Il était six heures du matin, le village peinait à se réveiller. Les quelques chiens des fermes étiraient leurs muscles endormis, baillaient aux corneilles en se demandant probablement où nous allions, de si bon matin.
« C’est à peine l’aurore, et je tombe du plume »
D’ici et là, provenait à nos oreilles le ronronnement sourd des trayeuses électriques. Le camion du laitier n’allait pas tarder à collecter le lait frais ; l’ami Ricoré n’était pas loin… Nous traversions le village encore couvert de nuit. L’aurore était légère, il faisait presque beau. Le petit sentier, juste derrière l’église, nous mènerait directement au vieux moulin ; celui-là même dont je parle ici. Ensuite, seulement se laisser porter à contre-courant, jusqu’au réal, en trempant nos lignes dans les endroits judicieux.
« Moi, j’affute mes gaules, pour partir à la pêche. Musette sur l’épaule, saucisson, bière fraiche »
J’imaginais déjà une pêche miraculeuse, et la taille de mon panier d’osier ne me semblait pas proportionnée pour contenir toutes les truites que je voyais en rêve. Extirper un appât de cette boite remplie de longs bric-à-brac d’anneaux, ne m’enchantait guère. Ensuite, empaler cette pauvre bestiole sur la pointe effilée de l’hameçon me répugnait carrément. Le ver rechigne à se faire empaler gentiment. Bref, la pêche à la ligne ne me donnait pas la pêche. Il est même fort probable, pour ne pas dire sûr, que les truites aux couleurs de l’arc-en-ciel, aient perçu mon malaise, en ne donnant pas suite à mon ver de contact. Tant bien que mal, j’avançais dans ce dédale d’herbes hautes, de branches basses.
J’étais toujours bredouille, et je trouvais la partie de pêche bien ennuyeuse. Ma provision de vers, même pas à douze pieds s’amenuisait ; les truites s’étaient régalées. Le réal apparaissait au loin, comme un point final à mon initiation à la pêche à la ligne. J’ai réitéré deux ou trois fois l’opération, sans jamais y éprouver un réel plaisir, sinon de parcourir la nature drapée dans son aube de communiante.
Je n’ai jamais pris un poisson de ma vie ; l'eau est trop humide. Je n’ai plus jamais pêché. En tout cas, pas dans ce domaine-là... Je comprends parfaitement que pour la beauté du geste du pêcheur à la mouche, pour cette communion avec la nature, on puisse aimer. Mon frère a adhéré. Moi, c’est la pêche qui ne m’aime pas, et je la lui rends bien.
*Merci à Renaud Séchan, pour les extraits de paroles de cette magnifique chanson, que j'ai mis en exergue : la pêche à la ligne
Ah oui, c'est vrai, c'était aujourd'hui l'ouverture à ce qu'il parait.
RépondreSupprimerPauvre pêcheur, si j'en crois ton récit, je vais de ce pas, prier pour toi.
Merci pour la prière, même si je ne suis pas sûr du tout de l’efficacité ! Je ne me tiens pas au fait des dates de l'ouverture. Je sais juste que c'est dans le mois de mars.
SupprimerJolie entrelacs des vers de Renaud et des tiens. Ta prose poétique m’enchante de bon matin.
RépondreSupprimerSi je comprends bien tu préfères pécher que pêcher …qui pourra t’en tenir rigueur ? Sûrement pas les poissons !
Joli billet !
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Merci ma Célestine ! je suis heureux de t'enchanter avec mes mots. :-)
SupprimerCela t'aura au moins permis de comprendre cela, la pêche n'est pas faite pour toi (sourire). Elle n'a pas réussi à Renaud non plus... Je découvre cette chanson d'ailleurs tout comme celle de Lynda Lemay.
RépondreSupprimerPrès de chez moi, il y a des étangs et lors de balades faites là-bas, il est fréquent de voir des pêcheurs installés parfois pour la nuit, avec leur guitoune et leur réchaud. Je ne sais pas s'ils attrapent beaucoup de poissons mais ils ont l'air heureux d'être là. :-)
Oui, un joli billet, Xoulec. :-)
Bonne fin de journée. Bises de ma plaine bassoise.
Merci pour le "joli billet".
SupprimerJe ne dénigre pas les pêcheurs, une partie de pêche, entre copains, avec tout le cérémonial qui va avec, je ne serais pas contre, si seulement j'aimais la pêche... !
Il y a quelques années, mon frère initia mes enfants, comme il l'avait fait avec moi. Le résultat a été le même. Je les ai emmenés trois ou quatre fois, en étang ; ils n'ont jamais pris un poisson et n'ont pas été mordus plus que ça.
Cela dit, je ne pouvais pas transmettre une passion que je n'ai pas.
Bonne semaine, bises de ma campagne à la ville
https://www.auvergnevacances.com/activites-auvergne/les-etangs-bas-en-basset/
RépondreSupprimerMerci pour le lien. L'endroit semble agréable pour s'y promener, passer un après-midi, siester sous un arbre avec un bon livre.
SupprimerÇa fait un loong moment que je m'interroge sur l'indulgence dont bénéficie le pêcheur à la ligne. Faire couler le sang d'un animal, c'est mal, sauf si c'est un poisson... Y'a un truc qui m'échappe ;-)
RépondreSupprimerLe pêcheur à la ligne a tout simplement meilleure réputation, car il ne pêche pas tout ce qui frétille dans l'eau ; il ne pêche pas en "battu", ne tue pas ses congénères d'un malencontreux coup de canne à pêche... Ne mets pas en danger les promeneurs du dimanche.
SupprimerJe pense que c'est une explication valable. Prendre un poisson, pour améliorer l'ordinaire, me parait plus acceptable que le sort réservé aux animaux de l'élevage intensif. Eux, ne bénéficient pas d'indulgence, ni de chance d'y échapper.
Mais les poissons aussi ont droit à l'élevage intensif... Et les chasseurs que je connais sont tout à fait respectueux de l'environnement et de l'animal, se posant question de ce qu'ils peuvent prélever ou non... Voilà, je me pose la question, hein, c'est tout... Pourquoi le poisson inspire généralement moins de compassion que le chevreuil...
SupprimerMalheureusement, pour les poissons, j'ai vu de mes yeux. Ils ne savent pas ce qu'est un ver de terre !
SupprimerPour le reste, tu me poses une colle. Pourquoi bambi est plus populaire que Nemmo ? Déjà, tout le monde ou presque sait qui est bambi, alors que Nemmo (pas le capitaine, le poisson clown), beaucoup moins de monde connaît.
Petite anecdote véridique.
Je connais personnellement un chasseur, de ma famille. Un jour que je lui recommandais d'être vigilant avec des animaux blessés,il me répondis, dans une moue dubitative, que ce n'était pas tant des animaux dont il avait peur...
C'est ça, justement qui fait peur.
Un question me vient à l'esprit : existe t il des anti pêche comme il existe des anti chasse . Ils prônent tous la souffrance animale. Pourquoi pêcher pour relâcher ? sans trop te connaître , je pense que tu aimes la pêche pour la nature, le calme et le clapot de l'eau sur la berge. Bonne soirée
RépondreSupprimerJe pense que les anti-pêches existent, mais sûrement en moins grand nombre que les chasseurs. En tout cas, ne sont pas audibles.
SupprimerC'est vrai ça, pêcher pour relâcher...! Moi, j'aurais aimé seulement en prendre un. Alors le relâcher...!
Dans ce cas-là, certain diront que c'est pour la beauté du geste. C'est aussi pour affirmer, satisfaire et asseoir plus confortablement la "supériorité" de l'homme sur ce qui l'entoure. J'avoue que je ne comprends pas bien le fait de mutiler plus ou moins gravement une bête, avant de la relâcher. C'est aussi pour ça que je n'ai jamais pu m’intéresser à la pêche.
J'aime plus sûrement la nature, le clapotis de l'eau, le bruit des cascades, le vent dans les arbres, les grands espaces. Mais pas la pêche.
Une bien jolie prose poétique (comme dit Célestine) qui frétille comme un poisson dans l'eau et qui coule comme un torrent de malice.
RépondreSupprimerEt puis quelques trouvailles dont tu as le secret tel que :
«… ne donnant pas suite à mon ver de contact. »
Tu as toujours le sens des formules qui font sourire…
Tu m'as rappelé des souvenirs d'enfance de parties de pêche avec mon père. Je n'ai guère pris de poissons non plus, mais l'essentiel n'était pas là. L'essentiel c'était plusieurs heures seul aux côtés de mon père, dans la présence silencieuse. Des instants rares à contempler un bouchon qui flottait sur une eau hypnotique qui aurait pu réaliser une relation enfin sans stress ni crainte. Rien que quelques heures c'eut été déjà bien.
Mon/mes billets n'ont pas d'autres vocations, que de distraire, faire sourire. Parfois, j'y arrive, parfois moins. Mais, en tout cas, j'y prends plaisir, surtout, quand il me vient une idée de jeu de mots, une trouvaille.
SupprimerCes petits moments d'apesanteur sont toujours trop rares. Ils sont comme des bulles de savon ; dès qu'on les effleure, ils disparaissent. Heureusement, il reste les éclaboussures, qui nous font nous souvenir et ressentir, bien plus tard, le précieux de ces moments-là. J'aurais envie de dire, hélas.
Quelle jolie sortie de pêche qui, si elle ne t'a pas fait les faveurs d'une superbe récompense, nous permet à nous lecteurs de découvrir un nouveau billet plein de poésie.
RépondreSupprimerEn fait, à l'époque, je n'avais pas compris que la récompense était ailleurs que dans la prise d'un poisson. Elle était dans ces moments de calme absolu, juste la nature et nous. J'aurais envie de dire la nature et moi.
SupprimerC'est peut-être à partir de cette époque-là, que j'ai commencé à aimer me promener dans la nature, mais sans tout cet attirail de pêcheur. Juste un bâton de noisetier fraîchement coupé.
En fait, tu es l'équivalent du "chasseur" Delpech ;-)
SupprimerMichel Delpech, le chasseur. Figure-toi qu'en écrivant, cette chanson venait me titiller les oreilles. D’ailleurs, mon texte commence presque pareil.
Supprimer« Il était cinq heures du matin, on avançait dans les marais, couvert de brume.»
Je suis probablement une sorte de chasseur/cueilleur de moments agréables.
Bises Puydomoises
Je n'ai péché qu'une fois dans ma vie, je devais avoir 6 ans. J'ai pris une chose de trois centimètres qui se tortillait et ouvrait la bouche en hurlant sans voix "de l'air, de l'air!" et je me suis mise à pleurer. On a libéré la chose, séché mes larmes et ce fut fini.
RépondreSupprimerCeci dit... ça me semble une occupation si sereine et aimable...
Une expérience comme celle-la peut être traumatisante. Dans de nombreux cas, elle est salutaire pour le poisson.
SupprimerJe conçois parfaitement que l'on puisse aimer. Pour nombre de pêcheurs que je connais, attraper du poisson n'est pas une finalité. ce n'est pas comme dans ce film, qui me faisait, que dis-je, qui me fait rire : ici (clic)