présentation

samedi 15 mars 2025

L'inconnue du calypso

 

Le carrefour était dangereux, c’était un fait. J’empruntais cette route tous les jours, et il n’était pas rare de constater régulièrement les restes d’une collision, ou bien un véhicule accidenté, sur le bas-côté. La priorité, qui était à droite, n’était manifestement pas adroite… Elle se révélait même être un piège fatal. Aussi, après plusieurs années, les autorités compétentes décidèrent de modifier le carrefour. Un superbe rond point, comme il en fleurit, même où il n’y en a pas besoin, vit le jour. Certains disaient que c’était pour em...... ♫♫♫ Le peuple, dans ce cas précis, il s'avérait indispensable.

Il n’y eut plus d’accident grave. De temps à autre, je constatais que quelques automobilistes, épris de vitesse, s’autorisaient à traverser sur le terre-plein central ; la négociation de la nouvelle intersection avait toutes les chances de se terminer dans le champ en contrebas. De deux maux, il fallait choisir le moindre, et ce, en une fraction de seconde.

 

C’était une nuit sans lune, noire comme un Soulages… seules deux raies de lumière, dirigées vers les étoiles, la transperçaient. Dans cet éclat de lumière, je distinguais des badauds qui badaient ; ce qui est le propre des badauds. Mes yeux remontèrent le flux lumineux jusqu’à sa source ; une voiture sur le toit, fraîchement retournée. J’adaptai ma vitesse, et distinguai des ombres, qui n’avaient rien de Chinoises, se mouvant à la lueur de frêles flammes de briquets. 

Je ne voulais pas grossir la foule des curieux, mais, pour m’être retrouvé un jour, ou plutôt une nuit, dans cette situation inconfortable, je décidais de prêter main-forte. Dans le cadre de mon travail, j’avais toujours, dans mon véhicule, une puissante lampe de chantier. Une lampe à l’aide, précieuse… J’apportai donc mes lumières, en allant à la rencontre des ombres de la nuit.

 

- Des blessés, demandais-je ?

- Non, je n’ai rien, répondit la négociatrice malchanceuse.

 

Les flammes vacillèrent et s’éteignirent de concert, tandis que les ombres se dissipaient. La conductrice profita de ce nouvel éclairage pour récupérer quelques affaires. Les téléphones portables n'existaient pas encore, aussi, il fallait se faire secourir par ses propres moyens. Elle se rendait dans la cité des bitords**… moi aussi. Naturellement, elle devint ma passagère. 

En chemin, elle me conta sa mésaventure, sa peur. Le rond-point mal appréhendé ; la force centrifuge qui expulse vers l’extérieur, les roues qui mordent le gravier du bas-côté, et dans l’air du soir, sa Volkswagen s’envola dans les fougères, loin des nénuphars, fin de la ballade...♫♫♫

Vingt minutes plus tard, je la déposais devant le calypso… c’est là que je remarquai son ventre arrondi, et osai un conseil…

 

- C'est gentil de vous inquiéter, merci. Je vais appeler mon mari, ça va aller, merci encore.

 

Chaque fois qu’il m’arrive de passer devant cette enseigne, je repense à mon inconnue, qui sera à jamais mon inconnue du calypso.

 


 

 

samedi 22 février 2025

Métier 2

 

Ce tantôt, je me suis réveillé avec un étrange constat dans la tête. j'ai pas mal de choses à faire, et je ne vais pas avoir assez de temps... Figurez-vous que d'ici la fin de l'année, je n'aurai plus à disposition tous les matériaux et outillages dont peut regorger une entreprise de menuiserie d'agencement... C'est un des avantages que procure l'exercice de mon métier, dans une entreprise conciliante... Cela fait trente ans que je n'ai jamais acheté quoi que ce soit pour satisfaire mes velléités de bricolage. Je vous confierai que je n'ai plus grand-chose à aménager, chez moi ; j'ai fait tout ce qu'il y avait à faire. Actuellement, j'en suis à remplacer mon bureau, que j'avais fait en matériaux de récupération, par un nouveau en bois d'arbre. J'ai toujours été atterré par tout ce qui se jette et se gaspille. Quand je vois ce que je peux en faire d'utile, et fonctionnel, je me l'accapare. Mon nouveau bureau est en vrai bois que j'ai acheté sur un site d'annonce bien connu ; en frêne, une essence que j'affectionne. Cela fait trois mois qu'il est en place, à l'état brut, sans finition, pour qu'il s'adapte à son environnement. J'aime cette façon de procéder qui n'existe pas ou plus. Ce plateau de bureau aura tout le loisir de travailler, de se déformer, d'accuser des petites fentes. Ainsi, avant de procéder à sa finition, je pourrais éventuellement le reprendre pour que le résultat soit impeccable.

J'ai pratiqué de la même manière pour la réalisation de ma table de salle à manger. Composé de quatre panneaux assemblés entre des traverses et ceinturés par des alaises, cette table ne devait souffrir d'aucune malformation.

 

Un des quatre panneaux, brut de débit

 La difficulté était dans la stabilisation dimensionnelle des panneaux. Le bois est un matériau vivant, dont la stabilité varie en fonction de la température et de l'hygrométrie. Le bois doit être sec et en accord avec son lieu d'utilisation. Chaque panneau, ainsi assemblé, prisonnier de ses traverses et alaises ne doit pas ni se rétracter, ni gonfler, par une reprise d'humidité dans l'air. Le résultat serait catastrophique. Une ou plusieurs fentes conséquentes pourraient apparaître, en cas de retrait ; les assemblages pourraient casser, en cas de gonflement. 

Pour ce faire, j'ai réalisé l'ouvrage en deux temps.

- confection des panneaux que j'ai entreposés dans la pièce, pendant neuf mois.

- montage et assemblage de l'ensemble, que j'ai abandonné pour la même durée, au même endroit, pour lui laisser tout le loisir de se déformer à sa guise.



 

Plateau de table, avant  finition

 

Passé ce délai, mon plateau de table n'a pas bougé d'un iota ; c'était beau de voir que ma méthode portait ses fruits. Eh, de beaux fruits, voyez vous-même.

J'en suis assez fier.

 

 

En place, avec son pied central en acier


 

 

dimanche 12 janvier 2025

Plus belle, la vie !

 

Je n'avais rien prévu d'écrire en cette veille d'anniversaire. Cependant, en plein milieu de la veillée, l'inspiration daigna frapper à ma porte. J'ai ouvert...

C'est le message que ne manquera pas de m'envoyer ma sœur N....., qui a réveillé ma plume ; elle me l'envoie assez régulièrement, depuis quelques années : 12 janvier 1985, tu te souviens ?

Eh comment, que je me souviens ! En ce temps-là, j'avais vingt ans...

Une vague de froid sévissait sur la France. Des températures négatives rivalisaient de négativité. Ça ressemblait aux soldes ! Moins dix, moins vingt, moins trente, degrés ou de force. J'étais en permission dans le sud du pays. Pour y avoir vécu, je sais qu'il peut y faire très froid. L'absence de neige était trompeuse, et ne donnait pas l'impression que les routes pouvaient être dangereuses. Elles l'étaient, invisiblement. Dans la grande ligne droite, bordées de platanes et de micocouliers, reliant la terre de Sommières à celles de Fontanes, la voiture ne s'envola pas dans les fougères et les nénuphars... Non pas qu'il n'y en eut point, mais l'humidité générée par la proximité du Vidourle s'était cristallisée sur la chaussée, qui n'était pas aux moines ; la messe allait être dite, amen. La Ford modèle T, comme Taunus, dérapa. Je ne me souviens plus de la vitesse à laquelle je conduisais, assez vite je pense ; trop vite. Trompé par l'absence de neige et mon inexpérience, je perdis le contrôle. J'évitai de justesse un véhicule en sens inverse, tandis qu'un platane décidait de me couper la trajectoire, je contrebraquai prestement, tandis qu'un autre m'attirait à lui. Ça sentait le sapin dans les feuillus. 

Le choc fut très violent. La voiture s'enroula littéralement autour de l'arbre, mue par son inertie, elle pivota, et termina sa course folle dans un mur de pierre du Gard. Celui-ci, parfaitement maçonné, stoppa net toute velléité d'Holiday on ice. 

Le véhicule était fichue, nous étions indemnes, ou presque. 

Seulement deux côtes cassées pour ma sœur N….., qui n'avait rien vu venir. Assise à la place du mort, elle se retrouva instantanément assise derrière moi. Le plus étrange, c'est que le bonnet qu'elle portait, se retrouva à l'extérieur, pendouillant contre la vitre laissée entrouverte de seulement quelques millimètres.

En ce temps-là, j'avais vingt ans, aujourd'hui, j'en ai pile trois fois plus, et mon blog vient de franchir la barre des six.


Pour cette nouvelle année, déjà entamée, je vous souhaite tout ce que 2024 ne vous a pas apporté de bien.