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dimanche 22 septembre 2019

Eau vive





Il n’y avait pas de maison près de la fontaine. 
Elle était isolée et ne se laissait pas apprivoiser facilement. L’endroit était choisi pour la protéger, comme le bien précieux qu’elle abritait. Près de la route, en contrebas, on ne pouvait savoir que c’était une fontaine ; la végétation luxuriante l’aidait dans sa discrétion. 
L’endroit était pavé de grosses pierres rondes et lisses, glissantes à souhait, polies à force de peine et de temps. Je dois dire que remonter de cet endroit avec un seau d’eau dans chaque main, relevait de l’équilibrisme ou du funambulisme. 
Nous allions la quérir régulièrement, car c’était notre eau potable, celle que nous consommions tous les jours. Jusqu’alors, cette corvée était réservée aux femmes, et elle nous incombait à nous, les garçons. Dans ma campagne hors du temps, nous n’avions pas l’eau courante au robinet à l’intérieur de la maison. C’était, certes, au siècle dernier, mais pas si loin que ça.
De loin en loin, nous entendions dire que tel village était raccordé, qu’un autre était en passe de le devenir, tout doucement « ils » approchaient… Des géographes, des ingénieurs, des fontainiers, puis les engins de chantier. 
Ma campagne allait être momentanément défigurée par de profondes tranchés, permettant le passage des canalisations. Ce fut une révolution, un progrès incontestable et cette même campagne allait devenir un immense terrain de jeu. Nous nous imaginions aux commandes de ces montres de métal ; pelleteuses, niveleuses, bulldozers, Caterpillar dans la lingerie fine… Nous n’avions jamais vu de tels engins et de là à se prendre pour Ferdinand de Lesseps, il n’y avait qu’un pas.
Mais la vraie magie, fut celle de voir couler cette eau précieuse au bout d’un tuyau fermé par un drôle de robinet. A l’automne mille neuf cent soixante-douze, le « confort » entrait dans notre maison ; l’eau chaude, dix ans plus tard. Faut dire que nous ne l’avons pas inventé, puisque dans le Cantal, (ici) coulent les eaux les plus chaudes d’Europe.

Depuis l’enfance, je ne sais pas la gaspiller. Ce qui n’est pas un mal.






29 commentaires:

  1. Moi, tu me parles de fontaines, je craque.
    J'ai ça dans la peau les fontaines. J'aime leur tranquillité, leur symbole, leur beauté, le bruit qu'elle font...
    Bref j'adore ce billet.
    Par contre la chanson de Guy Béart me sort des yeux...
    Gros bisous ami de la nuit
    •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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    1. Ravi que ce billet te plaise ! Quant à Guy Béart, j'avoue que je n'ai pas cherché plus loin. Alors, spécialement pour toi...
      Et du coup, c'est mieux.
      Bises, amie de la nuit

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    2. Merci beaucoup j'adore jeanne Cheral !
      Un gros bisou retardataire...
      •.¸¸.•*`*•.¸¸☆

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  2. Quel plaisir de lire ce texte... Tu sais, j'ai vécu, en 1977, dans l'Averyon, une petite maison (un mazet) sans eau ni électricité. La source était en contrebas, plein de sangsues, et oui... l'eau s'économisait, elle était bien lourde à monter! Merci :)

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    1. Tu sais quoi ? Ça me fait plaisir, ce que tu me dis !
      Quérir l'eau était un vrai travail pénible.
      Quand mon père installa un tuyau alimenté directement dans un puits, par gravité, l'eau pour les bêtes et les lessives, arrivait directement devant chez nous, mais cela créa des jalousies et il dut ôter ledit tuyau et le puits fut scellé par la mairie. La nuit venue, mon père le descellait. Mais il ne put ré-installer le tuyau.
      Ah l'eau !

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  3. Je ne sais pas en quelle année l'eau courante est arrivée dans la petite maison bleue de mes vacances, mais je me souviens très bien lorsque ma mère allait chercher de l'eau au puits qui se trouvait en bas du village. Je l'aidais comme je pouvais à remonter les seaux, j'étais gamine. Et je me souviens aussi très bien de la joie et du soulagement de ma mère, lorsque l'eau courante a enfin pu couler, et que les corvées d'eau ont enfin cessé.
    A moi aussi, il me plaît bien ton billet, Xoulec ! :-)
    Belle semaine et des bises de ma campagne.

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    1. L'adduction d'eau dans les habitations a été une révolution assortie d'une surcharge de travail en moins pour les femmes, puisque cette corvée leur incombait.
      Certains n'ont pas souhaité de raccordement au réseau, ils avaient chez eux puits et pompe et ont continué à vivre ainsi.
      Je prends les bises de ta campagne voisine... Et je t’envoie mes
      bises Puydômoises

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  4. J'aime ces fontaines qui souvent avaient tout à côté un abreuvoir, un lavoir ou les deux...elles ont tant de choses à nous raconter et quand en plus cela fait partie des souvenirs de notre enfance, c'est encore plus beau je trouve :) merci pour ces mots. Le confort a mis du temps à arriver dans nos montagnes mais en Provence à cette époque si nous avions l'eau au robinet, on allait remplir la cruche à la fontaine car l'eau y était tellement plus fraîche surtout en été. Merci à Chinou d'avoir présenté ce matin votre joli blog. J'y reviendrai

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    1. Cette fontaine a toujours l'abreuvoir à côté. Les abords ont été aménagés, depuis qu'elle ne sert plus.
      Faut dire qu'elle est située à quelque trois cent mètres des habitations et de par cet éloignement, c'était vraiment une corvée que d'y aller.
      Elle sert toujours de "dépannage", quand il y a des coupures d'eau.
      Merci d'être venue me lire.
      Beau week-end

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  5. C'est grâce à Chinou que je suis ici. Je crois qu'elle a à présent entre ses mains un vrai trésor. Nous avons toujours eu l'eau courante à la maison, je vivais en ville et je n'ai jamais connu l'eau de la fontaine. J'ai adoré parcourir quelques pages de votre blog, il faut être poète pour parler de cette façon de la pomme de terre, donner une recette dans un commentaire avec la crème du lait, quelle délectation ! Et puis un article extraordinaire sur la calculatrice, j'aurais dit bêtement , "elle calcule" mais non, tout une jolie page sur cet "engin" et pour finir montrer une pièce d'un autre temps. Je me suis régalée à vous lire et je remercie Chinou de ce très beau lien.
    Très beau week-end, je suis certaine que le future bibliothèque sera une merveille.
    danièle

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    1. Un trésor qui lui donne à hésiter entre, s'en servir, ou pas ?
      Merci d'avoir pris le temps de lire quelques pages et de venir me le dire.
      Quant à ma bibliothèque, j'ai cherché longtemps en magasin et je ne trouve rien qui ne me plaise vraiment (je suis peut-être bien, un peu difficile ). Si ce n'est pas la couleur, ce sont les dimensions, si ce n'est pas cela, c'est autre chose... Aussi, je m'applique ce proverbe :" on est jamais si bien servi que par soi-même".
      Beau week-end

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  6. Je me souviens du lavoir de ma maman au fond du jardin, l'eau n'était pas gaspillée comme à présent à l'époque
    Merci d'être passé au jardin de Titi Zoulec

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    1. X/Z, lettre compte triple (au scrabble)😉 ! Tu es pardonnée ; pas facile, mon pseudo !

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  8. Un rappel important sur ce temps qui n'est pas si lointain que ça comme tu le soulignes, et que les jeunes aujourd'hui ne peuvent même pas s'imaginer.
    J'ai lu les commentaires et ce que tu dis de la jalousie à propos de la pompe et du tuyau c'est vraiment typique de la campagne. Et ça, c'est pas encore fini...

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    1. Les campagnes, qui paraissent paisibles, ne le sont pas toujours. Les jalousies y étaient latentes, c'est sûrement encore le cas. L'eau était un véritable enjeu et l'est toujours...
      Et comme tu le dis, ce n'est pas prêt de s’arrêter. Malheureusement !

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  9. En fait, on a connu à peu prés les mêmes choses à quelques années d'écart. C'est vrai qu'on faisait attention à l'eau ainsi qu'à la nourriture, à la nature, et à plein d'autres choses aussi. En ce temps là, où le chacun pour soit et l'ultra nombrilisme n'avaient pas encore gagné tous les esprits, on savait vivre du peu qui nous été dispensé.

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    1. Les campagnes, que ce soit du puy de Dôme ou du Cantal, se ressemblent beaucoup et les gens qui y ont vécu ont des points communs. C'était une autre "génération" aux commandes, ceux qui n'étaient pas allés à l'école d'agriculture pour apprendre à produire plus.

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  10. Ah ben voilà, j'ai réglé mon problème de commentaire, il me suffira donc à l'avenir de monter d'un étage, et de me servir du micro antique !

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    1. Ravi de te voir apparaitre chez moi ! Même avec un micro antique, et pas en toc !:)

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  11. Merci beaucoup pour ce beau texte.

    Dans mon enfance, il y avait l'eau courante chez moi. Ce n'était pas partout ainsi dans la ville où nous étions.
    Il y avait cependant une règle et un principe fort dans l'éducation que j'ai reçue :
    — On ne gaspille pas l'eau ! On ne joue pas à l'eau !
    Comme s'il s'agissait d'un bien précieux qui pourrait nous être retiré à tout moment.
    Et d'ailleurs c'était une sorte de principe de vie : on ne gaspille pas !
    Plus ou moins Je vis encore de cette manière. Se contenter de ce que l'on a et s'en réjouir de l'avoir.
    S'en est venue la société de consommation, et comme tout un chacun j'ai pu avoir beaucoup. Il me semble que je suis resté imprégné de ces principes de l'enfance. Je trouve une sorte de bien-être dans la sobriété. (Forcément relative dans le pays riche ou je vis)
    La frénésie de consommation m'a toujours semblé une impasse au bonheur.
    Sinon, j'aurais probablement foncé tête baissée dedans, comme bien des gens. Pour une fois j'ai envie de remercier mes parents.

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    1. Ah oui, j'avais (presque) oublié : on ne joue pas avec l'eau ! (ma mère entrait dans des colères noires)
      Ce n'est pas l'envie qui manquait parfois, mais nous ne nous serions pas avisés d'y toucher. L'eau était sacrée, tout simplement. Et puis, comme tu le dis, est venue la société de consommation... Je me souviens qu'après le raccordement au réseau d'eau, les quarante premiers mètres cube d'eau était gratuits. La porte ouverte au gaspillage... et comme toi, je remercie mes parents de ce qu'ils m'ont appris.

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  12. Tu dois aimer l'eau qui chante, l'eau source de vie, les cascades, les fontaines, les lavoirs , abreuvoirs, les puits et autres sources....et avec l'arrivée de l'eau dans les foyers est arrivée également (mais plus tard) le chlore. Il y a même eu quelques années en arrière des menaces d'attentats par l'eau. Ceux qui n'ont pas connu ce que tu nous racontes sont ceux qui laissent couler l'eau le temps de se brosser les dents, ou celle la douche le temps de se savonner. Apprenons à nos enfants à la respecter comme nos parents nous l'ont appris.

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    1. Depuis que mes enfants sont tout petits et en âge de comprendre, je bataille ferme, avec l'eau... !
      Nous la respections, avec tout le travail qu'elle imposait.
      Il ne serait venu à personne, l'idée de gaspiller sa peine.
      Il en reste que du positif.
      J'ai la chance de vivre dans une région que l'on qualifie "château d'eau de la France", mais ce n'est pas une raison pour dilapider son trésor.

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  13. L'eau est un trésor à préserver, qu'elle court dans la campagne, tombe du ciel ou coule du robinet.
    Je récupère l'eau de pluie pour mon jardin, et en Picardie les bonbonnes se remplissent parfois rapidement, mais les étés chauds nous concernent aussi maintenant. L’eau est source de vie...

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    1. C'est une évidence qui a tendance à s'oublier. Il suffit juste d'en manquer pour en mesurer sa valeur et son désarroi, face à une pénurie.
      Moi aussi, je récupère l'eau de pluie, pour le jardin et je l'utilise à l'économie. Je n'arrose que ce qui a soif.

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  14. J'ai connu ça en vacances en Corrèze, ce devait être vers 72, dans un moulin à eau... :-)

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    1. Encore un paradoxe... ! Moi qui croyais bêtement que dans mon Cantal, nous étions les derniers lotis ! Mais il y a des "coins perdus" un peu partout... Et dans un moulin à eau, cela confirme que ce sont les cordonniers les plus mal chaussés ;)

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