. ça coute cher les machines, mais si c'est pour employer des des commis qui vous mettent la pagaille, dans les blés, il vaut peut être mieux encore dépenser ses sous à bon escient et puis au moins le Gustave ne les boira pas ceux là ! Trés bien ton devoir. Il mérite un bon point !

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    1. Merci pour le bon point. bien sûr que les machines coutent cher, mais en proportions, à l'époque, elles coutaient vraiment très cher. Enfin, toujours moins que de payer des commis à batifoler ou dormir !😉 

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  3. Joli texte bien développé avec des jeux de mots savoureux dissimulés çà et là…
    ça m'a évoqué Jean Giono, mais dans un style primesautier !
    En tout cas celui qui t'a qualifié de « mauvais en français » est à coup sûr un mauvais enseignant !
    (Historiquement le passage sur la piquette et le vin d'Algérie m'a semblé très intéressant)

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    1. Me comparer à Jean Giono, m'honore, tu ne peux même pas imaginer, enfin si, je suppose...
      Quant à ma prof de français, que je n'aimais pas du tout, je suis assez fier de m'offrir une belle revanche...
      Le passage sur le vin d'Algérie, me vient directement de ce que racontait ma maman. Après les moissons, une fois que les gerbes étaient rapatriées au village, il fallait battre le blé, pour extirper le grain de l'épi. C'était un travail harassant, bruyant, poussiéreux. Ça desséchait les gosiers. Il fallait donc hydrater... Ma maman disait que les hommes ne tenaient pas la journée, qu'ils tombaient comme des mouches.
      Cette image m'y a fait automatiquement penser.  🙂 

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  4. C'est vrai que ce tableau donne des idées , comme une envie d'aller s'assoir dans le foin et puis de .....
    Rire .
    C'est toujours chouette de venir faire un tour sur le blog de Xoulec !

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    1. et puis d'avoir le soleil pour témoin ♫♪♫♪♫ Le foin a un énorme avantage, c'est très parfumé, la paille beaucoup moins.
      Merci pour ta dernière phrase, ça me fait plaisir.

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  5. En effet, Xoulec, Brassens et Giono nous font rêver à cette époque où les jeunes filles avaient les joues roses et un brin de blé dans les cheveux parce qu'elles venaient de gouter aux joies de la moisson. Tu illustres fort bien cette toile. Bon dimanche Xoulec

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    1. Merci Chinou. Même en retard, j'ai été inspiré... En plus de Brassens, j'ai glissé une petite touche de jean Ferrat. C'est peut-être pour cette raison que mon texte a un goût d'authentique.
      Bonne semaine

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  6. Personne ne pense a cette pauvre Margot qui même le corsage défait n 'a pas gouté à ce doux breuvage qui l'aurait à coup sur, ravie au lit ou non, enfin je connais maintenant la raison pour laquelle nous en sommes venus aux moisonneuses................trés beau texte
    https://youtu.be/DZ6sA99rJDg

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    1. L'arrivée des moissonneuses/batteuses signa la fin de toute une époque. Les jeux d'enfants, autour des meules, les premières amourettes, les souvenirs des anciens.
      Quant à Margot, elle aura pu constater de ses yeux, que des bonnes choses, il faut consommer avec modération.

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  7. Le coma idyllique. Décidément, une belle trouvaille!

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    1. N'est-ce-pas, d'autant plus que c'est exactement ça !
      Bises du massif central

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  8. J'aime bien cette peinture, les filles sont girondes à souhait, avec des poitrines qui ne laissent pas indifférents. Mais le poltron minet ne semble pas en "état de marche".

    Ayant très peu joué dans la paille, j'en ai surtout le souvenir que ça pique !

    Bonne année 2023 !

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    1. Tu as raison, la paille, ça pique. Pour avoir beaucoup joué dans les deux, le foin est beaucoup plus confortable.

      Bonne année 2023 itou

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  9. Eh bien, tu as raconté une histoire bien anti-conformiste. C'est inattendu comme texte. Tu t'en es bien tiré pour ce jeu. Bravo ! bonne soirée.

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    1. Merci, mais je ne trouve pas mon histoire anti-conformiste. D'ailleurs, y-a t-il seulement une norme ?
      J'avoue que je suis assez fier de mon petit texte.
      Bonne fin d'année et bonne nouvelle année 2023

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  10. Je suis remplie de fierté à ta lecture : jamais je n'aurais dit de toi que tu es mauvais en français...Tu sais ce que je pense de ton parcours bloguesque, moi qui en ai été l'instigatrice, la muse enfin bref...Si ta façon de mener tes récits me parle, c'est sans doute parce que j'y retrouve toujours, ça et là, un peu de ma "patte"...et en même temps, solidement, tu te crées ton style. C'est pourquoi tu as raison d'être fier de ton texte.
    Bises épanouies
    •.¸¸.•*`*•.¸¸🦋

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    1. Si commenter chez toi a toujours été un plaisir, le travail, pour y arriver, a été colossal. Notamment au début, où j'ai ramé des soirées entières, uniquement pour éviter l'emploi des participes passés et autres joyeusetés de la grammaire.
      Commenter sur un blog de hautes tenues, m'obligeait à m'élever moi-même... Internet m'a été d'un grand secours, pour réviser les fondamentaux. Cependant, sans tes excellents et très beaux textes, doublés de tes réponses bienveillantes, rien n'aurait été possible... Alors, même si c'est moi qui ai fait le plus gros du boulot, je ne remercierais jamais assez le hasard qui m'a amené chez toi. J'y ai trouvé ce que je cherchais. Merci Célestine
      Bises sous le charme

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    2. C'est très chouette de lire cet échange entre vous deux, d'autant plus lorsque on a été témoin–lecteur d'une partie du cheminement.
      Je me permets de m'immiscer parce que c'est quelque peu emblématique des relations qui font éclore les talents des personnes.
      Ça me rejoint aussi personnellement dans ce que j'appellerais « l'élévation par osmose et/ou mimétisme » jusqu'à ce que l'on trouve sa patte personnelle. Comme bien d'autres, j'ai été tantôt l'un, tantôt l'autre. L'enseignant est toujours un ancien élève. Nos sociétés ne doivent pas perdre une vue qu'on est tour à tour maître d'apprentissage et disciple qui se libère.

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    3. @ Alain
      Quoi de plus naturel que de se laisser imprégner, impressionner, par son écriture. J'ai lu ses billets pendant six mois, avant de me risquer à déposer mon premier commentaire. Son écriture faisait vibrer une corde sensible, je me devais de me jeter à l'eau...
      Quant à mon "apprentissage", j'ai toujours procédé de la même façon :
      - lorsque j'ai appris à skier, je voulais être Jean-Claude Killy
      - lorsque j'ai appris à conduire, je voulais être Ary Vatanen
      - pour l'écriture, j'aimerais bien être Célestine

      Je n'ai pu jamais égaler personne, simplement être pleinement moi.

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  11. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  12. Bonjour Xoulec. L'année défunte a laissé place à douze mois frais et dispos . Puisses tu nous régaler encore et encore de tes écrits. Bien amicalement.

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    1. Bonjour Chinou, j'ai justement un nouveau texte en préparation... Les douze mois frais et dispos ont commencé, pour moi, d'une drôle de façon... C'est le sujet de mon prochain billet.
      Belle année à toi

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  13. ô Homme du massif central , j'ai une question à te poser :
    où donc se trouve la caverne originel des "Devoirs de Lakevio du Goût."
    J'ai tenté de trouver où ces devoirs naissaient , mais je n'ai pas trouvé , pourtant j'en en vois le résultat chez toi , chez Célestine et bien d'autres .
    Est-ce Dieu qui vous envoie Saint Michel pour vous donner les consignes à l'oreille , est-ce le secret d'une secte ?
    Bonne journée à toi .

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    1. Viens chez moi que tu fréquentes, clique sur le titre du devoir et tu tombes sur le blog de « le goût des autres » qui a pris la relève de « En bateau Lakevio »

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    2. Je ne peux pas dire plus, ni mieux qu'Alain. Sinon, c'est içi :
      http://le-gout-des-autres.blogspirit.com/

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