Parfois, le temps s’écoule comme un vieux camembert trop fait. Les minutes s’étirent à en devenir des heures, les heures, des journées. Plus j’y pense, plus le temps qui passe ressemble à cette sorte de fromage en portions à l’effigie d’un bovin hilare. Six, douze, ou vingt-quatre parts, comme autant de tranches horaires.
Tout comme mes frères et sœurs, j’ai eu ma première montre-bracelet pour l’entrée en sixième. Loin de chez soi, il fallait mesurer le temps qui nous séparait du retour. Attiré, que j’étais par ces mécaniques, j’avais pris un peu d’avance. La montre de gousset de mon père me fascinait. Elle restait à demeure dans un tiroir de l’armoire parentale. En journée, nous avions interdiction de monter dans les chambres, à l’étage. Selon ma mère, nous n’avions rien à y faire. Aussi, à la faveur de moments d’inattention, je m’éclipsais en douce pour satisfaire ma curiosité. La porte de l’armoire grinçait, mais j’avais trouvé une astuce pour éviter cela. Ensuite, le tiroir forçait sur ses coulisseaux, et il ne fallait surtout pas se faire surprendre par la brusque libération des frottements ; sans quoi, la chute était inévitable, et moi, démasqué. Là, parmi des papiers importants, gisait l’objet de ma convoitise. La montre de mon père, qui la tenait du sien, et sûrement plus encore.
Je savais passer un temps infini à la regarder égrener en rond, dans un tic tic tic caractéristique. Cette montre n’avait rien d’extraordinaire, mais elle me plaisait, et j’imaginais qu’avec un tel objet, j’avais le pouvoir de ralentir, et pourquoi pas, de remonter le temps. Le ressort n’apprécia pas mes nombreuses remontrances…
Vienne les nuits, sonnèrent les heures, les jours
passèrent et la montre demeura cassée.
Des années plus tard, j’ai retrouvé ce plaisir perdu dans les limbes de l’enfance. Une authentique montre mécanique à la précision Helvétique dardait ses aiguilles à travers la vitrine d’un bijoutier. Je l’ai longtemps admirée, jusqu’à ce que je me décide à franchir le cadran sol/air de la boutique. À défaut de changer d’heure, j’ai changé de montre. C’est dingue, mais je sais encore passer du temps à la regarder tictaquer. L’instant fugace de la superposition des aiguilles est assez magique ; je remonte enfin le temps. J’ai six, sept ou huit ans.
Ma montre |
Mon billet, à l'état de premier brouillon |
J’aurais aimé hériter de la tocante paternelle ; je l’aurais faite réparer pour rattraper ma bêtise d’enfant. Hélas, tout comme la tradition voulait que la ferme familiale soit reprise par l’ainé des garçons, la montre revint à mon frère. Je me suis senti comme le petit quinquillou… Vous savez, dans ce petit jeu de mains d’enfants, où une poule a fait un œuf au creux de la main…
Tu racontes très bien cet attachement à l'objet comme ta manière de remonter le temps, tu nous embarques dans ton enfance, c'est mignon et plein de charme.
RépondreSupprimerPourquoi n'as tu pas demandé à ton frère de récupérer cette montre peut être qu elle ne l'intéresse pas ?
Je pense qu'il n'y a pas le même attachement que moi, mais ma mère la lui a donnée après le décès de mon père. Je respecte. J'y accordais une importance, et depuis, justement, le temps est passé.
SupprimerCoucou. La précision helvétique n'est plus à vanter. :-)) (pardon, je suis un peu patriote parfois quand il s'agit des montres, du cholocat et du Cervin...). J'ai eu ma première montre à ma première communion. Je l'ai toujours mais je ne la porte plus. Maintenant, je regarde l'heure sur les pendules qui m'entourent (au travail) ou alors sur mon téléphone portable (ce qui enlève de la poésie au temps qui passe j'en conviens). Je me rappelle d'une énorme pendule chez mes grands-parents, elle sonnait à toutes les heures et me faisait sursauter à chaque fois. Finalement, le téléphone est plus discret... Bises alpines.
RépondreSupprimerCoucou, pour ce qui est du Cervin, difficile de rivaliser. Que serait l’emblème de la Paramount pictures studio ?
SupprimerJe n'ai plus ma montre de sixième, et je n'en porte au poignet, que l'hiver. Jamais quand je ne suis pas au travail. L'idée de regarder l'heure sur mon portable ne m'effleure même pas !
Bises Puydômesques
pourquoi que l'hiver? La montre tient chaud? :-))
SupprimerD'une certaine façon... En fait, l'été, je ne supporte pas d'avoir le poignet enserré ; dilatation corporelle oblige. De plus, je n'aime pas avoir " la marque du maillot" 😕
SupprimerC'est une drôle de "chose" que le temps, qui se tord et se distord en fonction de la perception qu'on en a à tel ou tel moment... Il passe et nous dépasse, mais il passe inexorablement.
RépondreSupprimerReste que quand il te ramène à tes souvenirs et tes fascinations d'enfance, c'est bien joli :-)
Merci Baladine ! Je sais les minutes interminables et les jours si courts... Je sais aussi, comme l'a écrit JJG, que le temps d'avant, c'était le temps d'avant. Pas de nostalgie, juste des souvenirs lointains.
SupprimerBises Puydômoises
Joli billet autour de cette montre paternelle. Je ne me souviens pas du jour où j'ai eu ma première montre. Mais je me souviens aussi de celle à gousset de mon grand-père et de tout ce mécanisme magique. C'est vrai que c'est magique lorsque tu regardes ces pièces si petites et qui s'accordent si bien entre elles. :-)
RépondreSupprimerQuant au temps qui passe, tout est relatif. Cinq minutes peuvent nous paraître affreusement longues, et une heure terriblement courte. :-)
Bonne semaine, Xoulec. Bises de ma plaine bassoise.
Je me souviens très bien de ma fascination pour les montres. Bien avant "la vraie", ma sœur B.... m'en avait offert une factice, en me recommandant de ne pas la montrer à petite sœur.
SupprimerJe l'ai si bien cachée, en la remontant haut sur l'avant-bras, que je porte encore les cicatrices que le fermoir me fit.
Bises de ma ville à la campagne
Les objets importants de nos enfances ont l'extraordinaire que nous leur accordons. Ils deviennent irremplaçables, comme ceux et celles à qui ils appartenaient.
RépondreSupprimerLes belles montres transmises d'une génération à l'autre, parce que tout se construit avec le temps au rythme des aiguilles.
J'ai la montre à gousset de mon oncle et une vieille montre bracelet de mon père dans un tiroir de mon bureau. De temps à autre je les regarde et les voici présents.
Tout se fait au présent dans nos mémoires affectives.
Par mon billet, je vois que je t'ai fait un peu remonter le temps. Enfin, le temps d'une pensée.
SupprimerJ'ai récupéré un outil de charron, que mon père utilisait. Un outil que j'utilisais aussi, pour l'imiter. Mais moi, je ne faisais que chapuser.
Il est, maintenant, au repos dans mon atelier. Je m'en sers quelques fois, et comme pour toi, les mêmes causes produisent les mêmes effets.
J'aime bien comme tu racontes. On se surprend à regarder tourner les aiguilles avec toi.
RépondreSupprimerJe suppose que tu connais l'horloger de Saint Paul à Lyon, il pourrait sans doute la réparer. Tiens, tu me donnes envie de retourner y faire des photos...
Je t'ai envoyé un lien aussi.
Je ne connais l'horloger de st Paul qu'en film, avec Philippe Noiret. Je ne savais pas qu'il y en avait un "vrai"... Pourtant, pour la fête des lumières 2021, j'étais juste devant, c'était beau.
SupprimerCet horloger serait parfaitement capable de réparer la montre de mon père. Pour cela, il faudrait que mon frère en fasse la démarche, puisqu'elle est à lui, désormais.
Merci pour ton mail, le lien, et tout et tout.
Bises
Le temps, le temps...et rien d'autre.
RépondreSupprimerSujet éternel, mystère absolu...
La vache ! Pas de quoi rire...sauf si on décide de le prendre légèrement. Sinon, on se fait plomber facilement.
Joli souvenir d'enfance, mon Didier.
J'ai adoré ce vieux camembert en tranche.
•.¸¸.•*`*•.¸¸☆
Merci pour la chanson, ma Célestine.😉
SupprimerJe n'écoute presque jamais Aznavour ; sauf aujourd'hui.
Un souvenir d'enfance qui a ressurgi en visitant le blog de Pastelle ; Élise tenait dans sa main une « fameuse » montre de gousset... D'où mon billet.
Des bises sous trente centimètres de neige.❄️❄️❄️
A choisir entre une montre et l'éternité, je choisi bien sûr....... ,
RépondreSupprimerPour l'instant je porte la montre de ma grandmère , démodée, bien sûr mais le temps n'a pas d'âge. Amitiés
Je ne suis pas très fort en devinettes. Cependant, selon Ian Fleming, seuls les diamants sont éternels. Alors, choisir l'éternité n'est peut-être pas si bien que ça. Comme cette chanson l'enchante, même en courant plus vite que le vent, plus vite que le temps, tu, nous n'aurions pas le temps.
Supprimer♫♪♫♪♫♪
Oui, il y a des objets que l'on aimait vraiment, et que l'on aurait trouvé "juste et logique" de recevoir en souvenir. Et par la logique des droits d'ainesse et autres... ils finissent comme des trophées sans intérêt, dans un tiroir ou en attente d'être donnés ailleurs. C'est l'injustice des choses que l'on fait justement :) Mais les souvenirs... c'est toi qui les as. Ca ne se cède pas, ça se revit avec amour!
RépondreSupprimerLe temps est passé, et je me suis fait une raison. Finalement, les souvenirs, c'est presque mieux !
SupprimerMon grand père avait aussi une montre à gousset, il la regardait avec tout un cérémonial !
RépondreSupprimerIl me semble que les gens d'autrefois dans nos campagnes avaient des gestes lents, prenant le temps de regarder l'heure , de réfléchir avant de parler, rien à voir avec la cohue de ceux qui vont prendre le métro, ils avaient "le pas lent du paysan" (**) .
(**) je cite Georges Pompidou , un cantalou de Montboudif ?
Ah oui, Pompidou, un Cantalou qui a bien réussi ! les ors de la république devait le changer de sonboutdif :-)
Supprimer👍🤣
Supprimerjeux de mots typiquement Zoulecquien !!
@ Alain
SupprimerOn ne se refait pas ! :-)