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vendredi 27 décembre 2024

Nuit magique

 

Je ne sais pas si tous les Noël sont magiques ! Je sais seulement que parfois, une magie opère ; cela m’est arrivé un jour, ou plutôt une nuit. La nuit de Noël.


Nous étions parties précipitamment, sans véhicule approprié, ni matériels spécifiques. L’entreprise dans laquelle j’officiais avait eu la bonne idée d’envoyer toutes ses équipes en déplacement, dans les différents chantiers de la région. Après avoir dégoté un véhicule et un semblant de matériel, affublé d’un coéquipier, nous partîmes pour la capitale Auvergnate, exécuter le dernier chantier de l’année. Par chance, nous travaillerions au chaud, à l’intérieur ; ce n’est pas toujours le cas. Le chantier ne s'annonçait pas facile. Si j’en avais réalisé la fabrication de la pièce maîtresse, je n’aimais pas en faire l’installation.

Mettre en place un comptoir de bar n’est pas la chose la plus aisée. Je déteste travailler confinés dans les quatre mètres carrés de l’arrière d’un bar, où s’affairent menuisiers, plombiers, électriciens, brasseurs et autres corps de métier du bâtiment. En un mot, c’est le b…..  Mais laissons cela, car la magie n’était pas là.

Tant bien que mal, nous terminâmes la pose de l’ouvrage, avec le soutien d’autres équipes venues nous rejoindre. Le patron du lieu était ravi, et nous offrit le champagne, mais pas que… La soirée ne faisait que commencer, et sur ces entrefaites, nous quittâmes tardivement ce lieu pour un autre du même acabit, en plein cœur de la cité estudiantine. Nous fîmes la fermeture à une heure avancée de la nuit. Pour le retour, j’avais troqué mon véhicule contre un autre de l’entreprise, et récupéré au passage, deux passagers supplémentaires.

Nous étions maintenant quatre personnes dans un véhicule conçu pour trois. En tant que chauffeur, je n’étais pas à l’étroit. Il n’en était pas de même pour mes trois loustics quelque peu éméchés.

Tout aurait été pour le mieux si, pour le retour, je n’étais pas tombé sur un barrage de police… P…. Zut, m’exclamais-je ! Le plus naturellement du monde, je l’évitais en bifurquant vers la seule autre issue possible. C’est à ce moment-là qu’ils me repérèrent. C’était suspect !

Sans que je ne m’en aperçoive vraiment, ils nous emboîtèrent le pas. La question qui me taraudait, était de savoir à quel moment ils allaient nous arrêter ? La réponse fusa à la vitesse de la lumière, ou plutôt à la vitesse de la Renault 21 Nevada. Le véhicule de la BAC nous serra façon Starsky et Hutch, mais sans solo de guitare électrique... En une fraction de seconde, cinq policiers surgirent et prirent position. Je me voyais déjà terminer la nuit du réveillon au poste de police, d’autant plus que j’avais quasiment brûlé un feu rouge. Un test d’alcoolémie n'aurait pas arrangé les choses...

Ils invitèrent mes collègues à descendre du véhicule, en appuis contre la camionnette, une fouille en bonne et due forme fut pratiquée. Pas d’invitation pour moi. Stoïque, je restais au volant et fournissais les documents demandés, en délivrant moult réponses aux questions posées. Leur dire que notre chantier était une brasserie ne me paraissait pas être une bonne idée, cependant, c’était la seule vérité. J’ai dû être convaincant, puisque mes acolytes, presque dégrisés, furent invités à regagner leurs places. Tandis que les policiers se concertaient quant à l’issue à donner à leur intervention, j’imaginais mon permis s’envoler. Je n’attendis pas longtemps. Ils me rendirent mes précieux sésames en me recommandant de faire très attention à mes passagers en surnombre. Un “joyeux Noël” accompagna le geste, alors que je remerciai très sincèrement. 

Je pense que c’est cette nuit-là, que la magie opéra.

 

 

samedi 30 novembre 2024

Carrière de la vie

 

C’est au cours d’une intervention sur un chantier, dans le cadre de mon activité professionnelle, que je découvris ce que deviennent ce que l’on appelle communément les CV. Celui que j’avais entre les mains, après être passé entre celles de mon patron, sans y être resté, servait ni plus ni moins de papier brouillon. Au verso, figuraient les coordonnés des différents chantiers sur lesquels je devais intervenir, assortis des tâches à effectuer, agrémentées de petits croquis explicatifs, afin de trouver plus facilement les lieux précités.

Naturellement, ma curiosité fut attirée par le côté obscur de la chose. C’était clair, sobre, épuré, ordinaire, peut-être trop ! Quelconque. 

C’est probablement pour cette raison qu’il n’avait pas retenu d’attention particulière. Quoi qu’il en fut, il me fit penser immédiatement à ceux que j’ai eus à rédiger au cours de ma vie. Rassurez-vous, la liste n’est pas longue ; je n’en ai produit que trois ou quatre, pas plus. Tous écrit à la main, sans machine ni traitement de texte, en unique exemplaire à chaque fois ; je n’utilisais pas de photocopieuse. C’est dire de la patience dont je faisais preuve ; je m’en étonne encore !

Toutes les fois où j’ai présenté ce type de document, ma candidature a été retenue. Le tout premier, alors que je ne savais pas comment le rédiger, que je n’avais pas une grande expérience professionnelle, que j’étais un jeune parmi d’autres, a retenu toute l’attention de mon futur employeur. Je suis persuadé que ce fut par son originalité. Il n’était pas du tout conventionnel. Il ressemblait trait pour trait, presque mots pour mots, à celui que j’ai écrit un jour dans un commentaire* chez Célestine (clic).

Afin de vous éviter de chercher, et pour satisfaire votre curiosité, je vous le livre directement dans toute son originalité. J’en étais assez fier.


- Après de brillantes études à HEC (hautes études communales), j'ai ambitionné le dur métier de cultivateur de plants sur la comète. Hélas, la comète s'en est Halley...

Suivant un conseil qui n'avait pas encore été inventé, je traversai la rue et fis la connaissance d'un décrocheur de lune. Re-hélas, il n'y avait qu'une seule lune à décrocher...

Je n'avais encore jamais rempli de CV et pour ce faire (à dix sous), je devins éstirgouilleur de méninges, métier prenant et passionnant.

Je travaillais alors sur des textes écrits par une fée à la pilule dorée... Chaque billet de sa composition, tout doucement, insidieusement, me virent cumuler l'emploi d'émerveilleur de nuit.

De fil en aiguille, en allant plus loin que l'autre côté de la rue, je me suis mis à parcourir la France comme un compagnon de devoir, sans les contraintes. Je suivis donc ma copine Margot à Millau... où je devins écornifleur en bouquet, puis décoinceur de bulles.

J'appris ensuite le métier exotique d'allumeur de rêves berbères, déguiseur de jolies vaches à Honfleur (clic), pêcheur de congres à Tulle, vendeur de wok à Sion. Je franchis pour l'occasion quelques frontières... Au hasard d'une rencontre, je fus musicien dans un orchestre, trois fois hélas, je fus licencié, car j'enchaînais trop de canards, sans café...

Je m'étais donné du mal, pourtant ! J'avais même pour l'occasion changée mon nom. Rémi Lassol, accordeur de violons d'ingres. Dingue, nom ? Cela en jetait sur ma carte de visite !

Je me reconvertis donc comme soigneur dans un marineland à Antibes. Emploi qui fit jazzer, là-bas (clic) . Pour couronner le tout, je faisais flipper les dauphins...

Je m’essayai aussi à distilleur de larmes de crocodiles, dans une ferme drômoise (clic). Ces bêtes-là me faisaient peur et leurs larmes ne sont pas très saines...

Vint ensuite la basse saison où je pus exercer le métier de débardeur de charmes, dans une forêt de tronc-hais, un métier à tomber (clic) , mais aussi pourfendeur de bûches, à Noël.

Parallèlement, j'aimais beaucoup ces petits boulots, de plieur de rire, brouilleur de cartes, agitateur de bocal, juste avant de bifurquer vers une autre place : grossiste en fourberies d'escarpins. C'était le pied, même pas nickelé...

Bon an, mal an, je faisais comme mon père, trente-six métiers, trente-sept misères, qu'il disait ! Ma vie était devenue une pépinière d'entreprise, où la rêverie n'était pas cantonnée…

Ah oui, j’oubliais ! Je pratique plus souvent le dur métier de blanchisseur de pages…

 

* Pour retrouver le commentaire dans son intégralité :

command f sur mac , taper xoulec dans la barre de recherche

ctrl f sur windows , idem 

 

dimanche 13 octobre 2024

Pan, sur le bec !

 devoir de Lakevio du Goût_195.jpg

 

195ème Devoir de Lakevio du Goût

 

 

 

 

 

Cette toile de Mark Keller me rappelle quelque chose et m’inspire un conte.
Mais à vous ?
Qu’inspire-t-elle ?
On le saura peut-être lundi…

 

 

 

Grand-père aimait beaucoup jouer du violon. Ce n’était pas du goût de tout le monde. Les oreilles sensibles s’abstenaient de l’écouter. Malgré son acharnement à vouloir animer les fêtes, dans les villages alentour, il n’arrivait pas à captiver son public. Faut dire qu’au mieux, il n’arrivait qu’à extirper de son crin-crin, des grincements douloureux aux tympans. Ceci explique cela. 

Le dimanche après-midi, grand-père était toujours de très bonne humeur, lorsqu’il se rendait sur les bords de Marne, et nul ne savait vraiment pourquoi ? Ce n’était sûrement pas l'insuccès de la veille… Aussi, j’étais curieux de savoir ce qui le mettait en joie. Je décidais donc de le suivre, à pas feutré, me faufilant ici et là pour ne pas me faire repérer. Ainsi, je découvris que papy était un sacré cachottier. Privé d’auditoire, il jouait merveilleusement bien du violon. Mais le plus extraordinaire, c’est que l’harmonie qu’il créait avait le pouvoir d’attirer les animaux à lui. Veaux, vaches, cochons, couvée, basse et haute cours, tous venaient écouter sa musique. C’était magique. 

Par un savant coup d’archet sur les cordes sensibles, une vraie-fausse note jaillissait de la table d’harmonie. C’était un signal… Le plus audacieux des canards montait alors sur le petit muret, s’approchait  du musicien, semblait lui parler dans un langage incompréhensible. Mon pépé riait alors aux éclats, et se mettait aussitôt à interpréter la fameuse danse des canards… Sans exception, tous les animaux se mirent à secouer le bas des reins. C’était drôle. Irrésistible, surtout quand ils essayèrent de faire coin-coin, dans tous les coins. 

Un éclat de rire déchira la cacophonie, et je fus découvert. Mon papy adoré me fit jurer de ne jamais révéler son secret de son vivant. Ce que je fis jusqu'à ce jour.

 

 

dimanche 29 septembre 2024

stairway to heaven

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193ème Devoir de Lakevio du Goût.

 

J’aime particulièrement l’automne mais que vous inspire-t-il ?
Certains lieux me remuent le peu d’âme qui me reste, surtout celui-ci que j’ai parcouru tant de fois.
Êtes-vous plus « Ô bruit doux de la pluie, par terre et sur les toits »
Ou « Longue comme des fils sans fin, la longue pluie
Interminablement, à travers le jour gris, »
Êtes vous plus branchés Verlaine ou Verhaeren ?
Ou êtes vous simplement vous et vos rêves ou vos idées ?
À lundi, j’espère

 __

 

Chaque fois qu’il revient sur les hauts de la butte. Il s’arrête, contemple ces escaliers où tout a commencé… Un brin nostalgique, il se revoit, quarante ans plus tôt, les grimpant deux par deux, tant sa jeunesse lui donnait des ailes pour rejoindre son amoureuse aux jupons plein d’trous… Quarante ans qu’il ne les gravit plus, car il sait mieux que personne que ces escaliers sont durs aux miséreux. Il en a fait la douloureuse expérience, le jour où il les « déradoura »*. Un lacet mal lacé, la chaussure gauche entrava la droite, les jambes, via les pieds, perdirent leurs mobilités et le reste du corps bascula. Il ne put se retenir, et dégringola toutes les marches sans prendre le temps de les compter, ni de souffler, trop occupé à essayer de freiner sa cascade. Il se voyait déjà finir sa course folle façon puzzle… Caresse d’opale dans son corps brisé… 

Le chirurgien qui le rafistola n’avait jamais vu ça ! Seulement trois côtes cassées et un visage tuméfié, des hématomes un petit peu partout sur le corps.

 

-  « Vous avez eu beaucoup de chance, monsieur » lui déclara t-il !

 

De la chance, il n’en manqua pas, lorsqu’il découvrit que l’infirmière qui s’occupait de lui était un ange, et ses yeux étaient verts… Comme il lui sourit, elle ne put contenir un fou-rire devant le spectacle que lui offrait son patient. Un semblant de sourire qui ressemblait beaucoup à la grimace qu’aurait pu faire éléphant-man se muant en Michel Bernardin, alias Coluche dans le film “banzaï” (clic), le tout en technicolor, façon grand schtroumpf.

Malgré son apparence, plutôt repoussante, elle tomba sous son charme bien caché. Voilà quarante ans qu’ils marchent côte à côte sous les ailes des moulins qui, c’est bien connu, protègent les amoureux... 

Chaque fois qu’ils viennent à Paris, ils ne manquent jamais de venir sur les hauts de la butte. Là, il sent sa menotte qui cherche sa main, et sous la caresse, il ressent une ivresse qui l’anéantit.

 

 

* déradourer : mot patois de chez moi qui signifie, dégringoler. 

 

 

dimanche 11 août 2024

Le charme de l'été

 

 

Photo du net

 

C’était en septembre, quand l’été remet ses souliers, lorsque le soleil s’endort sous l’olivier… C’était en septembre, juste avant que l’école ne reprenne, ne nous retienne prisonnier entre ses murs pour nous distiller un minimum d’instruction. C’était en septembre, quand la rosée du matin hésite à se lever, parce qu’elle sait qu’elle ne va pas tarder à retomber. Quand les jours se font plus courts, quand le soleil peine à réchauffer l’air de l’été finissant. C’était en septembre que l’on récoltait ce que l’on avait semé. 

Ce tantôt, en regardant une tornade de poussière traverser un champ, les souvenirs me revinrent. Une tornade de poussière odorante masquait complètement la machine qui la générait. Je n’ai pas le souvenir d’autant de pollution. Par contre, le parfum, lui, ne souffrait d’aucun doute. C’était le parfum des souvenirs de l’enfance. Le parfum des moissons.

Le soleil d'août et le vent de septembre avaient mûri patiemment le blé qui n’était plus en herbe, ce trésor doré à souhait, que ces mêmes vents des hauts plateaux du Cantal faisaient onduler en vagues chamoirées aux reflets soyeux. On aurait pu s’y baigner, tant cela semblait doux aux yeux et à l’âme.

Des machines énormes, à nos yeux d’enfants, inventées par le sieur Mac Cormick, œuvraient bruyamment dans les champs ; engloutissant par l’avant les hectares de culture, recrachant par l’arrière de la paille d’or, retenant dans ses flancs la précieuse récolte. Un coup de klaxon signalait que son ventre n’en pouvait plus. Alors mon père, au volant de son vieux tracteur, amenait la remorque au plus près du monstre.

Un flux hypnotique s’amorçait, le grain coulait à flots. Le parfum du blé chaud, gorgé de soleil est toujours très présent en moi, je le reconnais chaque année.

Le réchauffement climatique, ou bien l’amélioration des semences, font que les moissons ont lieu désormais, en juillet et août. En septembre, maîtres moissonneurs et saisonniers retournent à leur vrais métiers… 

S’ensuivait une tâche des plus pénibles. Si la mise en sacs pouvait être confiée aux plus jeunes, monter les tonnes de blé incombait aux hommes. Je revois mon père, le sac sur les épaules, suer à grosses gouttes pour gravir les vingt-six marches de l’escalier qui menait au grenier. Le plus important, disait-il, est de bien répartir la charge et d’adapter la bonne cadence. Il ajoutait, non sans humour, que c’était la dernière marche la plus haute. Pour avoir porté, moi aussi, des sacs de grain, un peu moins lourds, je peux dire qu’en fait, toutes les marches sont hautes… Heureusement, cette pénibilité a disparu. Les céréales sont désormais stockées dans des silos de plain-pied, remplis mécaniquement. Autres temps, autres mœurs. Pourtant, j’aimais l’odeur qui imprégnait sa personne, étrange alchimie du blé, mêlé d’effort, de sueur, dont le sac en toile de jute était le témoin.

Nous produisions toutes nos céréales, sans aucun traitement chimique. Blé, orge, froment, avoine. Les veaux, vaches, cochons, couvées, mangeaient cent pour cent biologiques. 

 

 

vendredi 19 juillet 2024

La mort aux trousses

 

Récemment, en traversant cette bourgade du Cheix-sur-Morge (clic), un lointain souvenir émergea à la surface de ma mémoire ; une histoire abracadabrantesque.


Lorsqu’il repéra la voiture, il ne sut dire depuis combien de temps elle était derrière lui. Un étrange malaise s’empara de sa personne ; un pressentiment qui n’augurait rien de bon. Une impression qui se renforça dès lors qu’il reconnut la marque, le modèle et la couleur du véhicule en question. Sur cette route à double sens de circulation, toutes les voitures se suivaient ; il n’y aurait donc pas eu lieu de s'inquiéter plus que ça. Malgré tout, un semblant de paranoïa s’installa en une multitude de questions. Pourquoi le suivait-on ? Comment l’avait-on identifié ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Un début de réponse naissait dans son cerveau qui fonctionnait à plein régime.  Quelques mois plus tôt, il s’était  sorti d’une sorte de  guêpier qui portait magnifiquement la guêpière… Il présumait donc que ça n’avait pas été du goût de tout le monde…

Aussi, il faisait très attention et était très attentif à ce qui l’entourait. Le plus calmement possible, tout en conduisant sa voiture sportive, il élabora un plan.

Tout d'abord, ne pas céder à la panique, faire fonctionner ses neurones, ne pas montrer qu’il avait repéré la filature. Il connaissait la route par cœur et trouva rapidement où et comment faire pour savoir s’il était réellement suivi. Tel Sean Connery dans le film Octobre rouge, il opérera la manœuvre dite “Yvan le fou”. Un tour sur lui-même pour vérifier avec certitude la véracité de ses craintes. Juste après le cimetière où Fernand Raynaud perdit la vie (clic), il bifurqua à droite.  À l’intersection suivante, encore à droite, et enfin au quatre chemins, une dernière fois à droite pour revenir sur sa route principale.

La voiture suiveuse le suivait toujours. Il commença à avoir peur ; à jouer avec le feu, vous connaissez la suite…

Dans son cerveau en ébullition, il échafauda un plan pour mettre fin à la filature. Il n’aurait aucun mal à semer son poursuivant ; sa voiture, le moment venu, libérerait toute la puissance de ses chevaux. Le vieux diesel de son poursuivant ne pourrait faire le poids. Il lui fallait simplement trouver le bon scénario. l’action se déroulerait dans la capitale du pneumatique, dans un quartier qu’il connaissait bien.

Au feu rouge, la voiture de la même couleur se tenait à deux voitures de la sienne. Il savait que la synchronisation des feux tricolores lui serait favorable. Il démarra en trombe, atteignit le feu suivant à l’orange bien mûre, continua sur sa lancée, tourna brusquement à droite, en brûlant plus qu’une étape... Il se perdit dans un labyrinthe de petites rues. Son poursuivant n’aurait aucune chance de le retrouver. Il respira enfin, tandis que d’autres questions l’assaillaient. Il reprit sa route en direction de ses montagnes protectrices, et trouva en partie des réponses plausibles, qui le rassurèrent. Il n’était pas très fier de lui, aussi, il ne parla jamais, à quiconque, de cette mésaventure. Qui l'aurait cru ? 

D’ailleurs, il avait lui-même du mal à y croire, au point de se demander s’il ne l’avait pas rêvé. Il ne fut plus jamais inquiété.

le rêve et la réalité peuvent avoir parfois de bien étranges connections !

 

 

 


dimanche 16 juin 2024

L'amitié

J'écrirai, probablement un jour, un texte sur l'amitié. Pour l'heure, et pour rendre hommage, je n'ai que cette chanson à me mettre sous la dent, enfin, à vous proposer.

Probablement celle que je préfère de cette artiste. De plus, elle (la chanson) a juste mon âge. Elle n'a pas pris une ride, moi oui.

samedi 18 mai 2024

Lecture

 

« Il faut lire » 

 

C’est ce que n’arrêtait pas de dire ma prof de français que je n’aimais pas. Il faut lire. Oui d’accord, mais quoi ? Du temps que j'usais mes fonds de culottes sur les bancs de l’école primaire, les éventuelles lectures venaient à nous dans un bibliobus. Une bibliothèque sur roues. Il fallait suivre les injonctions de mes nombreuses maîtresses d’école. Il faut lire, il faut prendre des livres. Je ne savais pas lesquels, et cette opération devenait une torture. Je me rabattais sur les Tintin et Milou, Astérix et Obélix, le clan des sept. Des trucs faciles à lire. Je lisais peu ou pas du tout.

Puis au collège, il fallait encore lire. Des classiques obligatoires. C’est probablement le mot “obligatoire” qui m'indisposait, à moins que ce ne fut le côté "classique". Lorsque les études eurent fini de me poursuivre, je n’ai plus ouvert un livre.

Paradoxalement et aussi bizarrement que cela puisse paraître, j’ai toujours été attiré par les librairies, par les trésors qu’elles recelaient, ceux-là même qui me voyaient empêtré avec, comme une poule qui aurait trouvé un couteau. Puis un jour, un livre m’attira irrésistiblement, comme un aimant.

Matière à rire*, d’un maître des mots, qui jouait avec… J’ai feuilleté, j’ai aimé. Ce fut le tout premier livre que je m’achetai. Puis, beaucoup plus tard, j’en reçu un en cadeau d’adieu : Le grand meaulne (avec une chaussure noire), aimais-je à rajouter. Dès lors, j'ai compris ce que je pouvais trouver dans les livres, et j’ai su orienter mes choix. D’abord, pour occuper l’esprit, ensuite, parce que j’y ai pris goût. Pour apprendre à apprivoiser mes lectures, je suis passé par la case des romans policiers et autres thrillers, j'y suis d'ailleurs, toujours fidèle. Des auteurs connus et maîtres du genre. De temps en temps, j’alterne, avec des histoires plus douces ; rien à l’eau de rose, je déteste. 


Je viens de terminer deux superbes livres qui dardaient leurs pages sur l’étagère de la bibliothèque municipale. Il y avait longtemps que j’avais noté le titre dans ma liste de livres à lire. Et voilà t'y pas que ce livre n’était pas seul, sa suite l’y côtoyait. Dès la première page, j’ai été emporté dans un tourbillon. J’ai dévoré. Je ne divulguerai rien du contenu. Enfin si, beaucoup d'émotions, de ces émotions fortes qui vous tirent les larmes malgré vous. Des larmes de tristesse, de joie, d’horreur aussi, mais également de bonheur, de grand bonheur qui vous élève, d’espoir.

J’ai dû faire plusieurs pauses, afin que la tension retombe, et autant pour écrire ce texte, en alternance, par épisodes. J’entends presque ma petite sœur me charriant en me traitant de femmelette… Parce qu’un homme, ça ne pleure pas. Quelle connerie ! 

Dès les premières lignes de ces livres, le ton est donné. 

 - Ils sont l’histoire romancée de mes grands-parents, à partir du récit que ma grand-mère n’a jamais pu achever, tant l’horreur de ce qu’elle avait vécu finissait par s’étrangler de sanglots, dixit l’auteur : Ian Manook.

 C’est fort, c’est prenant, bouleversant. A celles et ceux qui ont le cœur bien accroché, qui aiment les belles histoires, je recommande.


Ian Manook : L’oiseau bleu d’Erzeroum - Le chant d’Haïganouch

 

 

 

*Matière à rire : Raymond devos
 

samedi 27 avril 2024

Rencontre du troisième type...

 

Longtemps, il eut son image de plantée dans les yeux. Où qu’il regardait, il la voyait, Au milieu d’une foule, même sentimentale, il lui semblait l’apercevoir. Il savait que c’était impossible, mais il savait aussi que parfois l’impossible peut devenir réalité… Peu à peu, sans s’en rendre compte, son image s’estompa, s’éloigna de sa mémoire, et ses yeux commençaient à penser que ce visage n’était pas si mal dans le décor de sa vie.  

Le temps tira un trait, il l’oublia. Il oublia les traits de son visage, devenu trop flou. De nombreuses années plus tard, par un mystérieux hasard que la vie se chargea de glisser sous ses pas, il apprit qu’elle vivait à deux pas de son lieu de travail. Il est même probable qu’ils se soient croisés, sans se reconnaître.

Il présumait,  qu’après tout ce  temps, il ne saurait. L’image datait d’une autre vie. Son physique, si fortement imprimé dans sa tête, avait peut-être fini par insensibiliser sa rétine.

À la faveur d’un autre de ses coups de hasard, ils se croisèrent. Ils se regardèrent, se dévisagèrent, se reconnurent peut-être. Une sorte de réminiscence d’un lointain souvenir se fit. Il tenta quelques mots : 

« Bonjour, vous êtes celle que je pense que vous êtes ?» Un  « oui » apporta la confirmation attendu. Son visage s’illumina en miroir du sien. Une illumination qui en disait bien plus que des mots. Bien sûr, le temps avait passé, bien sûr, ils avaient changé, bien sûr, ils avaient mené leurs vies respectives. Tout aussi sûrement, ils se jurèrent de se revoir, comme de vieux amis, tout en sachant que cela n'arriverait pas. Comme ses phrases que l’on dit sans conviction. Restons amis.

En partant, il regarda cette vieille cicatrice comme si elle n’était pas sienne, un peu étonné et surpris de redécouvrir le feu d’un ancien volcan, définitivement trop vieux.

 

jeudi 29 février 2024

Train-train

 

- Le train 86787 en provenance de Trifouillis-les-Oies et à destination de Pétaouchnok entre en gare. Veuillez vous éloigner de la bordure du quai et prendre garde à l’ouverture des portes. Ce train dessert, etc, etc.

 

On se souvient toutes et tous de ces annonces diffusées dans les gares. Il y a si longtemps que je n’ai pas utilisé ce mode de transport, que je ne sais plus si cette annonce est encore d’actualité. Mon tout premier voyage fut pour me rendre dans le sud de la France, alors que j’étais très jeune. Le voyage me paraissait plus beau que la destination ; des tunnels, des viaducs, des ouvrages d’art, les gorges de l’Allier si encaissées que seul le chemin de fer s'entremêlait au ciel des Cévennes et à la rivière. Une poignée d'années plus tard, j’utilisais ce moyen de locomotion pour aller, non pas glisser ma peau sous les draps, mais la risquer sous les drapeaux… Le trajet dûment expliqué par le chef de gare en personne, s’aidant d’une sorte de grimoire où figuraient tous les départs et arrivées de tous les trains de France et de Navarre.


- Départ de… à 17h34, arrivée à 19h01. Correspondance pour… à 19h05, arrivée à 20h27. Le temps de s’enfiler un sandwich SNCF, départ imminent à 20h35 pour une arrivée à 22h15.


Pendant 12 mois que dura l’opération, il n’y eut pas un seul dysfonctionnement. Une parfaite mécanique à la précision Helvétique… 25 ans plus tard, la précision n’était plus ce qu’elle était. J’ai dû arrêter de compter les avaries et les framboises… Me revient en mémoire un voyage où la micheline se prit de nostalgie pour la vapeur…

Vitres ouvertes, je regardais les vaches regardant le train, quand je remarquais subrepticement, des relents de fumée noire pas catholiques. À la faveur d’une courbe, je vis que la locomotive crachait du noir comme une usine à charbon. Un pape en devenir conduirait-il le train, pensais-je, en souriant de ma blague ? Ça sentait le roussi ; ça sentait surtout la carafe, et un retard à la clef. Tant bien que mal, nous atteignîmes l’arrêt suivant. Le train s’immobilisa sur une voie de garage, la fumée s’épaissit de relents âcres ; les pompiers étaient sur place pour circonscrire l’embrasement de la loco.

 

J’ai abandonné ce mode de transport, sans regrets. De trains supprimés en horaires décalés, de contrariétés en mouvement inopinés, je devais me rendre à l’évidence, je payais un abonnement, et utilisais ma voiture plus que je n’aurais dû. Puis un jour, je constatais que ma cheffe de gare préférée, que je croisais tous les matins, cinq heures quarante…, une magnifique brune aux yeux non moins magnifiquement bleus, avait été remplacée par un automate qui ne comprendrait rien à mes jeux de mots et autres compliments. Cet appareil, même doté d’une vague intelligence, ne me mettait pas en joie. 

J’abandonnais à contrecœur mes moments  ferroviaires de lecture, remplacés par les chroniques matutinales d’humoristes et autres éditorialistes de la radio. Pour celles et ceux qui ont quelque chose entre les oreilles...


À nous de vous faire préférer le train…

 

 

vendredi 19 janvier 2024

100 ans

Elle aurait eu 100 ans hier. 

Née dans une modeste famille de paysans, de gens du pays, de gens de la terre, elle débuta sa vie sans aller à l'école. Atteinte d'une malformation presque anodine de nos jours, elle fut immobilisée dans son lit. Le bassin contraint par un moulage de plâtre de l'invention d'un médecin qui, selon la presse de l'époque, faisait des miracles ; plus modestement son métier. Pour cela, son père alla à pied, le quérir à plus de cent kilomètres de sa ferme. Elle intégra sa première école à l'âge de dix ans. Entre temps, elle avait appris à lire, à écrire, à s'évader de son lit dans les livres, à compter sans compter. 

Son papa fut un très bon professeur, et lorsqu'elle rejoignit enfin l'école, elle fit l'admiration de son premier instituteur. Elle était première en tout. Sa matière préférée fut tout naturellement le français. Et tout aussi naturellement, elle voulut devenir institutrice, jusqu'à ce qu'une enseignante* lui tînt à peu près ce langage : « Mademoiselle B..., ne vous faites pas d'illusion ! Croyez-vous que l'éducation nationale veuille s'embarrasser d'handicapés ? » 

Cette phrase fut comme un coup de poignard, asséné par une femme, qui ,visiblement, ne savait pas à qui elle avait affaire … Elle ne fit que redoubler sa détermination. L'adolescente aux yeux clairs, quelle était, y serait arrivée, si un événement de taille ne l'en avait empêché... D'ailleurs, il ne pouvait y avoir qu'une deuxième guerre mondiale pour lui barrer le chemin. Sans baccalauréat, elle ne pourrait devenir l'institutrice qu'elle rêvait d'être. Elle aima la terre et la cultiva de toute sa force de caractère. Elle avait une belle plume, et j'aime à croire que j'en ai un peu héritée. Il y a quelques années, à la demande d'une de ses filles, elle écrivit l'histoire de sa vie, à partir de son plus vieux souvenir. C'est un précieux manuscrit de trente pages, dont nous, ses enfants, avons toutes et tous un exemplaire. 

Elle s'est éteinte quand frémit le printemps. Elle aurait eu cent ans hier, ma mère.

 

 

 

Rectificatum 😉​  Visiblement, je n'ai pas hérité complétement de sa plume... J'ai écrit pour moi, et je n'ai pas pensé une seconde que ma dernière phrase pouvait induire une mauvaise compréhension de mon hommage.

Dans ma tête, je pensais : « Elle s'est éteinte quand frémissait son quatre-vingt-huitième printemps. Elle aurait eu cent ans hier, ma mère. »

*Précisium 😉​  Ma mémoire défaille un peu, L'enseignante qui lui tint cet odieux langage n'était ni plus ni moins que la directrice de l'école normale.

lundi 1 janvier 2024

2024

 

 2023 s'est achevée, et je dois reconnaître que je ne suis pas mécontent de la voir disparaître. Il faut que je vous dise, l'année passée a été riche en em......, enfin, en contrariétés. Elle avait pourtant bien commencé, entouré des miens, et puis il y a eu la rencontre fortuite avec un poteau en béton ; l’élément déclencheur du début des ennuis (clic). Je n'ai pas eu de répit, ils se sont enchaînés les uns derrière les autres. Dresser la liste risquerait de devenir plus que rébarbatif, aussi, je vous épargnerai ce supplice. 

 

rencontre fortuite...

 

Heureusement, comme par magie, un des derniers événements a placé sur mon chemin le plus beau des rayons de soleil... Ce n'est pas mentir que de dire qu'à lui seul, il a effacé toute la noirceur accumulée. Je peux même dire qu'il m'a réchauffé le cœur, à la manière  du grand Georges.

Pour cette nouvelle année naissante, je vous souhaite, oui, à vous tous mes lecteurs, une belle année, faite de joies, de peines (mais pas trop),  d'émotions, de rires. Enfin, de vie, tout simplement.

Belle année à toutes et tous