présentation

samedi 27 avril 2024

Rencontre du troisième type...

 

Longtemps, il eut son image de planter dans les yeux. Où qu’il regardait, il la voyait, Au milieu d’une foule, même sentimentale, il lui semblait l’apercevoir. Il savait que c’était impossible, mais il savait aussi que parfois l’impossible peut devenir réalité… Peu à peu, sans s’en rendre compte, son image s’estompa, s’éloigna de sa mémoire, et ses yeux commençaient à penser que ce visage n’était pas si mal dans le décor de sa vie.  

Le temps tira un trait, il l’oublia. Il oublia les traits de son visage, devenu trop flou. De nombreuses années plus tard, par un mystérieux hasard que la vie se chargea de glisser sous ses pas, il apprit qu’elle vivait à deux pas de son lieu de travail. Il est même probable qu’ils se soient croisés, sans se reconnaître.

Il présumait,  qu’après tout ce  temps, il ne saurait. L’image datait d’une autre vie. Son physique, si fortement imprimé dans sa tête, avait peut-être fini par insensibiliser sa rétine.

À la faveur d’un autre de ses coups de hasard, ils se croisèrent. Ils se regardèrent, se dévisagèrent, se reconnurent peut-être. Une sorte de réminiscence d’un lointain souvenir se fit. Il tenta quelques mots : 

« Bonjour, vous êtes celle que je pense que vous êtes ?» Un  « oui » apporta la confirmation attendu. Son visage s’illumina en miroir du sien. Une illumination qui en disait bien plus que des mots. Bien sûr, le temps avait passé, bien sûr, ils avaient changé, bien sûr, ils avaient mené leurs vies respectives. Tout aussi sûrement, ils se jurèrent de se revoir, comme de vieux amis, tout en sachant que cela n'arriverait pas. Comme ses phrases que l’on dit sans conviction. Restons amis.

En partant, il regarda cette vieille cicatrice comme si elle n’était pas sienne, un peu étonné et surpris de redécouvrir le feu d’un ancien volcan, définitivement trop vieux.

 

jeudi 29 février 2024

Train-train

 

- Le train 86787 en provenance de Trifouillis-les-Oies et à destination de Pétaouchnok entre en gare. Veuillez vous éloigner de la bordure du quai et prendre garde à l’ouverture des portes. Ce train dessert, etc, etc.

 

On se souvient toutes et tous de ces annonces diffusées dans les gares. Il y a si longtemps que je n’ai pas utilisé ce mode de transport, que je ne sais plus si cette annonce est encore d’actualité. Mon tout premier voyage fut pour me rendre dans le sud de la France, alors que j’étais très jeune. Le voyage me paraissait plus beau que la destination ; des tunnels, des viaducs, des ouvrages d’art, les gorges de l’Allier si encaissées que seul le chemin de fer s'entremêlait au ciel des Cévennes et à la rivière. Une poignée d'années plus tard, j’utilisais ce moyen de locomotion pour aller, non pas glisser ma peau sous les draps, mais la risquer sous les drapeaux… Le trajet dûment expliqué par le chef de gare en personne, s’aidant d’une sorte de grimoire où figuraient tous les départs et arrivées de tous les trains de France et de Navarre.


- Départ de… à 17h34, arrivée à 19h01. Correspondance pour… à 19h05, arrivée à 20h27. Le temps de s’enfiler un sandwich SNCF, départ imminent à 20h35 pour une arrivée à 22h15.


Pendant 12 mois que dura l’opération, il n’y eut pas un seul dysfonctionnement. Une parfaite mécanique à la précision Helvétique… 25 ans plus tard, la précision n’était plus ce qu’elle était. J’ai dû arrêter de compter les avaries et les framboises… Me revient en mémoire un voyage où la micheline se prit de nostalgie pour la vapeur…

Vitres ouvertes, je regardais les vaches regardant le train, quand je remarquais subrepticement, des relents de fumée noire pas catholiques. À la faveur d’une courbe, je vis que la locomotive crachait du noir comme une usine à charbon. Un pape en devenir conduirait-il le train, pensais-je, en souriant de ma blague ? Ça sentait le roussi ; ça sentait surtout la carafe, et un retard à la clef. Tant bien que mal, nous atteignîmes l’arrêt suivant. Le train s’immobilisa sur une voie de garage, la fumée s’épaissit de relents âcres ; les pompiers étaient sur place pour circonscrire l’embrasement de la loco.

 

J’ai abandonné ce mode de transport, sans regrets. De trains supprimés en horaires décalés, de contrariétés en mouvement inopinés, je devais me rendre à l’évidence, je payais un abonnement, et utilisais ma voiture plus que je n’aurais dû. Puis un jour, je constatais que ma cheffe de gare préférée, que je croisais tous les matins, cinq heures quarante…, une magnifique brune aux yeux non moins magnifiquement bleus, avait été remplacée par un automate qui ne comprendrait rien à mes jeux de mots et autres compliments. Cet appareil, même doté d’une vague intelligence, ne me mettait pas en joie. 

J’abandonnais à contrecœur mes moments  ferroviaires de lecture, remplacés par les chroniques matutinales d’humoristes et autres éditorialistes de la radio. Pour celles et ceux qui ont quelque chose entre les oreilles...


À nous de vous faire préférer le train…

 

 

vendredi 19 janvier 2024

100 ans

Elle aurait eu 100 ans hier. 

Née dans une modeste famille de paysans, de gens du pays, de gens de la terre, elle débuta sa vie sans aller à l'école. Atteinte d'une malformation presque anodine de nos jours, elle fut immobilisée dans son lit. Le bassin contraint par un moulage de plâtre de l'invention d'un médecin qui, selon la presse de l'époque, faisait des miracles ; plus modestement son métier. Pour cela, son père alla à pied, le quérir à plus de cent kilomètres de sa ferme. Elle intégra sa première école à l'âge de dix ans. Entre temps, elle avait appris à lire, à écrire, à s'évader de son lit dans les livres, à compter sans compter. 

Son papa fut un très bon professeur, et lorsqu'elle rejoignit enfin l'école, elle fit l'admiration de son premier instituteur. Elle était première en tout. Sa matière préférée fut tout naturellement le français. Et tout aussi naturellement, elle voulut devenir institutrice, jusqu'à ce qu'une enseignante* lui tînt à peu près ce langage : « Mademoiselle B..., ne vous faites pas d'illusion ! Croyez-vous que l'éducation nationale veuille s'embarrasser d'handicapés ? » 

Cette phrase fut comme un coup de poignard, asséné par une femme, qui ,visiblement, ne savait pas à qui elle avait affaire … Elle ne fit que redoubler sa détermination. L'adolescente aux yeux clairs, quelle était, y serait arrivée, si un événement de taille ne l'en avait empêché... D'ailleurs, il ne pouvait y avoir qu'une deuxième guerre mondiale pour lui barrer le chemin. Sans baccalauréat, elle ne pourrait devenir l'institutrice qu'elle rêvait d'être. Elle aima la terre et la cultiva de toute sa force de caractère. Elle avait une belle plume, et j'aime à croire que j'en ai un peu héritée. Il y a quelques années, à la demande d'une de ses filles, elle écrivit l'histoire de sa vie, à partir de son plus vieux souvenir. C'est un précieux manuscrit de trente pages, dont nous, ses enfants, avons toutes et tous un exemplaire. 

Elle s'est éteinte quand frémit le printemps. Elle aurait eu cent ans hier, ma mère.

 

 

 

Rectificatum 😉​  Visiblement, je n'ai pas hérité complétement de sa plume... J'ai écrit pour moi, et je n'ai pas pensé une seconde que ma dernière phrase pouvait induire une mauvaise compréhension de mon hommage.

Dans ma tête, je pensais : « Elle s'est éteinte quand frémissait son quatre-vingt-huitième printemps. Elle aurait eu cent ans hier, ma mère. »

*Précisium 😉​  Ma mémoire défaille un peu, L'enseignante qui lui tint cet odieux langage n'était ni plus ni moins que la directrice de l'école normale.

lundi 1 janvier 2024

2024

 

 2023 s'est achevée, et je dois reconnaître que je ne suis pas mécontent de la voir disparaître. Il faut que je vous dise, l'année passée a été riche en em......, enfin, en contrariétés. Elle avait pourtant bien commencé, entouré des miens, et puis il y a eu la rencontre fortuite avec un poteau en béton ; l’élément déclencheur du début des ennuis (clic). Je n'ai pas eu de répit, ils se sont enchaînés les uns derrière les autres. Dresser la liste risquerait de devenir plus que rébarbatif, aussi, je vous épargnerai ce supplice. 

 

rencontre fortuite...

 

Heureusement, comme par magie, un des derniers événements a placé sur mon chemin le plus beau des rayons de soleil... Ce n'est pas mentir que de dire qu'à lui seul, il a effacé toute la noirceur accumulée. Je peux même dire qu'il m'a réchauffé le cœur, à la manière  du grand Georges.

Pour cette nouvelle année naissante, je vous souhaite, oui, à vous tous mes lecteurs, une belle année, faite de joies, de peines (mais pas trop),  d'émotions, de rires. Enfin, de vie, tout simplement.

Belle année à toutes et tous


samedi 2 décembre 2023

Coup de chance

 

 

Il y avait une musique qui résonnait au loin, assez diffuse, impossible à identifier précisément. Une sorte de brouhaha musical. Il était tout aussi impossible de localiser la source, tant les notes s’entrechoquaient, se réverbéraient sur les façades des habitations qui m'entouraient, créant des caisses de résonance improvisées. Je ne percevais pas encore cette musique comme un fil conducteur, mais j’y ressentis une sorte de piste à explorer… J’étais parti précipitamment, avec la tête dans les étoiles, à moins qu’elle ne fût un étage plus bas dans les nuages. Le résultat était le même, je flottais dans un monde irréel. Je retombai sur terre lorsque je compris que le confetti sur lequel un numéro de téléphone et un code alphanumérique y figurant, avaient déserté mes poches, alpha-bêta que j’étais. Sans ce précieux sésame, je me voyais déjà faire demi-tour en forme de lapin… 

La petite musique de jour semblait dérouler un fil d’Ariane dans le dédale de ma vie. Faisant confiance à mon intuition masculine, je décidais de suivre, sans trop y croire, le fil de mon histoire.

Jusqu’ici, la chance m’avait plutôt souri, je comptais encore un peu sur elle. J’avais suivi un bien joli mystère jusque dans une ville inconnue. Ainsi planté devant un ensemble d’immeubles, je mesurais la difficulté…

Profitant d’une ouverture inopinée du portail de sécurité, je me glissai à l’intérieur. La deuxième difficulté me cueillit devant une profusion d’interphones. Je n’avais qu’un prénom comme seul guide, autant dire que trouver une aiguille dans une botte de foin aurait été plus facile. J’appuyais, sans conviction, sur plusieurs touches, attentif à un éventuel grésillement caractéristique d’une gâche électrique. Le courant passa, et la bobinette cherra... Instantanément, la musique s’amplifia. J’avalais une première volée de marches, puis deux. Je ne comptais plus, tant je semblais voler au-dessus. Le déclic d’un pêne demi-tour m'arrêta net. Je reconnus ce son, tant j’avais installé de nombreux mécanismes, dans l’exercice de mon métier. Une porte s'entrouvrit, la musique inonda le palier, tandis que le plus beau des sourires  m’accueillit. Des notes au piano, reconnaissables entre mille. Love me, please love me. ♫♫♫ Le message ne pouvait pas être plus clair... Cupidon venait de décocher une de ces flèches mystérieuses, le temps qu’elle atteigne sa cible, elle allait faire mouche.

 

 

dimanche 12 novembre 2023

Juliette

devoir de Lakevio du Gout_177.jpeg 

Je sais bien que j’ai déjà, à moins que ce ne soit Lakevio soi-même, proposé ce sujet à votre imagination.
Mais cette toile de Marc Chalmé m’amène toujours à des supputations.
J’espère qu’il en ira de même pour vous et que vous donnerez libre cours à vote idée, fussent elles farfelues.

 


Il n'en pouvait plus d'attendre. Cela faisait des mois qu'il attendait ce rendez-vous. La patience n'était pas son fort, mais là, c'était différent... Quand il vit apparaître les plus belles jambes de la création, son cœur ne fit qu'un tour. Il aurait voulu courir vers elle, mais une inspiration soudaine le stoppa net. Il saisit sa guitare, improvisa un texte, et se mit à chanter. 

Une chanson était née.